Bouteflika et Zapatero scellent une nouvelle amitié

Bouteflika et Zapatero scellent une nouvelle amitié

Un plan du gouvernement espagnol pour la coopération économique avec Alger

Le Quotidien d’Oran, 26 février 2005

« Mon ami Zapatero», d’un côté, «ma profonde satisfaction», de l’autre. Grands sourires et échanges d’amabilités, Bouteflika et Zapatero ont exprimé leur contentement mutuel quant au déroulement de la 2e réunion de haut niveau algéro-espagnole, tenue dans une ambiance détendue au Palais de la Moncloa, à Madrid. Relations bilatérales, coopérations sectorielles et grands dossiers internationaux, l’Algérie et l’Espagne se sont réjouies de «la similitude des points de vue» sur les principaux thèmes abordés. De nombreux dossiers ont connu des avancées durant leur tête-à-tête et les réunions ministérielles sectorielles qui se sont tenues au siège du gouvernement espagnol. Cinq ministres algériens, des Affaires étrangères, de la Justice, de l’Energie, des Finances, des Transports, ont participé aux réunions. La rencontre s’est déroulée, selon le président du gouvernement espagnol, dans «les meilleures conditions possibles». Dans une déclaration commune, Bouteflika et Zapatero ont relevé le «climat de confiance empreint d’amitié, d’entente et de grande compréhension mutuelle qui traduit la maturité des relations algéro-espagnoles». Le royaume ibérique a réitéré, dans ce cadre, son engagement dans l’appui «actif et solidaire» au processus de réformes et à la politique de réconciliation nationale ainsi qu’au processus de modernisation de libéralisation économique.

Point d’orgue de la réunion, la signature sous les regards bienveillants des deux présidents, entrecoupée de quelques gestes taquins de Abdelaziz Bouteflika à l’égard des Espagnols, signe d’une atmosphère sereine, de l’accord de coopération et d’entraide judiciaire en matière civile et commerciale ainsi que les échanges des instruments de ratifications de l’accord de coopération judiciaire en matière pénale. Le premier permettra de régler les problèmes inhérents à l’intensification des échanges humains et commerciaux entre les deux pays que ce soit concernant le statut personnel ou des législations commerciales. Les deux délégations ont également discuté de l’accord d’extradition, en attendant la poursuite programmée des discussions.

Les Espagnols conditionnent sa signature par l’inapplication de la peine de mort. Les Algériens ont mis en avant la réforme des codes civil et pénal en vue de son abolition progressive. Ils ont également avancé la préparation d’une loi pour l’abolition totale de la peine capitale. Autre dossier judiciaire abordé, le transfert des prisonniers entre les deux pays. L’Algérie défend l’intégration de ce volet dans l’accord d’extradition. Les discussions se poursuivront entre les deux ministères, promet-on des deux côtés.

La coopération en matière de lutte contre le terrorisme a constitué un «point très important» dans l’ordre du jour de la rencontre. Alger et Madrid sont décidé à renforcer la coopération et la coordination en matière de lutte contre le terrorisme. L’Algérie et l’Espagne ont décidé de la création d’un groupe de travail mixte composé des représentants des ministères de la Justice des deux pays pour traiter de l’ensemble des volets de la coopération judiciaire, y compris pour les questions liées au terrorisme. Le ministre de la Justice espagnol, Juan Fernando Lopez Aguillera, avait plaidé, durant la réunion sectorielle avec Tayeb Belaiz, pour la création d’un groupe de coopération judiciaire et sécuritaire pour lutter conjointement contre le terrorisme. Les Espagnols ont besoin de l’appui des services secrets algériens pour les alimenter en renseignements sur les réseaux salafistes maghrébins implantés en Espagne.

La délégation algérienne a défendu l’idée d’une coopération judiciaire généralisée au grand banditisme incluant le terrorisme. Celle-ci concernera, dans un premier temps, les magistrats qui étudieront par la suite l’éventualité de l’étendre au volet sécuritaire et policier. Abdelaziz Bouteflika a relevé l’importance qu’attache l’Algérie à la lutte mondiale contre le terrorisme et à la coopération entre les services de sécurité en matière de renseignements. «C’est ainsi que nous finirons par démanteler les réseaux de soutien logistique ou financier des terroristes. Nous espérons que cette coopération qui se développe de manière satisfaisante s’accompagnera d’une plus grande fluidité de l’échange d’informations entre nos juridictions respectives», a-t-il déclaré. Il a d’ailleurs confirmé officiellement sa présence au Sommet international sur la démocratie, le terrorisme et la sécurité, organisé du 8 au 11 mars prochain dans la capitale espagnole par le Club de Madrid.

S’il existe entre l’Espagne et l’Algérie une «très forte association politique» et une «fraternité énergétique», dixit Zapatero, les deux pays veulent renforcer leur coopération économique et l’ouvrir à d’autres secteurs. Alger et Madrid ont décidé d’initier en ce sens un accord global de coopération économique et financière. Il permettra, pour le président de la République, de conférer un rythme soutenu au développement de la coopération et des échanges économiques. «Il sera signé en temps opportun», a indiqué le président du gouvernement espagnol. Cette initiative qui permettrait de conforter «le caractère stratégique» des relations bilatérales se fera grâce à la participation des entreprises espagnoles. Un plan gouvernemental réalisé avec les entreprises ibériques cible d’ores et déjà les secteurs des transports maritime et aérien, des ports, de la construction, de l’eau et du contrôle du transport aérien. L’accord de reconversion de la dette en investissement qui expire fin mars fera l’objet de renégociations. Les Espagnols ont exprimé leur intérêt pour le processus de libéralisation de l’économie et des opportunités qu’il offre aux entreprises ibériques. «Nous allons relancer les négociations pour un accord qui donnera un nouvel élan. Il y a beaucoup de secteurs où nous pouvons investir en Algérie», a indiqué José Luis Zapatero. Premier résultat de «la nouvelle impulsion» que les responsables des deux pays veulent donner à la coopération économique, la fourniture par l’entreprise espagnole Constuccion y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF), de 12 autorails diesel à la SNTF. Le projet a reçu l’accord de Abdelatif Benachenhou pour un financement concessionnel espagnol sous conditions privilégiées (long terme et taux d’intérêt faibles).

Le projet Medgaz, le gazoduc devant relier Beni Saf à Alméria, est dorénavant une action prioritaire des Espagnols. José Luis Zapatero a confirmé à Abdelaziz Bouteflika l’intention de son gouvernement de conférer au projet la qualification de «priorité A» dans le cadre du Plan énergétique espagnol qui doit être révisé avant le 30 juin prochain. «Le projet Medgaz est stratégique pour l’Algérie et l’Espagne a décidé d’en faire une priorité. Nous avons réaffirmé notre intérêt pour ce projet», a-t-il déclaré. Le processus de construction du gazoduc serait entamé dès l’obtention des autorisations administratives afférentes. Il pourra être réalisé dans les délais. Il est prévu pour 2007.

José Montilla, le ministre espagnol de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce, a transmis à Chakib Khelil, durant la réunion sectorielle, «l’intérêt initial» du commissaire européen de l’Energie, Andris Piebalgs, pour ce projet. Il s’inscrit dans la stratégie européenne de développement de la coopération en Méditerranée et des objectifs communautaires de diversification de l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Par ailleurs, l’Algérie et l’Espagne ont décidé de poursuivre les négociations pour faire avancer le projet d’interconnexion électrique entre les deux pays.

Samar Smati