«Notre démarche relève du devoir de vigilance»

Abdelhamid Aberkane, maire d’El Khroub et signataire de la lettre des «19»

«Notre démarche relève du devoir de vigilance»

El Watan, 8 décembre 2015

Abdelhamid Aberkane fait partie des 19 signataires de la lettre adressée au chef de l’Etat, le 1er novembre dernier.

Le professeur Abdelhamid Aberkane, ancien ministre de la Santé, actuel président de l’APC d’El Khroub, prend le relais pour défendre la démarche lancée avec ses camarades. «Notre démarche relève d’un devoir de vigilance pour l’immunité du pays, car la situation n’est pas rassurante aussi bien de façon endogène qu’exogène», a-t-il expliqué, hier, au cours d’une conférence de presse au siège du PT, à Alger. Sans verser dans la critique ouverte, l’ancien ministre de la Santé établit avec beaucoup de pondération un diagnostic chargé d’inquiétudes «légitimes».

«Nous n’avons aucune autre prétention que celle de comprendre comment des décisions lourdes, engageant la souveraineté nationale et la sécurité au sens large, peuvent être prises, de surcroît qui sont en contradiction avec les engagements pris par le Président», souligne-t-il. Le professeur de médecine qui a fait le choix inédit de solliciter, en 2012, le suffrage des citoyens de la commune d’El Khroub, rappelle que «les signataires de la lettre au Président sont animés d’une volonté d’ouvrir une brèche dans l’anesthésie.

C’est un devoir de citoyen que de faire entendre un autre son de cloche. Nous sommes porteurs d’une parole juste, respectueuse de l’Etat et de la plus haute autorité du pays». Interrogé sur l’absence de réponse du destinataire de leur lettre, M. Aberkane considère que «le Président doit peser toutes les opinions, c’est son droit de choisir le moment opportun pour répondre, en tout cas je ne désespère pas.

De toute manière, qu’il réponde ou pas, nous faisons une évaluation positive de notre démarche qui se veut comme un processus, un marqueur d’une culture politique responsable». Cependant, le maire d’El Khroub refuse que la parole de Abdelaziz Bouteflika soit portée par d’autres personnes qui se réclament du Président. Il s’étonne de «ceux qui parlent au nom du Président comme si ce sont eux qui décident de ce qui est juste ou pas». «Ils ont le droit d’avoir une opinion, mais pas de parler au nom du Président», tranche-t-il.

«Nous ne sommes pas des salonards»

Ce qui amène cet homme qui affronte au quotidien les problèmes des citoyens d’une des communes les plus peuplées d’Algérie à remettre à leur place ceux qui mènent une campagne violente contre les signataires de la lettre. A commencer par le président du Forum des chefs d’entreprises, Ali Haddad, sans le nommer. «Nous ne sommes pas des salonards. Je suis tout, sauf salonard», s’exclame avec tune dignité débordante ce professeur qui a consacré toute sa carrière au service public.

A l’adresse du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, encore une fois sans le nommer, Abdelhamid Aberkane rappelle son parcours au service des citoyens et de leur santé. Citant Saadani qui avait déclaré «c’est quoi ce maire qui veut rencontrer le Président», M. Aberkane, avec sa modestie légendaire, apparaît un peu gêné. Que dirait un professeur qui se fait insulter par Saadani ? «Suis-je quantité négligeable ! J’ai été élu dans une élection propre, face à une coalition lourde. J’ai consacré ma carrière au service des citoyens. Les propos de cet individu sont une honte énorme.

Ce comportement montre tout l’écart moral qui sépare les hommes. Ils sont dans la culture de l’anathème.» Cet échange à distance résume la renversante et non moins dégradante situation que vit le pays. Manifestement, l’insolence a atteint son paroxysme. Le Pr Aberkane n’a pas manqué, à l’occasion, d’apporter son soutien à la secrétaire générale du Parti des travailleurs qui, elle aussi, essuie des attaques ignominieuses : «J’exprime toute ma solidarité à Mme Hanoune, une femme courageuse, un repère dans le paysage politique.»

Par ailleurs, Abdelhamid Aberkane déclare que la lettre du général Toufik lui «inspire du respect» : «Cette lettre m’inspire du respect, voilà l’esprit de responsabilité, il se sent interpellé et il a donné son avis avec responsabilité. Il considère nécessaire de ne pas se dérober à sa responsabilité. C’est quelqu’un qui n’est pas favorable au chaos.»

Hacen Ouali