Cri d’alarme à l’occasion du 23e sommet France-Afrique

Cri d’alarme à l’occasion du 23e sommet France-Afrique

“L’Afrique sera anéantie dans 25 ans si…”

Par : R. N./Agences, Liberté, 3 décembre 2005

C’est le président de la Commission de l’Union africaine (UA) en personne qui tire la sonnette d’alarme à propos des plaies qui ravagent le continent.

Quelque 53 pays africains dont l’Algérie sont conviés à participer au traditionnel sommet France-Afrique, sommet qui se tient au Mali et dont les travaux devraient débuter aujourd’hui. Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement du continent africain sont ainsi attendus au Palais des congrès de Bamako où se tiendra cette importante réunion à laquelle prendra part le président français Jacques Chirac. L’Algérie, indique-t-on, sera représentée par son ministre des affaires étrangères, M. Mohamed Bedjaoui, en l’absence du Président Bouteflika, toujours hospitalisé à Paris jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse.
Notons qu’à l’ordre du jour de ce 23e sommet, un thème central : la jeunesse africaine. D’ailleurs, l’intitulé officiel de la réunion le souligne : “La jeunesse africaine, sa vitalité, sa créativité, ses aspirations.”
Aspirations qui se résument, il faut le dire, à l’immigration par tous les moyens et à tout prix pour fuir des pays incléments qui n’offrent aucune autre perspective que la misère et la mort. Dernièrement, cette même jeunesse a défrayé la chronique à travers le drame des candidats à l’immigration, molestés sur les chemins tortueux de l’eldorado européen. Rappelons-nous ces terribles images de migrants tentant de forcer les barbelés des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, et dont beaucoup sont morts empalés sur ces fils acérés. Autre thème essentiel : les conflits qui déchirent certains pays comme la Côte-d’Ivoire et le Soudan, dans la région du Darfour où 180 000 à 300 000 civils ont trouvé la mort.
Plus de 60% des Africains (quelque 900 millions d’habitants) ont moins de 25 ans, assurent les statistiques. Un réservoir explosif pour qui sait endiguer ce potentiel magnifique. Hélas, bien souvent, cette énergie se retourne contre elle-même et devient une force d’autodestruction. L’Afrique cumule tous les handicaps. Le continent reste ancré dans la pauvreté, et le sida y poursuit ses ravages : l’Afrique subsaharienne abrite plus de 60% des personnes vivant avec le HIV, soit 25,8 millions de malades.
Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, a été alarmiste sur le thème de la pauvreté et de l’immigration. “L’Afrique va brûler et sera anéantie dans les 25 prochaines années si rien n’est fait pour y endiguer la pauvreté”, a-t-il averti jeudi depuis l’Afrique du Sud. “Aujourd’hui nous avons des centaines de milliers de personnes errant dans la brousse et le désert, essayant de trouver une porte de sortie : bientôt ils seront des millions car l’Afrique s’appauvrit de plus en plus”, a ajouté M. Konaré.
Le chef de la diplomatie algérienne, Mohamed Bedjaoui, a insisté, lors de la réunion préparatoire des ministres des AE d’Afrique et de France, qui a eu lieu jeudi au Mali, sur la nécessité d’encadrer et d’orienter la jeunesse africaine par les pouvoirs publics. Le ministre a rappelé que les jeunes africains ont clairement défini, lors du forum de la jeunesse africaine, tenu les 8 et 9 novembre dernier à Bamako, leurs préoccupations, aspirations et problèmes auxquels, a-t-il ajouté, “nous devons apporter toute notre attention”, soutenant que le partenariat euro-africain pour un développement authentique de l’Afrique est la seule solution à la problématique de l’émigration. Il a appelé dans le même sens la communauté internationale à soutenir les efforts consentis par l’Afrique, dans le cadre du Nepad, pour atteindre les objectifs du millénaire. Abordant le thème du patrimoine culturel, le ministre d’État algérien, ministre des affaires étrangères, a mis en exergue la nécessité de promouvoir la ratification de la convention sur le patrimoine immatériel à laquelle l’Algérie a déjà adhéré, soulignant que l’Algérie “est prête pour accueillir un centre régional pour la promotion et la sauvegarde du patrimoine commun immatériel”.
De son côté, la France veut voir dans ce sommet l’occasion d’extrapoler sa crise des banlieues au terrain africain, en particulier les pays maghrébins, gros exportateurs d’immigrés durant la présence coloniale. L’intifadha des banlieues a mis à nu les difficultés d’intégration des jeunes originaires d’Afrique et du Maghreb comme elle est venue durcir encore plus la politique d’immigration menée par la France sous la conduite de Nicolas Sarkozy.
En l’occurrence, Jacques Chirac ne manquera pas de ramener le débat sur le terrain économique en plaidant pour un appui au développement du continent afin d’encourager les jeunes à rester dans leur pays d’origine au lieu de se perdre sur les sentiers incertains de l’exil.
Par ailleurs, ce sommet doit être une nouvelle occasion pour Paris, dont la politique est contestée dans certaines de ses ex-colonies, comme au Togo et en Côte-d’Ivoire, d’afficher sa doctrine d’un “partenariat” avec l’Afrique, notamment en appuyant les efforts de l’UA pour créer une force de maintien de la paix à l’horizon 2010.

R. N./Agences