Consensus et contrats Sarkozy : un dosage calculé

Consensus et contrats Sarkozy : un dosage calculé

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 5 décembre 2007

La visite de Sarkozy, contrairement aux prévisions alarmistes, se déroule comme prévu: entre un dosage calculé de politique et de business.

Le contexte ayant été balisé par la polémique qui a précédé son arrivée à Alger, Nicolas Sarkozy pouvait se permettre de faire quelques constats élémentaires sur la période coloniale en guise de signal d’ouverture sur le passé colonial. A l’évidence, il a saisi au vol un des constats de la pétition algéro-française sur le fait que le système colonial a été l’antithèse des valeurs proclamées de la République française «liberté, égalité, fraternité». «C’est le travail de mémoire que je suis venu proposer au peuple algérien», a déclaré le président français en souhaitant que les historiens algériens et français enquêtent «ensemble» sur l’histoire tourmentée des deux pays afin que «les générations à venir puissent, de chaque côté de la Méditerranée, jeter le même regard» sur ce passé.

Il entend faire du «renouveau» de la relation entre les deux pays une «priorité» et que la France est prête «à regarder en face cette partie de notre histoire et à la considérer sans tabou, y compris dans ce qu’elle a de plus sombre», a déclaré Nicolas Sarkozy.

On est loin de la reconnaissance réclamée par les pétitionnaires qui semblent avoir donné de l’inspiration au président français mais il en dit suffisamment pour permettre à ses interlocuteurs algériens de dire, à l’image de Yazid Zerhouni, que cela «va dans le bon sens», que c’est un «progrès» tout en notant que ce n’est pas «assez». A l’évidence, la partie algérienne a évité de trop s’appesantir sur le sujet qui fâche. Le président Bouteflika a choisi par exemple de dire sa reconnaissance aux Français «qui nous ont apporté leur aide et leur solidarité aussi bien durant notre guerre de libération que dans les moments difficiles que nous avons vécus».

LA REFONDATION, ENCORE UNE FOIS

De l’histoire commune, il appelle à «en tirer le meilleur parti» pour les deux peuples et «plus particulièrement pour notre jeunesse qui, pour ne pas porter la responsabilité du passé, en subit néanmoins la pression et les conséquences, et se trouve en droit de prétendre à un avenir de paix, de solidarité et de prospérité différent du présent qu’elle a reçu en héritage». L’heure est donc au consensus diplomatique, comme s’il fallait démontrer que cette visite qu’on présentait sous de mauvais auspices se déroulait dans les meilleures des conditions. Le président français, dans un discours politique pesé, a pris l’initiative d’aborder le sujet le jour de son arrivée, devant les entrepreneurs, sur un ton suffisamment ouvert, pour contenter quelque peu ses interlocuteurs, sans pour autant trop s’éloigner de ses positions passées. Toute la journée a été dans ce ton où l’on cherche l’apaisement. Le Sahara Occidental ? Le président Bouteflika l’évoque en rappelant que l’Algérie a acquis son indépendance par l’exercice du droit à l’autodétermination en ajoutant qu’il croyait savoir que la France a toujours préconisé le respect du droit international et du droit de tous les peuples à l’autodétermination. Le projet d’Union méditerranéenne de Sarkozy est accueilli avec un préjugé favorable mais on attend que soient précisés «ses contours, ses objectifs et la place qu’il prendra au côté des organismes qui sont déjà en place et qui rassemblent les pays des deux rives de la Méditerranée». Nicolas Sarkozy a souhaité une «refondation» des relations entre l’Algérie et la France. C’est à l’ordre du jour depuis plus d’une décennie cette «refondation». Mais apparemment le mot est aussi attrayant qu’obscur. En parallèle à cette journée politique très consensuelle, les entreprises françaises ont engrangé des contrats de près de 5 milliards de dollars. C’était un but non caché de la visite. Nicolas Sarkozy a fait son «job» pour les entreprises de son pays.