P.Dupont: «Notre attention est particulière pour la région oranaise»

Philippe Dupont, président-directeur général du groupe Banques Populaires, au Quotidien d’Oran

«Notre attention est particulière pour la région oranaise»

par Propos Recueillis Par Hamid Guemache,Le Quotidien d’Oran, 5 novembre 2007

Philippe Dupont, président-directeur général du groupe Banques Populaires, se trouvait samedi en Algérie.En compagnie de ses proches collaborateurs, dont le président de la Coface et le directeur général de Natixis Algérie, il a visité Alger et Oran.

Dans la capitale économique de l’Ouest, le patron du groupe Banques Populaires, Philippe Dupont, a rencontré de nombreux opérateurs économiques locaux et des autorités locales. Dans cet entretien, Philippe Dupont explique les projets de son groupe en Algérie, son intérêt pour l’Ouest algérien et le Crédit populaire d’Algérie (CPA).

Le Quotidien d’Oran: Quel est l’objet de votre visite en Algérie dans le contexte actuel, marqué par le processus de privatisation du CPA qui touche à sa fin ?

Philippe Dupont: Nous avons d’abord un objectif, qui est de rencontrer nos clients. A Oran, où nous sommes implantés depuis maintenant plusieurs années, notre objectif est de rencontrer un certain nombre de clients de Natixis. Et puis naturellement de parler du groupe Banques Populaires qui est la société mère de Natixis. Le groupe Banques Populaires est un groupe coopératif, qui est aujourd’hui l’un des grands acteurs de la banque de proximité en France. Et ce groupe, qui est propriétaire avec les Caisses d’Epargne de Natixis, souhaite concourir pour la privatisation du CPA. Et dans le cadre de notre voyage, nous souhaitions également insister sur la présence de la Coface, une société qui nous appartient et qui vient de fêter sa première année de présence en Algérie. Tous ces éléments conjugués ont motivé ce déplacement pour nous permettre d’aller à la rencontre des autorités et de l’ensemble des représentants du monde économique.

Q.O.: Votre groupe est présent dans l’Ouest algérien à travers Natixis Algérie. Il souhaite se développer davantage dans cette région. Qu’est-ce qui explique cet intérêt pour l’Oranie ?

P. D.: Notre attention est particulière pour ce bassin de développement qui est la région oranaise, qui nous paraît être l’une des régions en fort développement de l’Algérie de demain. Nous avons bien l’intention, soit à travers Natixis, soit à travers le CPA, d’accélérer le développement en y prenant part.

Q.O.: Le gouvernement a remis, fin octobre, aux banques candidates pour le rachat du CPA les documents nécessaires pour l’établissement des offres techniques et financières. Quels sont vos commentaires ?

P. D.: Je crois que nous sommes dans la fin du processus de privatisation du CPA. Bien évidemment, nous allons répondre en fonction du cahier des charges qui nous a été remis. Nous remettrons une offre qui sera conforme au business plan que nous avons réfléchi dans le cadre du groupe Banques Populaires pour nous permettre de développer le CPA dans les prochaines années.

Q.O.: Le marché bancaire algérien intéresse votre groupe et attire de nombreuses banques étrangères. Quelles sont, selon vous, les raisons de cet intérêt des banques étrangères pour le marché bancaire algérien ?

P. D.: L’Algérie est un grand pays qui a des ressources qui lui permettent aujourd’hui d’avoir des équilibres fondamentaux macro-économiques pour de nombreuses années.

A partir du moment où ce pays a ces perspectives-là, il est intéressant d’accompagner la population algérienne dans ses besoins en matière financière et bancaire, d’assurance et d’immobilier. Et c’est l’objet évidemment pour nous d’accompagner le développement de cette économie qui a de bons fondamentaux dans le cadre duquel il faut moderniser l’ensemble des processus.

Q.O.: Le gouvernement a levé l’interdiction faite depuis 2004 aux entreprises et organismes publics de déposer de l’argent chez les banques privées. Quelle votre réaction ? Cette décision est bonne ou mauvaise ?

P. D.: L’abrogation de la circulaire (Ouyahia) est une bonne décision pour le CPA. Elle va permettre effectivement à la banque qui sera détentrice du CPA plus tard de pouvoir continuer à financer les entreprises publiques.

Q.O.: Le financement par les banques privées des projets à long terme pose problème en Algérie. Les banques n’ont pas la possibilité de se refinancer sur les marchés financiers.

P. D.: Aujourd’hui en Algérie, on ne peut pas financer de grands projets à long terme. Nous n’avons pas accès aux marchés financiers pour le refinancement. Nous pensons que dans l’avenir, il faudra engager, le moment venu, une réforme qui permettra d’avoir une profondeur sur le marché financier qui permette de financer les infrastructures sur 20 ou 30 ans. Et pour ce faire évidemment, un certain nombre de solutions existent. Les éléments ne sont pas réunis aujourd’hui, mais nous pensons que dans un proche avenir, on pourra avoir accès aux marchés financiers algériens qui permettra de financer encore plus sur des périodes plus longues l’ensemble des infrastructures.

Q.O.: Peut-on connaître les grandes lignes de votre projet industriel pour le CPA ? Est-ce que vous allez proposer au gouvernement son intégration au groupe Banques Populaires ?

P. D.: Notre objectif, c’est de préserver le CPA comme une société, comme nous en avons aujourd’hui un peu partout en France et dans le monde, qui garde son identité, sa personnalité, sa marque qui se développe sur son marché avec toutes les synergies que nous lui apporterons grâce à nos filiales françaises, nos filiales étrangères, les filiales de Natixis également afin que véritablement le CPA puisse conserver une âme. Nous voulons apporter notre connaissance de la petite entreprise au CPA.

