Restauration

Restauration

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 13 novembre 2008

Qui s’est intéressé à la révision de la Constitution ? Les députés, bien sûr, puisqu’ils ont eu à l’adopter, le gouvernement, le Président, l’ensemble du système… et les journalistes, par impératif de fonction.

On peut concéder qu’à peu près toute l’Algérie officielle a suivi l’évènement. Non pour attendre de l’imprévu – il n’y en avait pas et on n’a pas cherché à suggérer qu’il y en avait -, juste pour constater que la formalité a été accomplie et que l’on passe à autre chose. Rien ne pouvait gripper la machine. Le problème est que le plus grand nombre d’Algériens est hors de la machine et hors de la politique. Chez les plus instruits, on continue à discuter du miracle d’Obama aux Etats-Unis plutôt que de la Constitution algérienne. Chez les autres, on ne discute que des choses les plus prosaïques possibles, de la circulation automobile devenue impossible et de la facture du mouton qui arrive… Ici également, tout est dans l’ordre des choses.

Qui pourrait bien avoir envie de s’intéresser aux questions politiques dans un pays où il n’y a pas de politique ? Un système politique efficient allie constamment entre l’impératif de stabilité et le besoin naturel et pour ainsi dire irrépressible du changement. La politique en démocratie sert justement à trouver le bon tempo, celui qui évite la révolution tout en se préservant du statu quo.

Le système algérien, brusqué par les évènements d’Octobre 1988, a concédé une ouverture, qu’il s’est par la suite évertué, avec une remarquable constance, à colmater. Le souci de contrôler a définitivement repris le dessus sur le besoin d’associer la société, de libérer sa dynamique et de la rendre vertueuse, ce qui implique créer les conditions pour un intérêt à l’implication dans la vie publique. Trouver un point d’équilibre entre le besoin de stabilité et l’impératif du changement commande une vie politique authentique fondée sur une réelle compétition entre les hommes et les programmes. Ce n’est pas faire une découverte que de constater que ce n’est plus le cas. La brèche d’Octobre a été définitivement fermée et le système, tout en demeurant inefficace, s’est totalement restauré.

Le problème est que cette restauration n’a dégagé ni une nouvelle élite politique – elle ne peut se faire que dans l’autonomie -, ni un nouveau discours. Les tentatives de réarmement du nationalisme ont du mal à passer et si l’islamisme politique fait profil bas, le bigotisme religieux s’élargit et s’étend.

Il y a dans ce décalage entre l’Algérie officielle figée et une Algérie réelle en mouvement, de quoi alimenter des projections pessimistes. A force de tout contrôler, de tout bloquer, on ne laisse aux Algériens que la seule ressource d’une religiosité qui finira bien par se traduire, un jour ou l’autre, en politique… On l’avait découvert après Octobre 1988, on risque de le découvrir à nouveau. Le régime se restaure, mais il restaure aussi la réponse islamiste…