Slim Othmani : «Certains chefs d’entreprises commencent à avoir peur»

Slim Othmani : «Certains chefs d’entreprises commencent à avoir peur»

Écrit par El Watan 2014, 12 février 2014

Slim Othmani lors du forum Fikra Event à Alger Slim Othmani lors du forum Fikra Event à Alger Photo DR

Slim Othmani est PDG de NCA et membre du FCE. Il réagit à la réunion extraordinaire destinée à ce que l’organisation soutienne un 4e mandat.

Pouvez-vous nous expliquer la raison pour laquelle le FCE a décidé la tenue d’une AG de ses membres pour se prononcer sur l’élection présidentielle ?

La convocation pour la tenue d’une assem- blée générale avait inquiété quelques membres. Tout le monde s’est demandé quelle est l’utilité d’une telle action. Quand il s’agit de voter, chacun est libre de le faire pour qui il veut. Maintenant, si c’est un appel pré-vote, le candidat pour lequel le FCE souhaite avoir l’avis de ses membres ne s’est pas encore prononcé. On a dit aussi que cette démarche a été initiée sous la pression de certains membres. Je peux comprendre cela quand c’est le cas d’une cam- pagne électorale, mais celle-ci n’a réellement pas commencé. Je pense en tout cas qu’il s’agit d’une action lancée dans la précipitation. Une action que je ne comprend guère et qui fait mal à la cohésion patronale qui est toujours le parent pauvre de l’économie algérienne, souvent mise à mal par ce genre d’action qui n’a pas de sens.

Est-il normal qu’une organisation patronale prenne position au sujet d’une élection présidentielle ?

Cela dépend dans quel pays on est. Aujourd’hui, nous sommes dans un pays où les règles du jeu sont biaisées. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans notre environnement. Personne ne s’oppose à ce qu’il y ait une multitude de candidats. Mais quelle est l’utilité d’imposer des choses à des chefs d’entreprise par la force, par la contrainte et la menace ? Je pèse mes mots quand je parle de menaces, parce que certains d’entre nous commencent sérieusement à avoir peur. Je continue à être optimiste, mais des choses pareilles n’ont pas lieu d’exister au XXIe siècle, surtout lorsqu’on est en train de construire un environnement économique où le maître mot est la confiance. Aujourd’hui, on passe par une phase où cette confiance est sérieusement ébranlée.

Le FCE a de tout temps critiqué l’action du gouvernement en matière de décisions économiques. Aujourd’hui, on le voit se ranger de son côté…

Ce n’est pas tellement ça. Critiquer des positions ou des programmes économiques est le rôle d’une organisation patronale, mais toujours dans une démarche constructive. Dire que le patronat se range aujourd’hui du côté du gouvernement, non, je ne le pense pas. Ce que nous avons perçu, c’est que nous avons finalement, pour la première fois en Algérie, un Premier ministre qui donne de l’espoir à cette économie. Malgré tout, il véhicule une image très positive et d’espoir pour les jeunes. Ces derniers voient en lui un potentiel catalyseur de la création d’emplois. Le Premier ministre affirme qu’il veut créer l’environnement qui permet la création d’entreprises et par ricochet la création d’emplois. Son instruction de août 2013 est fondamentale, puisqu’elle pose des jalons extrêmement forts en matière d’instauration d’un environnement économique très dynamique où tout le monde est impliqué.

Quel bilan faites-vous justement de l’action économique du gouvernement ces der- nières années et quels sont les principaux enjeux futurs ?

L’enjeu principal est l’emploi, mais nous n’avons pas encore installé le cadre institutionnel, le cadre juridique et légal et l’écosystème des affaires nécessaire pour cela. Il ne faut pas se leurrer : les années Ouyahia nous ont fait beaucoup de mal et elles vont continuer à en faire, parce que non seulement elles ont produit des textes juridiques et législatifs contraignants, mais elles ont aussi insufflé, dans l’administration et la société algériennes, un esprit rétrograde du point de vue économique et un autre de paranoïa et de peur.

Lyès Mechti