Algérie-Union européenne: Un soutien et des nuances

ALGERIE-UNION EUROPEENNE

Un soutien et des nuances

Le Quotidien d’Oran, 5 novembre 2003

L’accord d’association conclu entre l’Algérie et l’Union européenne entrera en principe en vigueur l’année prochaine, après l’achèvement, dans quelques semaines, du processus de ratification engagé par les parlements des Etats membres.

Après qu’il eut été ratifié par la Suède et l’Irlande, l’accord d’association est soumis actuellement aux parlements italien, français et autrichien pour le même objectif. L’on affirme du côté des affaires étrangères que ce processus de ratification de l’accord par les Etats membres de l’Union européenne prendra fin dans les semaines à venir.

L’entrée en vigueur de l’ensemble de ses dispositions débutera en 2004, «avec toutes les conséquences qui s’en suivront». Celles susceptibles d’être engendrées par l’application du démantèlement tarifaire sont celles les plus redoutées par les Algériens en raison des risques de bouleversement de l’économie nationale, notamment dans ses pans les plus fragiles.

La rencontre tenue ces derniers jours à Rome entre la délégation algérienne et la troïka européenne a dressé un point de situation à cet effet et aussi sur des questions d’ordre régional et international. De sources proches de la délégation algérienne que le ministre des Affaires étrangères a présidée, on apprendra que la troïka a réitéré sa proposition de faire accepter aux autorités algériennes «une mise en oeuvre intermédiaire» de l’accord d’association. La proposition n’est pas nouvelle. Elle a déjà été exprimée par l’Union européenne dès sa conclusion de l’accord avec l’Algérie. En clair, les Européens souhaitent que «l’Algérie passe directement à la ratification de l’accord par ses instances légales et à l’application de ses dispositions d’une manière unilatérale, tout en supportant seule ses conséquences sur les divers domaines économiques». Ce qui représenterait aux yeux des Européens une marque de «sérieux et de disponibilité de sa part». Ce que les autorités algériennes ont refusé de faire.

A cette même proposition européenne exprimée encore une fois à Rome, Abdelaziz Belkhadem a eu la même réponse négative. «Même au plan de l’éthique, l’acceptation par l’Algérie d’une telle proposition ne fait pas d’elle un partenaire sérieux», est-il relevé au niveau diplomatique.

Tenue dans la capitale du pays qui préside actuellement l’UE, la réunion entre les deux parties a donc clarifié les choses à cet effet avec «beaucoup de sérénité et de détachement». C’est ce qui nous a été souligné par des sources proches de la délégation algérienne, qui ont noté que l’aspect fondamental dans cette réunion est l’évolution des crédits Meda que l’Algérie estime insuffisants.

Evalués à 100 millions d’euros, ces crédits doivent, selon ces sources, répondre à des objectifs qui prennent désormais en considération la croissance positive enregistrée cette année, la consolidation des grands équilibres macro-économiques ainsi que le retour du pays à la stabilité après le profond déclin du terrorisme. «Donc l’Algérie a droit à plus», estiment nos sources. La demande devrait être prise en charge puisque «la troïka a pris acte». Les éléments de stabilité politiques et économiques ont été apportés par le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères. «Les Européens ont relevé avec satisfaction le retour de la sécurité en Algérie, l’application réussie de la concorde civile et de la réconciliation nationale et se sont déclarés confiants au sujet du processus de démocratisation qu’ils estiment se développer sûrement», nous dit-on.

Au menu des discussions, bien sûr, un rappel «rituel» des conditions des droits de l’homme et de l’exercice de la liberté d’expression. Qualifié de »redoutable débatteur et de théoricien», Abdelaziz Belkhadem «a fait clairement ressortir le fait que l’Algérie se trouve dans la phase de l’après-terrorisme, qu’elle s’apprête à organiser des élections présidentielles et se montre particulièrement à l’aise au sujet des questions des droits de l’homme, y compris celle des plus complexes, à savoir celle des disparus pour laquelle le ministre a rappelé la mise en place de nouveaux mécanismes».

«La troïka européenne a, pour la première fois, évoqué l’intégration maghrébine sans s’en référer au processus d’Agadir», est-il noté au plan des questions régionales, non sans souligner que c’est là un premier écho donné à la demande algérienne à ce sujet. «Jamais il n’y a eu autant d’efforts déployés pour réussir l’intégration maghrébine comme ces trois dernières années, où se sont tenues autant de réunions ministérielles qu’en dix ans», a répondu Belkhadem. Les discussions ont naturellement débordé sur la nature des relations algéro-marocaines. «A l’instar de l’Union européenne, l’intégration maghrébine se fera d’une manière graduelle et progressive, c’est-à-dire par un processus structuré», précisera le ministre, pour rappeler la position de l’Algérie à propos de la question sahraouie. «C’est conformément à la légalité internationale que cette question doit être réglée», a-t-il indiqué. Une position que la troïka a affirmé partager.

L’Irak et le Proche-Orient ont figuré dans les discussions sur les questions internationales. «La délégation algérienne a noté le blocage de la feuille de route à cause de l’intransigeance israélienne et les manoeuvres de Sharon et a donc souligné l’importance de la rétablir à sa vocation initiale, celle de la reprise des négociations entre les deux parties», est-il relevé. L’Algérie a fait part de son souci de voir l’Irak »marquer le retour à la stabilité avec une implication plus grande de l’ONU». Elle soutient l’idée de «la mise en place d’un échéancier pour le départ des troupes américaines». C’est par «des nuances près que la troïka a fait savoir qu’elle appuie l’idée de l’échéancier, à condition de lui créer les conditions nécessaires». Ce à quoi Belkhadem répondra que «le plus tôt sera le mieux».

Ghania Oukazi