Les familles des disparus «indignées» et les victimes du terrorisme gardent espoir

RéACTIONS AUX DéCLARATIONS DE FAROUK KSENTINI

Les familles des disparus «indignées» et les victimes du terrorisme gardent espoir

Le Quotidien d’Oran, 31 août 2005

Suite à l’annonce du référendum pour le projet de la paix et de la réconciliation nationale, les victimes de la décennie noire semblent désorientés.

Tandis que les familles des victimes enlevées par les terroristes fondent beaucoup d’espoirs sur la récente réunion qu’ils ont tenue avec le ministre de la Solidarité nationale, les familles des disparus ont le sentiment d’être «lésées». «Nous sommes pourtant, disent-elles, les premières concernées par cette charte».

Les récentes déclarations du président de la Commission nationale pour la promotion des droits de l’homme (CNPPDH), Me Farouk Ksentini, laissent sceptiques les familles des disparus. Pour Mme Nacéra Dutour, membre de l’association SOS Disparus, il n’est pas question de faire des »concessions» sur le dos de leurs proches. «Il n’y a aucune concession à faire. Ce que je ne comprends pas, c’est le fait que tout le monde parle pour nous dans les médias et personne ne s’adresse à nous directement. Qu’on vienne nous dire tout cela en face», s’indigne Mme Dutour, en soulignant qu’une réunion «infructueuse» s’était tenue jeudi dernier avec Me Ksentini. Elle s’étonne du fait que le président de la CNPPDH invite les familles des disparus à apporter des «preuves concrètes» attestant de l’implication des agents de l’Etat, alors qu’elles avaient déjà apporté des PV, des auditions de témoins qui avaient été enlevés. En vain. «C’est un dialogue de sourds, dit Mme Dutour, l’on ne nous apporte, à nous les mères de disparus, aucune considération».

Dans son intervention médiatique, le président de la CNPPDH a enjoint aux familles de recourir à la justice. Sollicité par le Quotidien d’Oran, Me Ksentini nous expliquera que même si la charte est destinée à faire cesser les poursuites judiciaires, le droit à la justice devra être accordé à tous. «On ne peut pas barricader un service public», dit-il. «Ça a peut-être l’apparence du contradictoire, mais ça ne l’est pas», lance Me Ksentini en souriant.

Pour l’association des familles des victimes enlevées par les terroristes, Somoud, il est important que le processus de réconciliation prenne en compte des paramètres aux plans humain, juridique et social. Somoud profite de la campagne pour la réconciliation nationale pour faire passer son message. Dans une réunion tenue lundi dernier, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale, M. Djamel Ould Abbas, s’est engagé auprès de l’association Somoud à plaider sa cause devant le président de la République. M. Ould Abbas a ainsi promis aux familles des victimes enlevées par les terroristes de les aider à faire le deuil de leurs proches. «L’ouverture des charniers est une nécessité urgente. Les familles ont besoin de voir les dépouilles pour faire leur deuil», souligne M. Ali Merabet, président de l’association Somoud.

Sur le plan juridique, les familles des victimes enlevées par les groupes armés demandent à ce qu’on leur délivre les actes de décès de leurs proches. Pour l’heure, ces victimes n’ont aucun statut. L’on hésite encore à les mettre dans la case des disparus ou dans celle des victimes du terrorisme. Sur le plan social, l’association Somoud demande une «assistance financière».

Les familles des disparus, elles, s’interrogent sur les raisons pour lesquelles elles n’ont pas été conviées à la rencontre avec le ministre de la Solidarité nationale. Elles se contentent, pour l’heure, de faire le tour des ambassades installées en Algérie et d’animer des meetings pour sensibiliser les Algériens sur leur cas. «Nous sommes pour la paix, disent les mères de disparus, mais nous ne pardonnerons pas de cette manière».

Amel Blidi