Mohamed Saïd: « L’état d’urgence masque la carence du pouvoir »

Mohamed Saïd à Tizi Ouzou

« L’état d’urgence masque la carence du pouvoir »

Le candidat indépendant Mohamed Saïd était hier l’hôte de la ville de Tizi Ouzou, dans sa douzième sortie dans le cadre de la campagne électorale à la présidentielle du 9 avril. D’emblée, Mohamed Saïd a rendu hommage aux victimes du printemps noir en déclarant que « la liste des martyrs de la Kabylie est longue et, elle s’est alourdie avec celle des martyrs d’avril 2001 ».

Tizi Ouzou, De notre bureau, El Watan, 30 mars 2009

Le candidat a enchaîné : « Malheureusement, le pouvoir était absent. D’ailleurs, on s’interroge sur l’absence de l’Etat dans cette partie du pays lors des événements douloureux de 2001 et si la Kabylie n’a pas autant de valeur que ses semblables ? » Revenant sur la visite de Bouteflika, l’orateur a répondu : « Les gens connaissent ceux qui ont déclenché ces événements. Ceux-là n’ont pas laissé travailler les enquêteurs. » Tout compte fait, l’allusion est faite au blocage de la commission de l’APN et au pertinent rapport de Mohand Issad. Abordant la question des libertés, le conférencier a déclaré : « L’instauration de la démocratie et des libertés dépend de la levée de l’état d’urgence si vraiment nous avons réglé le problème sécuritaire. L’état d’urgence est maintenu pour cacher une certaine carence, voire une impuissance du pouvoir à prendre les choses en main. » Face aux « supputations » qui donne déjà le nom du vainqueur, Mohamed Saïd estime qu’il n’y a pas de candidat gagnant d’avance. Néanmoins, il préconise deux attitudes possibles dont il en tire une.

Se disant connaître tous les enjeux et la difficulté qui l’attend, il déclare n’avoir jamais choisi la facilité. : « Puisque tout est verrouillé, il faut justement se manifester pour dire qu’il y a de l’espoir et un autre discours. » Faisant part de son constat durant son périple lors de ses 11 sorties, il dira, en s’adressant aux jeunes : « Ce qui arrive dans le pays est incroyable, le chômage, la pauvreté et l’injustice. On n’a jamais donné la parole au peuple pour s’exprimer sur ses problèmes. Ça parle dans la rue et dans les journaux mais les décisions sont prises par d’autres personnes sans impliquer le peuple. » Autre constat : la généralisation de la corruption. Cette dernière, selon l’orateur, « est en train de devenir une culture d’Etat et se normalise, se propage dans tout le corps social et à tous les niveaux ». Etalant son programme, Mohamed Saïd a plaidé pour l’ouverture médiatique.

Dans ce sillage, il s’est dit « outré par l’attitude du pouvoir d’interdire aux partisans du boycott de s’exprimer. La construction de l’Etat de droit ne peut être édifiée par un discours double et des slogans ». Sur sa lancée, le conférencier a souligné que « le pouvoir judiciaire est toujours considéré comme une fonction, comme au temps de la pensée unique, jusqu’à 1986. Malgré le changement du statut de la justice, en passant au statut de pouvoir, cette dernière dépend toujours du pouvoir politique, puisqu’elle est régie avec un esprit du parti unique. » S’agissant de la liberté d’expression, cette dernière, dira-t-il, doit se manifester dans les canaux d’expression. Mettant en avant sa propre expérience, il a renchéri : « Aucun parti politique n’a reçu, depuis 2000, une accréditation pour pratiquer la politique, et j’en connais un bout. »

Par Nordine Douici