La 4ème conférence des pays du «5+5» clôturée hier à Oran

La 4ème conférence des pays du «5+5» clôturée hier à Oran

Le verdict et les explications de Belkhadem

 Le Quotidien d’Oran, 25 novembre 2004

Même en accordant leur plein sens à des mots comme «concertation», «coopération», «consensus» et «vues partagées», les conclusions de la 4ème conférence des ministres des AE des pays du «5+5» sont difficiles à cerner. La plus positive est que la péremption du processus de Barcelone devait conduire, tôt ou tard, à un bilan et à des redéfinitions.

Dans sa conférence de presse de clôture, Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères algérien, a cependant préféré la conclusion d’une «conférence réussie». Du moins sous sa formule de revitalisation entamée du fameux processus de Barcelone et de la correction de ses ambitions par une forte dose de réalisme. L’un des principaux objectifs de cette rencontre, et selon le compte-rendu fait du ministre, est qu’il s’agissait d’accorder les vues sur la question irakienne d’abord, sur le processus de règlement du conflit du Moyen-Orient pour, ensuite, définir d’autres moyens pour concrétiser le dialogue de l’espace euro-méditerranéen. La conférence de Charm El-Cheikh, à laquelle avait participé certains ministres des AE présents hier à Oran, avait quelque peu déteint sur la rencontre d’hier. Les «5+5» ont, selon Belkhadem, fait leur le nouveau concept injecté dans le langage diplomatique de «co-responsabilité» désormais internationale sur le dossier irakien et son prochain test électoral. «La communauté internationale doit accompagner le processus pour une vraie restauration de la souveraineté dans ce pays», dira en substance notre ministre. Une explication de formule par défaut qu’il reprendra lorsqu’il sera interrogé sur la participation algérienne lors du sommet égyptien et sur les risques que cela puisse être interprété comme un processus pour donner la légitimité manquante à l’occupation américaine de l’Irak.

«La présence algérienne n’a pas été pour légitimer ou délégitimer la présence de l’occupation, mais pour aider au transfert de la souveraineté aux Irakiens et sauver l’unité de ce pays», expliquera-t-il. L’Algérie aurait ainsi rejoint le consensus international qui s’est dégagé de la conférence de Charm El-Cheïkh par la porte de la solution la moins pénible.

Pour le reste des chapitres de la 4ème conférence des pays du «5+5», le bilan général fait par Belkhadem est que cette rencontre a dégagé un consensus sur l’urgence de redéfinir ce cadre, d’en faire un bilan et de le relancer sous des formules plus diversifiées. «Dans une semaine, sera organisée la 1ère conférence des ministres de la Défense des pays des 5+5», en attendant d’autres rendez-vous comme les forums d’affaires en Tunisie, les rencontres parlementaires, ceux d’instituts diplomatiques, en attendant une véritable implication de la société civile dans ce processus et qui va déjà commencer par des séminaires des professionnels des médias, entre autres. Cadre de concertation, certes positif, mais qui n’empêchera pas le ministre des Affaires étrangères algérien de souligner que si les idéaux de Barcelone n’ont souvent pas changé la réalité des rapports Nord-Sud, c’est aussi dû à les réticences de certains pays de l’UE à s’impliquer avec efficacité dans le conflit israélo-arabe et à des «facteurs endogènes» comme la complexité «mécanique» des programmes de coopération – Belkhadem jugera presque obsolètes et improductifs les programmes MEDA par exemple – et leur inefficacité. Sur le chapitre de la sécurité, «qui doit être globale et pas seulement sécuritaire», et de l’immigration clandestine, Belkhadem saisira d’abord l’occasion pour juger sévèrement la proposition de centres de transit pour immigrés clandestins sur le sol des pays du Maghreb et insistera sur une définition «plus humaine et moins policière» du phénomène.

Kamel DAOUD

Revitaliser le processus euro-méditerranéen

L’ouverture de la réunion du groupe des «5+5», prévue le 23 novembre à 20 heures, n’a pu avoir lieu que le lendemain, soit hier dans la matinée, en raison de l’arrivée tardive des ministres des Affaires étrangères français et italiens, de retour de Charm El-Cheikh où a eu lieu la conférence internationale sur l’Irak.

La réunion a eu lieu finalement en l’absence du ministre espagnol qui n’assista qu’à l’ouverture de celle-ci, car devant se rendre en Espagne pour assister à une réunion importante au parlement de son pays. Néanmoins, l’essentiel des discussions a eu lieu dans la nuit du mardi au mercredi lors d’un dîner offert en l’honneur des ministres des «5+5» par leur homologue Abdelaziz Belkhadem, et ont officiellement tourné autour de la sécurité et de la stabilité en Méditerranée occidentale, les relations économiques dans la région, l’intégration maghrébine et la relance du processus de Barcelone. Ce dernier point résume en quelque sorte l’intérêt porté par les ministres des Affaires étrangères à cette réunion et les objectifs qu’ils se sont fixés, en perspective, notamment, de la célébration du 10ème anniversaire du processus déclenché en 1995 et, à plus courte échéance, la conférence euro-méditerranéenne de La Haye qui se tiendra dans quelques jours. Dans cette optique, il s’agissait de dresser le bilan des activités au sein de ce forum et de réfléchir sur une contribution des «5+5» à la revitalisation du processus euro-méditerranéen. D’aucuns estiment, cependant, qu’il ne faut pas perdre de vue que le cadre dans lequel agit le groupe des «5+5» est « purement informel», un cadre de concertation très louable, mais qui n’engage en rien les Etats. Et c’est dans ce cadre qu’apparaissent les différences d’appréciations concernant des dossiers très sensibles, notamment celui des «centres de transit», proposition italienne qui a trouvé un écho favorable en Libye et un autre assez mitigé des Maltais. En effet, selon un haut fonctionnaire de Malte, quoique 9 pays sur 10, dont son pays, soient contre ce projet et soutiennent la déclaration de Barcelone, «Malte n’est pas tout à fait contre ces centres. Malte, à l’instar des autres pays du groupe, connaît un sérieux problème d’immigration clandestine». «Néanmoins, a-t-il ajouté, il s’agit, pour le groupe des 5+5, d’aider au développement des pays d’où sont issus les immigrants par des projets d’infrastructures pour contenir l’exode». Cela augure-t-il de revirement d’attitude des autres pays européens, telle l’Espagne, qui connaissent de gros problèmes découlant de l’immigration clandestine ?

Mustapha Mazari