Mission d’Ouyahia: Tenir la baraque et gérer le statu quo

LA NOUVELLE MISSION D’AHMED OUYAHIA

Tenir la baraque et gérer le statu quo

Le Soir d’Algérie, 17 septembre 2008

Le retour d’Ahmed Ouyahia à la tête de l’exécutif n’a toujours pas livré tous ses secrets. Comme préalable à ce retour, le secrétaire général du RND aurait sollicité la nomination d’une nouvelle équipe gouvernementale. Une requête rejetée pour des considérations essentiellement politiciennes.

Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Dans certains milieux politiques, on estime que le patron du Rassemblement national démocratique joue actuellement le rôle de «soupape de sécurité». «Les tensions au sommet de l’Etat ont pris des proportions alarmantes à cause de la volonté de Bouteflika de réviser la Constitution pour s’assurer un troisième mandat. Les opposants à cette option auraient accepté de gagner du temps en imposant le départ de Abdelaziz Belkhadem et son remplacement par Ahmed Ouyahia. En revenant aux affaires, ce dernier se transforme en soupape de sécurité», note une source qui a requis l’anonymat. Selon elle, lors des «tractations », Ouyahia aurait imposé une condition à ce retour : le changement de l’équipe gouvernementale. «Avant de prendre ses fonctions, il aurait exigé un remaniement ministériel. Pour Ouyahia comme pour ceux qui ont fait appel à lui, la gestion des affaires courantes jusqu’à la tenue de l’élection présidentielle ne peut être assurée correctement avec des ministres qui ont cumulé les échecs. Une liste avait été préparée pour les besoins de ce remaniement. Parmi les noms évoqués, on retrouve notamment celui de Abdelkrim Harchaoui comme ministre des Finances», souligne notre source. Le fait accompli Il semblerait, toutefois, que Bouteflika ait pris de court ses opposants en précipitant la fin de fonction de Belkhadem et la nomination d’Ouyahia. Un fait accompli qui a faussé tous les calculs. Du côté du gouvernement, aucun changement notable n’est constaté, mis à part la nomination de Bessalah aux télécommunications et celle de Benaïssa à l’agriculture. Pire, le RND d’Ouyahia perd même deux postes ministériels : les transports et la famille. Mais il y a surtout le renforcement du département de Djamel Ould Abbès (solidarité nationale, famille et immigration) qui est perçu comme un véritable pied-de- nez par les proches d’Ouyahia. Il est utile de rappeler qu’une polémique avait opposé les deux hommes au mois de février dernier lorsque le secrétaire général du Rassemblement national démocratique avait critiqué dans un meeting la politique du couffin prônée par Ould Abbès. Sur un ton acerbe, ce dernier ira jusqu’à déclarer qu’Ouyahia «perd son sang froid». Mais c’est surtout sur le plan de la gestion économique du pays que le successeur de Belkhadem éprouve des appréhensions. Les modes de gestion imposés depuis des années par Temmar et Khelil, les «ministres du président», ont été des plus négatifs sur l’économie nationale. Ces dernières semaines, les dossiers de l’investissement et de la privatisation ont mis au grand jour les divergences entre Ouyahia et Temmar.

Les pièges
Pour ce qui est du remaniement ministériel, Ouyahia aurait introduit, après sa nomination, une nouvelle requête auprès de la présidence. En vain. Alors pour éviter d’être piégé par le passif légué par son prédécesseur, il décide de passer à l’action trois semaines après sa nomination. Dans une instruction datée du 13 juillet, Ouyahia somme l’ensemble des membres de son gouvernement, les walis et les magistrats de lutter activement contre le gaspillage des deniers publics et la corruption. Le texte en lui-même dresse un bilan catastrophique du passage d’Abdelaziz Belkhadem à la chefferie du gouvernement. Il est toutefois encore trop tôt pour constater si cette directive est suivie sur le terrain. A condition, bien sûr, qu’Ouyahia ait les moyens de la faire appliquer. Et la présidentielle dans tout ça ? Il est clair qu’au jour d’aujourd’hui, le patron du RND ne peut prétendre à être candidat en 2009. Pour deux raisons essentielles : il se retrouve bloqué par son statut de chef du gouvernement, d’une part, et d’autre part, Ouyahia a clairement affirmé qu’il ne se présenterait jamais contre Abdelaziz Bouteflika. Sa mission se limitera à «gérer le statu quo» jusqu’aux prochaines élections. Mais il n’est pas à l’abri de mauvaises surprises, d’autant plus que ses moyens de riposte sont très limités. Et en attendant des jours meilleurs, Ahmed Ouyahia devra se contenter de tenir la baraque… tout en étant sur ses gardes.
T. H.