La bataille pour les législatives commence

A quatre mois du scrutin :

La bataille pour les législatives commence

par Youcef Brahimi, Le Jeune Indépendant, 7 décembre 2007

La préparation des délicates listes électorales pour les législatives de mai prochain va occuper militants et directions des partis politiques qui, normalement, exception faite peut-être du FFS, se jetteraient avec toutes leurs forces dans la course pour arracher des sièges à l’APN et prétendre à des portefeuilles ministériels.

En nommant, en mai dernier, Abdelaziz Belkhadem au poste de chef du gouvernement, le président de la République a montré qu’il entendait répondre à une tradition, et non à une obligation, qui veut que la direction du gouvernement échoie au parti majoritaire.

Donc, sauf revirement de la part du président Bouteflika, le poste de chef de gouvernement, après les législatives de mai prochain, devrait revenir au parti majoritaire ou à une personnalité issue d’une coalition de plusieurs partis.

C’est donc un juste retour à une logique de gouvernance instaurée depuis la création du poste de chef de gouvernement en 1989 mais jamais clairement appliquée. En 1989, le président Chadli Bendjedid, sous la pression des événements d’octobre 1988, avait choisi feu Kasdi Merbah sans tenir compte de l’avis du FLN qui détenait l’ensemble des sièges de l’APN.

Mouloud Hamrouche puis Sid Ahmed Ghozali se succédèrent avec la même logique. En l’absence d’une assemblée élue et au plus fort des événements, l’ancien chef d’Etat Ali Kafi n’a pas dérogé à la règle instaurée par Bendjedid en offrant le poste à son ami Belaïd Abdesselam puis à Réda Malek.

L’arrivée de Liamine Zeroual en tant que président d’Etat puis de président élu a enraciné la tradition qui lui a permis de nommer Mokdad Sifi puis Ahmed Ouyahia, alors directeur de cabinet à la présidence, ensuite Smaïl Hamdani. Malgré l’Assemblée populaire nationale remise sur pied, mais sous contrôle du RND grâce à la fraude massive, Zeroual n’a pas jugé utile de charger ce parti de proposer un chef de gouvernement.

Le RND perd la majorité, son chef nommé chef du gouvernement Abdelaziz Bouteflika a adopté la même logique que ses prédécesseurs. Le maintien de Smaïl Hamdani puis la nomination d’Ahmed Benbitour, sans appartenance partisane, confirme la règle.

Lorsque Ali Benflis, alors directeur de cabinet du président Bouteflika, fut nommé chef du gouvernement en août 2000, le FLN était encore minoritaire à l’APN. Il en sera ainsi en mai 2003, lorsque Bouteflika, contre toute attente, a fait appel à Ahmed Ouyahia, chef du RND, pour succéder au trop ambitieux et impatient Ali Benflis, devenu secrétaire général du FLN.

Entre-temps, le RND a perdu la majorité à l’APN, à la faveur du raz-de-marée du FLN en 2002. Ce n’est donc qu’en mai 2006, 17 ans après l’instauration du multipartisme et du poste de chef de gouvernement, qu’un président de la République revient à la règle non écrite de l’équilibre des pouvoirs en offrant le poste de chef de gouvernement au chef du parti majoritaire à l’APN.

Dès lors, il est permis de penser que le pays s’est débarrassé du complexe du régionalisme qui imposait au chef de l’Etat en exercice le maintien de l’équilibre, lors du choix du chef de gouvernement, par rapport aux origines du président du Conseil de la nation, du président du Conseil constitutionnel et du président de l’APN, les trois personnalités citées, dans l’ordre, par la Constitution comme potentiels remplaçants du Président en cas de vacance du pouvoir.

