Karim Tabbou : « Boycotter, c’est aimer son pays »

Le FFS appelle les citoyens à dire non au désespoir et aux mascarades

Karim Tabbou : « Boycotter, c’est aimer son pays »

Considérant que ne pas faire de politique est la pire des politiques, le FFS appelle les Algériens à un boycott actif du scrutin présidentiel du 9 avril. « Il s’agit de rendre effective la dissidence électorale nationale et pacifique », est-il souligné dans la résolution politique de la session ordinaire du conseil national de ce parti, tenue jeudi dernier.

Par Nadjia Bouaricha, El Watan, 14 février 2009

Intitulée « Appel aux forces du changement », ladite résolution souligne que « le pays ne doit pas désarmer face aux forces de la décadence, de la régression et l’aliénation. Les Algériennes et les Algériens doivent se mobiliser pour barrer la route à la dictature des opportunistes et aux bradeurs du pays. Ils doivent dire non au désespoir, non à la résignation, non aux mensonges et non aux mascarades ». Le FFS estime que le changement ne peut venir du régime et que seul le peuple est en mesure de prendre en main sa destinée. « Les conditions de préparation et de déroulement du scrutin présidentiel montrent que le régime ne peut pas changer et ne veut pas changer. En tout état de cause, le suffrage universel n’existe pas dans le pays. Le suffrage universel n’est qu’une fiction », a indiqué M. Tabbou. Et de considérer que « rester dans l’expectative devant cette situation, c’est consentir à la décadence et à la régression de notre pays. Ne rien faire, c’est absoudre les responsables des désastres qu’a connus le pays et se rendre complice des risques de dérives violentes ». Le plus vieux parti de l’opposition, qui va entrer en campagne pour le boycott en organisant des meetings et en multipliant le travail de proximité à travers les quatre coins du pays, optera pour « un nouveau contrat de confiance avec les vraies forces du changement sur la base de valeurs, de principes et d’objectifs clairs et transparents ». Pour le premier secrétaire du parti, « le boycott de ce scrutin est un acte révolutionnaire. Boycotter, c’est aimer son pays, c’est avoir des ambitions pour son pays ». Introduisant les travaux de la session du conseil national, Karim Tabbou relève que « malgré la propagande officielle, la mobilisation par le pouvoir de moyens financiers, médiatiques et administratifs colossaux, les Algériennes et les Algériens n’expriment aucun intérêt pour le scrutin présidentiel. Un signe qui ne trompe pas : les brigades de sensibilisation des électeurs mises en place par le ministère de l’Intérieur sont perçues comme des milices d’un nouveau genre ».

« Les élections sont organisées pour le maintien du statu quo »

Démontant la pratique électorale dans le pays depuis l’indépendance, le premier secrétaire du FFS souligne que « les élections et changements de Constitution depuis l’indépendance ne font que reproduire la crise et ce système. Les Algériens savent que les élections ne sont d’aucun impact positif sur leurs vies. Les élections sont organisées pour le maintien du statu quo ». Le deuxième homme du FFS alerte contre le retour systématique aux régionalismes, menaçant l’unité du pays à travers une « appropriation violente des régions par des élites opportunistes coopératives avec le système…

Il y a un véritable désordre civil, la société est éclatée, livrée aux clans et aux supplétifs locaux ». Le même responsable continue son réquisitoire contre une élection dont « les jeux sont déjà faits » et pour laquelle « les institutions et l’administration sont sur le pied de guerre » ; il estime que face « à cette situation, le silence est une lâcheté. Se croiser les bras est suicidaire. Ne pas faire de politique est la pire des politiques ». Karim Tabbou considère avec un regard positif l’attitude du peuple algérien dans « le refus de son enrôlement dans cette mascarade qui est un signe fort de dissidence électorale et de rupture avec le système actuel ». Un système qui, selon cet orateur politique, « nous fait vivre dans la planète des singes. Il a singé la culture, il a singé la politique ». Le FFS, affirme K. Tabbou, voit les véritables enjeux dans « le retour au politique et la réhabilitation de la politique, dans le changement du régime politique actuel pour la mise en place d’un régime démocratique et dans la mise en œuvre d’une stratégie capable de réunir les facteurs internes et externes indispensables à la concrétisation de ce changement ». Le premier secrétaire du FFS fait des comparatifs entre la stagnation dans la pérennisation du système en Algérie et les changements opérés sous d’autres cieux, notamment aux Etats-Unis par l’élection de Barack Obama et en Amérique latine par le renforcement de la démocratie. « Si l’élection d’Obama est la consécration du ré-encadrement de la société, les pays d’Amérique latine nous montrent qu’une transition pacifique vers la démocratie après des décennies de dictatures militaires et de régimes autoritaires est bien possible… Ces expériences montrent que le changement est un projet collectif », dit-il en qualifiant de « racisme politique » le soutien de Nicolas Sarkozy à la non-limitation de mandats en Algérie alors qu’il ne peut la concevoir dans son pays. La résolution du conseil national note, à son tour, que si « hier, seules la mobilisation et la solidarité du peuple algérien ont réussi à défaire le fatalisme et le désespoir. Aujourd’hui, seules la mobilisation et la solidarité du peuple algérien pourront le sortir de l’impasse et lui permettre de réaliser le changement ». M. Tabbou conclut en relevant que les vraies forces du changement sont loin des consensus populistes, mais à trouver parmi le peuple.