Une rentrée politique sous le signe de l’absence de décision au sommet de l’État

Une rentrée politique sous le signe de l’absence de décision au sommet de l’État

Fayçal Métaoui, TSA, 04 Septembre 2017

L’été algérien a été instable sur le plan politique. Le limogeage, moins de trois mois après sa nomination, du Premier ministre Abdelmadjid Tebboune, a marqué la saison des chaleurs. Le changement brusque du premier responsable du gouvernement, après un bref bras de fer avec les milieux d’affaires et de l’importation, n’a toujours pas été expliqué officiellement. Le flot de commentaires et d’analyses, en Algérie et à l’étranger, sur la mise à l’écart de Tebboune, n’a pas fait bouger les autorités pour justifier la décision prise par le chef de l’État.

Tebboune : un départ toujours inexpliqué

Les premières déclarations faites par Ahmed Ouyahia, après sa désignation au poste de Premier ministre pour la troisième fois sous Bouteflika, n’ont pas atténué de la confusion générale sur « le remaniement étrange », selon les termes du Parti des Travailleurs.

Une situation qui n’a pas échappé à l’observation pointue des partenaires de l’Algérie de plus en plus inquiets sur l’avenir d’un pays qui semble naviguer à vue. Tebboune, pour rappel, a été limogé après avoir été reçu à Paris par son homologue français. Certains ont fait un parallèle avec le traitement réservé à Ali Benflis, alors chef du gouvernement, après son accueil « en chef d’État » à Paris. Écarté brutalement du gouvernement, Ali Benflis avait rejoint l’opposition et s’est présenté contre Bouteflika lors de l’élection présidentielle de 2004.

Rien n’indique que Tebboune en fera de même lors de la prochaine élection présidentielle mais sa mise à l’écart a considérablement affaibli la parole de l’Algérie devant les partenaires étrangers et semé le doute auprès de l’opinion nationale. Une opinion nationale qui s’interroge toujours sur cette capacité des hommes d’affaires à « refaire » le tableau politique dans le pays à leur guise.

Le ministre de l’Industrie Mahdjoub Beda est parti après avoir dévoilé les failles de l’industrie automobile. Et le ministre du Commerce Ahmed Saci a été éloigné pour avoir été ferme sur l’application des quotas d’importation. C’est du moins ce que les Algériens ont compris de la décision du 15 août 2017, faute d’éclairages officiels.

Dans contexte, une interrogation est sur toutes les lèvres : que devient le plan d’action de Abdelmadjid Tebboune validé en Conseil des ministres et adopté par les deux chambres du Parlement, fin juin 2017 ? Il n’est écrit nulle part dans la loi algérienne que le limogeage d’un Premier ministre entraîne « l’annulation » de son programme validé par le Parlement. Sinon quelles seraient l’utilité, la place et la puissance de la représentation nationale ?

Autre interrogation : pourquoi Ahmed Ouyahia n’a-t-il pas repris le plan d’action de son prédécesseur pour le mettre en application, ne serait que par respect au vote des représentants du peuple et par économie des deniers publics ?

Les députés, qui effectuent leur rentrée parlementaire ce lundi, assistent pour l’instant en observateurs face à une situation inédite. Les parlementaires doivent également faire preuve de beaucoup d’imagination et d’esprit d’initiative pour faire des propositions de lois à défaut de nouveaux projets de texte venant du gouvernement.

Le Conseil des ministres, qui adopte ces projets, ne s’est réuni qu’une seule fois depuis le début de l’année et la date de sa prochaine réunion n’est pas encore définie. Le gouvernement Ahmed Ouyahia, dont la durée de vie ne dépassera pas les vingt mois, aurait-il le temps nécessaire pour rattraper les retards accumulés ces derniers mois ? Ou se contentera-t-il de parer aux plus pressé et de « gérer » ce qui peut l’être avant l’élection présidentielle de 2019 ?

La présidence sans directeur de cabinet

Depuis le départ d’Ahmed Ouyahia, le poste de directeur de cabinet à la présidence de la République est resté vacant. Qui s’occupe des affaires courantes à la présidence de la République ? Visiblement, personne. Est-il sérieux pour un État, qui veut s’inscrire dans la modernité et qui cherche à maintenir sa stabilité dans un contexte régional explosif, de laisser un tel poste vacant surtout avec l’absence prolongée du président de la République, contraint à réduire ses activités officielles en raison de son état de santé ?

Le poste, pourtant important, d’ambassadeur d’Algérie à Paris est resté inoccupé pendant plusieurs mois sans que l’on trouve une explication logique. Idem pour celui du président du Conseil national économique et social (Cnes), vacant depuis le décès, en mars dernier, de Mohamed Seghir Babes.

Pourquoi toute cette lenteur dans le processus de nomination des cadres et des responsables ? Et quelle image a l’État algérien à l’étranger avec des postes vacants, des interlocuteurs absents, des décisions annulées à la vitesse du vent, des lois changeantes et des responsables « instables » ? Un pays faisant face à une grave crise financière et à des menaces sécuritaires ne peut pas se permettre de perdre du temps ni limiter ou compromettre ses capacités de négociation et d’influence en extérieur.