En France, nous sommes numéro un de la création d’entreprises. Le groupe Banques Populaires a été créé par et pour des entrepreneurs. Nous avons l’esprit d’entreprise. Nous représentons aujourd’hui l’ensemble des métiers de la banque universelle à travers 18 banques populaires. En France, nous avons 2.800 agences. Nous consacrons 7 à 8% de notre la masse salariale à la formation pour permettre à nos salariés d’avoir une vraie culture du risque. Nous considérons la privatisation du CPA comme une opération stratégique. Si nous échouons, nous continuerons notre développement en Algérie.

Q.O.: Est-ce que vous êtes intéressés par l’ouverture du capital de la Banque de développement local (BDL) ?

P. D.: Pour l’instant, nous n’envisageons pas d’autres alternatives. Soit à travers le CPA, si nous serons retenus. Nous avons d’ailleurs un grand projet industriel pour cette banque. Ou éventuellement à travers le développement de Natixis Algérie dans les marchés de la banque de détail. En Afrique, nous avons deux banques. L’une au Cameroun et l’autre au Congo. Et nous voulons nous développer en Algérie pour accompagner l’ensemble de l’économie algérienne.


Les Français misent sur l’ouest

par Hamid Guemache

Pour renforcer ses positions économiques en Algérie, la France mise sur l’Oranie. L’ouest du pays a accueilli, ces derniers jours, de hauts responsables économiques et politiques français. A peine une semaine s’est écoulée après la visite à Oran du ministre français Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, la capitale économique de l’ouest accueille un haut responsable bancaire français. Le président-directeur général du groupe Banques Populaires, Philippe Dupont a en effet passé la soirée de samedi dernier à Oran, en compagnie d’hommes d’affaires locaux. Le patron de l’un des plus grands acteurs bancaires à l’échelle de la planète est venu surtout écouter les attentes des entreprises privées et délivrer un message politique aux autorités algériennes. Devant une assistance composée essentiellement de patrons de sociétés privées, M. Dupont a réaffirmé l’intérêt de son groupe pour le Crédit populaire d’Algérie et le marché bancaire algérien. Lors de cette visite, le patron du groupe Banques Populaires a officialisé la création à Oran d’une direction régionale de Natixis Algérie, l’une des filiales de Banques Populaires. Cette direction régionale sera dirigée par Djilali Djamel Djelil. Objectif : se développer rapidement en Oranie, avec l’extension du réseau d’agences et le développement de la banque de détail. Deux nouvelles agences sont programmées sur Oran. Déjà présente à Tlemcen et Sidi Bel-Abbès, Natixis Algérie compte s’implanter à Mascara, Mostaganem, Mohammadia, Arzew et Relizane. Pour y arriver, elle mise sur le secteur privé et les cadres locaux. « Nous avons l’un des meilleurs portefeuilles clients de la région », se vante un responsable de Natixis Algérie.

Avec sa grande culture commerciale et industrielle, l’ouest présente d’importantes opportunités d’affaires aux investisseurs étrangers. Et les Français veulent occuper le terrain, avant l’arrivée des Espagnols, des Italiens et les investisseurs du Golfe. La création au niveau du Consulat général de France à Oran d’une antenne économique vise à faciliter aux hommes d’affaires français l’accès au marché et la prospection de l’Oranie. Pour les spécialistes, l’ouest constituera dans les prochaines années, la destination privilégiée des investisseurs étrangers. La saturation d’Alger et de sa région en matière de foncier industriel et d’infrastructures d’accueil devra en effet profiter à Oran et sa région. La construction en cours de l’autoroute est-ouest qui passe près d’Oran, la modernisation des lignes de chemins de fer et la création de deux pôles pétrochimiques à Tiaret et Béni-Saf sont des atouts de taille. A cela s’ajoute la présence du port pétrolier et gazier d’Arzew. L’Algérie ambitionne de créer une véritable industrie pétrochimique autour de ses trois zones industrielles. « La pétrochimie est une affaire de PME », explique un économiste. A la pétrochimie s’ajoute deux secteurs importants : l’agriculture et les services. L’augmentation des prix des matières premières agricoles comme le lait, les céréales devra inciter les investisseurs à investir davantage dans l’agriculture. La proximité de l’Europe offre également d’importantes possibilités d’exportation des produits agricoles. La SNCM vient de lancer une ligne maritime hebdomadaire entre Sète et Oran et mise sur les exportations agricoles algériennes pour la rentabiliser.

Toutefois, l’ouest aussi riche qu’il soit, n’est pas un terrain facile pour les investisseurs. Certes, les perspectives sont prometteuses, mais comme partout en Algérie, les difficultés actuelles sont nombreuses. Les opérateurs rencontrés à la Foire internationale d’Oran (23-30 octobre) se plaignent du peu d’intérêt de la part des autorités locales au développement de l’investissement. Les terrains sont certes plus disponibles qu’Alger, mais le marché du foncier industriel est complètement destructuré. Les prix sont aléatoires. Les barrières d’accès sont nombreuses : corruption, bureaucratie et manque de transparence dans l’attribution des terrains. Le développement du marché parallèle, le manque de la main-d’oeuvre qualifiée, les retards du secteur bancaire sont les autres obstacles qui se dressent sur le chemin des investisseurs nationaux ou étrangers.