C’est donc en tenant compte de cette donne capitale que les partis politiques s’apprêtent à entamer la délicate phase de choix des candidats à la candidature avant le dépôt des listes dans trois mois. Comment barrer la route aux indépendants ? Trois mois pour déblayer le terrain, mettre en place les modalités de candidature, éviter de trop mettre les cooptés, s’assurer que les candidats ne sont pas sous le coup de procédures judiciaires et, enfin, mettre en place une stratégie pour barrer la route à la menace des indépendants.

Les partis qui devraient avoir des chances de remporter des sièges sont logiquement peu nombreux. Citons le FLN, le MRN, le RND, le MSP, le PT, le FNA, le RCD et le FFS. Face à eux, une cohorte de candidats indépendants qui pourraient créer la surprise en devenant la deuxième force politique du pays derrière un FLN, donné grand favori, qui a achevé laborieusement sa restructuration.

Pour rappel, lors des élections législatives de 2002, le ministère de l’Intérieur avait déployé toutes ses connaissances bureaucratiques pour éliminer, administrativement, le maximum de candidats indépendants, dont le plus illustre est Djilali Mehri.

Mais même en déployant ces stratagèmes, Zerhouni ne put empêcher une vingtaine de candidats indépendants d’arracher des sièges. En 2007, il sera difficile – mais pas impossible – au ministère de l’Intérieur de rééditer le coup de 2002 afin de freiner les transfuges des partis traditionnels ou les hommes d’affaires, portés par «le fruit de la croissance», de briguer des mandats en tant qu’indépendants.

Le FFS aux abonnés absents ! Avec un secrétaire général au poste de chef du gouvernement et un président de la République comme fidèle partisan, le FLN devrait rééditer l’exploit de 2002, voire légèrement le dépasser au détriment du RND qui fera les frais de son absence sur le terrain, du flou de sa ligne politique et, surtout, de l’impopularité de son SG qui traînera longtemps ses décisions injustes et impopulaires lorsqu’il était à la tête du gouvernement.

Le FLN devrait aussi capitaliser les résultats visibles de la rente : hausse des salaires, reconstitution de la classe moyenne, amélioration du pouvoir d’achat… Le MRN d’Abdallah Djaballah, malgré la crise qui a failli le pulvériser, et grâce à ses distances avec le pouvoir, tentera de capter l’électorat islamiste qui vote.

Le fait de n’avoir pas participé au gouvernement donnera au MRN une longueur d’avance sur son rival le MSP, champion de l’entrisme, embourbé dans une coalition dont, hormis des privilèges de pacotille, il tire peu de profit stratégique.

Le Parti des travailleurs, qui a su habilement recentrer son discours populiste, le FNA de Moussa Touati, qui excelle toujours dans le travail de proximité, le RCD qui aspire achever sa traversée du désert, ont tous des chances de siéger en juin prochain dans l’hémicycle Rabah-Bitat.

En revanche, les nouvelles du Front des forces socialistes, pas très bonnes, militent peu pour la participation de ce parti en plein déclin et perdant cadres et militants. Ainsi donc, sauf changement de cap spectaculaire de la part d’Aït Ahmed, le FFS continuera à se confiner dans une suicidaire politique de la chaise vide.

Quel avenir pour l’alliance ? Bien que cela semble précoce et malgré les assurances de Belkhadem, les observateurs se posent déjà la question sur le devenir de l’alliance présidentielle autour du programme du président Bouteflika.

Sera-t-elle enterrée après les élections de mai ? Sera-t-elle au contraire maintenue ? Et si c’est le cas, sera-t-elle composée comme aujourd’hui du trio FLN, RND et MSP quels que soient leurs scores respectifs ? Ou au contraire englobera-t-elle les trois ou quatre partis vainqueurs ? Enfin, il serait intéressant de savoir si Abdelaziz Belkhadem, qui s’est présenté à la presse lors de sa nomination en mai 2006 en tant coordinateur de l’action gouvernementale, sera reconduit en cas de victoire de son parti et s’il aura, cette fois-ci, les mains libres pour former son gouvernement ?! Y. B.