Charte pour la réconciliation: Un nouveau casse-tête

Mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation

Un nouveau casse-tête

El Watan, 16 octobre 2005

Hassan Hattab a parlé. Il s’est exprimé, hier, dans les colonnes du quotidien saoudien Asharq Al Awsat, 16 jours après le référendum sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale.

Il a été interviewé à 100 km à l’est d’Alger. L’ex-terroriste en chef du GSPC (organisation terroriste dite affiliée à Al Qaîda) a posé ses conditions pour qu’il descende du maquis et déposer les armes. Hassan Hattab ne semble donc pas satisfait des dispositions d’amnistie telles qu’énoncées dans la charte du Président Bouteflika, plébiscitée le 29 septembre dernier. Il a même exigé la libération de Ali Benhadj et le retour du FIS dissous. Exigences diamétralement opposées au texte de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il est indiqué dans le chapitre relatif aux mesures destinées à consolider la réconciliation nationale que le peuple ne peut oublier les tragiques conséquences de l’odieuse instrumentalisation des préceptes de l’Islam et de la religion de l’Etat. Ainsi, toujours dans le même texte, il est souligné qu’en approuvant la présente charte, le peuple « affirme son droit de se protéger de toute répétition de telles dérives et décide, souverainement, d’interdire aux responsables de cette instrumentalisation de la religion toute possibilité d’exercice d’une activité politique, et ce, sous quelque couverture que ce soit ». L’interdiction concerne directement les responsables du FIS dissous. Le Président Bouteflika a d’ailleurs déclaré plusieurs fois dans ses meetings que le FIS est fini. Pourquoi donc Hattab pose-t-il de telles conditions ? Ne veut-il pas déposer les armes ou n’a-t-il pas lu la charte du Président ? Encore, de quel droit un chef sanguinaire, responsable de milliers de morts, exige des choses pour faire la paix, alors que la charte lui a déjà ouvert grand les portes du pardon et de la quiétude ? Le texte de la charte a exclu les gens ayant été impliqués dans des massacres collectifs, les viols et les attentats à l’explosif dans les lieux publics. Cette catégorie de criminels ne bénéficiera pas des mesures du pardon. Hassan Hattab entre dans cette catégorie, car il est responsable d’un groupe terroriste qui a endeuillé des milliers de familles. Comme d’ailleurs Madani Mezrag, le chef de l’AIS (le bras armé du FIS dissous). Seront-ils jugés pour leurs crimes contre l’humanité ? Et ils ne sont pas seuls. Beaucoup de massacres collectifs ont été perpétrés dans différentes régions du pays. L’Etat est-il en mesure d’identifier les auteurs et les responsables impliqués de ces carnages ? Difficile de parier, car les autorités algériennes n’ont pas pu, jusqu’à présent, faire le bilan de la « tragédie nationale ». Aussi, pour savoir quels sont ces terroristes responsables de massacres, il faudra diligenter des enquêtes. Chose qui n’a pas été faite, bien sûr. Encore, en 2000, lors de la mise en application de la loi sur la concorde civile, l’Etat avait parlé de l’installation de comités de probation. Ceux-ci devaient alors faire le travail nécessaire pour, justement, faire la distinction entre les individus ayant les mains tachées de sang et les autres. Car, aussi dans cette loi, son promoteur avait précisé dans le texte qu’il n’y aura pas de pardon pour ceux qui avaient tué des innocents. Six ans plus tard, il s’est avéré que ce n’était que de l’encre sur du papier. Les comités de probation n’ont pas fonctionné, sinon dans l’opacité la plus totale. En tout cas, aucun bilan n’a été tiré. La même situation risque de se reproduire. Et ainsi se recyclerait l’impunité.

Mokrane Ait Ouarabi


Hassan Hattab à Asharq Al Awsat

« Déposer les armes oui, mais… »

Le quotidien saoudien basé à Londres, Asharq Al Awsat, a publié hier le compte rendu d’une rencontre entre son correspondant à Alger et Hassan Hattab, présenté comme « fondateur » du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).

Première du genre, la rencontre a eu lieu, selon le journaliste, « dans une maison discrète » à 100 kilomètres à l’est d’Alger, située dans son fief opérationnel. Hattab, 38 ans, selon la photo publiée par le quotidien, s’est présenté en tenue afghane, turban et chèche kaki, assis à califourchon devant un ordinateur portable qu’il dit ne jamais quitter, kalachnikov appuyée sur un mur derrière lui : dans la pure iconographie d’Al Qaîda de Ben Laden. Hattab, ancien parachutiste à Biskra, ex-mécanicien d’ambulance à Rouiba, a déclaré au journaliste qu’il était prêt à renoncer à l’action armée avec certains de ses « compagnons » si l’Etat satisfait des revendications. Il s’agirait, d’après ses dires, d’enlever la qualification de « terroristes » aux éléments du GSPC, de libérer Ali Benhadj et de réactiver l’ex-FIS. Hassan Hattab a affirmé que « la plupart des éléments du GSPC veulent intégrer la dynamique provoquée par le projet de la réconciliation » ajoutant qu’« il fallait travailler ensemble » pour « faire descendre » ces éléments. L’ancien émir, qui aurait « démissionné » de la direction de la Djamaâ salafia en 2003 selon la bio-express présentée par Asharq Al Awsat, coordonnerait actuellement ses « efforts » avec les services de sécurité pour « convaincre des éléments armés de déposer les armes et d’adhérer au processus de paix et de réconciliation ainsi que de rompre avec le noyau du GSPC ». Il dit avoir appelé ses « frères » à déposer les armes en restant positionnés dans le maquis et à toujours réclamer les revendications citées plus haut. « J’ai lâché le commandement (du GSPC) en septembre 2003, ce fut de ma propre volonté et je n’ai pas été forcé à franchir ce pas qui est motivé par le discours sur la réconciliation, un discours qui ouvre, à mon avis, une nouvelle ère », a indiqué Hattab. D’après l’ancien chef du GSPC, son option serait motivée par la conjonction « des appels des oulémas à la fraternité et au dépôt des armes, des changements intervenus dans la politique intérieure du pays et de l’insistance de plus en plus grande du peuple sur le recouvrement de la paix ». Hattab a nié que le GSPC a un quelconque lien avec le réseau Al Qaîda depuis la création de la Djamâa en 1998 jusqu’à sa « démission ». L’encouragement donné par le GSPC aux assassins, qui se réclamaient d’Al Qaîda, des deux diplomates algériens Belkadi et Belaroussi, n’est pas mentionné. Hattab a refusé de préciser le nombre des éléments encore actifs au sein du GSPC ni l’état interne de l’organisation qui serait actuellement sous la coupe d’Abdelmalek Droukdel. « J’ai des choses importantes à faire, chaque mot de moi a un poids considérable », a conclu Hassan Hattab au journaliste d’Asharq Al Awsat.

Adlène Meddi