Gilbert Meynier dénonce la «nostalgérie»

Gilbert Meynier dénonce la «nostalgérie»

El Watan, 24 octobre 2010

Lors de sa conférence sur l’historiographie de l’Algérie, vendredi aux Débats d’El Watan, Gilbert Meynier, loin d’être un coutumier de la dénonciation, a vertement critiqué le livre de Patrick Buisson sur la colonisation française en Algérie, La Guerre d’Algérie, paru en décembre 2009. Selon lui, Sarkozy a fait preuve de subjectivité et de «nostalgérie». «L’histoire s’écrit en confrontant des documents d’origine différente», précise M. Meynier, pour qui Patrick Buisson a fait l’apologie de l’armée française en se référant à son «si formidable effort», «une guerre sans nom», «à la conquête des esprits et des cœurs»… «Les harkis au service de la France»…

«L’armée gagne la guerre», «la France perd la paix», sans compter «les hommes bleus et l’or noir» qui donne l’occasion de célébrer l’un des «combats de légende» du véritable héros du livre, le général – alors colonel – Bigeard, ce sont autant de points noirs du livre de Patrick Buisson relevés et dénoncés par Gilbert Meynier. Pour lui, le livre de Buisson répond à un souci électoraliste. Le but de tels discours idéologiques est, pour cet historien français de renom, de blanchir et de magnifier l’Algérie française en maniant une rhétorique procédant de l’esprit missionnaire et de la réhabilitation du fait colonial.
Développant une vision tout autre de l’histoire de la colonisation de l’Algérie, M. Meynier, qui est revenu, au cours de son intervention, sur les inégalités et la violence du système colonial, a mis en exergue «le narcissisme français».

Selon lui, le pouvoir colonial a durement employé la politique du «diviser pour régner» en créant le «mythe kabyle».
Le système colonial, de par ses nombreuses injustices, a toujours axé sur l’élément racial pour désunir le peuple algérien. M. Meynier a également souligné que la littérature coloniale a toujours présenté le Français comme «racialement supérieur» à l’Algérien, considéré comme sans culture ni civilisation.
Revenant sur le travail sur l’histoire, M. Meynier a précisé qu’un historien n’a rien à faire avec la «diabolisation». Pour lui, l’identité n’existe pas ; il y a plutôt identification provisoire. Il met en valeur la diversité de l’Algérie, soulignant l’existence de plusieurs sources d’identification. Pour lui, l’Algérie est riche de toutes ses identités qu’elle doit pleinement assumer.

Mokrane Ait Ouarabi