Les législatives restaurent l’hégémonie du vieux FLN en Algérie

Les législatives restaurent l’hégémonie du vieux FLN en Algérie

Abed Charef, Maghreb Emergent, 12 Mai 2012

L’Algérie n’a pas subi la vague verte. Bien au contraire, c’est le traditionnel FLN qui a raflé la mise lors des élections législatives du 10 mai, reléguant les islamistes de l’Alliance verte loin derrière lui. Et si la participation a légèrement augmenté, grâce à la multiplication des candidatures, c’est le système électoral en vigueur qui a eu un effet inattendu, en laminant les indépendants et les petits partis.

Alors que le président Abdelaziz Bouteflika avouait, lors de la commémoration du 8 mai, à Sétif, que sa génération « est arrivée à sa fin », le FLN revient en force et rafle la mise lors des élections législatives du 10 mai 2012. C’est l’un des grands paradoxes de ce scrutin, qui peut être interprété de deux manières diamétralement opposées. Pour Abdelaziz Belkhadem et les siens, le FLN a remporté une victoire écrasante, et reste la colonne vertébrale de la vie politique du pays. Mais vu sous un autre angle, le scrutin révèle que l’Algérie n’a rien créé depuis le FLN, et que ce parti, malgré l’indigence de sa pensée et de sa gestion, continue de dominer la vie politique du pays. C’est dire à quel point la vie politique s’est dégradée.

Au plan des résultats, le FLN a frôlé la majorité absolue, remportant 220 sièges sur les 469 mis en jeu. Il a fait élire 68 femmes. 68 sièges, c’est précisément le nombre total de sièges obtenu par le Rassemblement National démocratique (RND) du premier ministre Ahmed Ouyahia, partenaire du FLN dans la coalition gouvernementale et dans l’alliance présidentielle, arrivé en deuxième position.

L’Alliance verte, réunissant trois partis islamistes, n’a quant à elle réalisé qu’un score modeste, avec quarante-huit sièges. L’effet « vague islamiste » consécutif au printemps arabe n’a visiblement pas joué en Algérie. Les protestations des dirigeants de l’Alliance verte dénonçant une « fraude massive » n’ont pas eu d’écho, le principal parti islamiste, Hamas, dirigé par Bouguerra Soltani, étant au gouvernement sans discontinuer depuis plus de quinze ans.

Pour son retour aux élections, le Front des Forces Socialistes de Hocine Aït-Ahmed a remporté 21 sièges, un score modeste, en-deçà de ses ambitions. Même s’il a conforté son assise dans ses fiefs de Kabylie, où il est arrivé en tête, ainsi qu’à Alger, où il a remporté cinq sièges.

Les indépendants, qui se sont portés candidats hors des grands appareils électoraux, ont de leur côté été laminés. Hommes d’affaires, affairistes, barons locaux et dissidents de partis traditionnels qui ont choisi la dissidence ont été balayés.

Effets dévastateurs du mode de scrutin

Avec la large victoire du FLN, la seconde surprise du scrutin a été le système électoral adopté pour ces élections législatives, et ses effets qu’aucun candidat n’a sérieusement anticipés. Le ministère de l’intérieur, rappelle-t-on, a agréé une trentaine de partis et facilité la multiplication des candidatures. Le résultat a été un émiettement exceptionnel des voix entre des candidatures très nombreuses, avec une moyenne de quarante listes par wilaya. Dans le même temps, le système électoral, avec la proportionnelle intégrale, prévoit l’élimination de toute liste n’obtenant pas cinq pour cent des suffrages. Ceci a eu pour effet de ne valider que les listes disposant d’un solide appareil électoral.

Quant au gouvernement, il a partiellement gagné son principal pari, celui de la participation, qui a atteint 42 pour cent, un taux meilleur que celui de 2007. Ce n’est pas la fraude qui a donné ce résultat, mais plus probablement le pari tenté et gagné par le ministre de l’intérieur Daho Ould Kablia : en ouvrant la participation à tous, à travers notamment l’agrément d’une trentaine de nouveaux partis en un mois, et en facilitant les démarches pour toutes les candidatures, le ministère de l’intérieur a fait progresser le taux de participation, car chaque nouvelle liste de candidats garantissait le vote d’une nouvelle clientèle.

Ouyahia en position délicate

Revers de cette participation : l’élection a été fortement folklorisée, avec l’apparition de listes sans assise, sans programme, basée sur la seule ambition d’un candidat. Des vidéos postées sur le net ont permis de relever l’indigence des candidatures, dont les interventions ont été diffusées par la télévision algérienne.

Par ailleurs, le résultat des élections législatives met de facto le premier ministre Ahmed Ouyahia dans une situation délicate. Son parti n’a que 68 députés, alors que le FLN en a 220. Dans un système normal, la démission de M. Ouyahia s’impose de fait, même si le président Bouteflika choisit de maintenir l’alliance FLN-RND pour aller au bout de son mandat.

Enfin, M. Adelaziz Belkhadem, qui parait arithmétiquement comme le grand vainqueur de l’élection, se met en orbite pour la présidentielle de 2014, mais il se place, désormais, comme l’une des principales cibles de tous ceux qui briguent la succession de M. Abdelaziz Bouteflika. M. Belkhadem aura tout le loisir de juger de l’inconfort de cette position.