Le plan d’action d’Ouyahia, entre approximations et chiffres mirobolants

Le plan d’action d’Ouyahia, entre approximations et chiffres mirobolants

Hassan Haddouche, TSA, 17 Septembre 2017

La plupart des observateurs s’accordent à considérer que le diagnostic sur la situation financière du pays réalisé par le plan d’action du gouvernement Ouyahia est marqué par une certaine rigueur. Il n’en est malheureusement pas de même des prévisions en matière de réalisations prévues pour les prochaines années.

Ces prévisions sont caractérisées au contraire, dans de nombreux domaines, par une tendance évidente à « gonfler les chiffres » et les objectifs affichés d’une manière qui constitue quelquefois un défi à la simple vraisemblance.

Logement : un rythme impossible à tenir

Un premier exemple peut être relevé dans le domaine sensible du logement. « Le gouvernement s’engage à achever la réalisation de 1, 6 million de logements d’ici la fin de 2019, en mobilisant de nouvelles sources de financement », indique le plan d’action du gouvernement. C’est donc près de 800.000 logements par an que le gouvernement entend livrer au cours des deux prochaines années.

Le problème c’est que le plan d’action lui-même signale que le rythme moyen de réalisation au cours des 17 dernières années a été d’environ 200.000 logements par an : “L’Algérie a déjà réalisé, entre 2000 et 2017, des avancées exceptionnelles matérialisées notamment par prés de 3,6 millions de logements livrés et près d’un million de logements en cours de réalisation”.

Comment le gouvernement Ouyahia va-t-il réaliser cette performance extraordinaire qui permettra à notre pays de dépasser largement les réalisations d’un pays comme la France qui livre à peine 400.000 logements par an surtout en période de crise où plusieurs chantiers sont à l’arrêt faute de paiement ?

Les réponses ne figurent pas de façon évidente dans le programme qui indique seulement que pour surmonter la contrainte financière liée à un objectif aussi colossal, « le gouvernement travaillera à la mobilisation de nouvelles sources de financement pour la poursuite de l’effort public de réalisation de logements, y compris des produits bancaires diversifiés et adaptés, l’épargne des demandeurs de logements et les revenus de la gestion immobilière du patrimoine public ».

La contrainte liée à la taille de l’outil de réalisation d’un tel objectif est également évoquée de façon très peu convaincante. “Les pouvoirs publics agiront aussi pour la dynamisation de l’activité immobilière à travers la promotion de partenariats public/privé et la mise en place d’un régime incitatif pour l’investissement dans la réalisation du logement destiné à la location notamment par le développement du marché locatif privé“, indique le document.
Production d’électricité : un objectif surréaliste

Les objectifs mentionnés par le plan d’action du gouvernement Ouyahia en matière de production d’électricité interpellent également par un manque évident de réalisme.

« Le gouvernement s’attellera à la poursuite de la réalisation des infrastructures dans le secteur de l’électricité, pour assurer une production accrue. En matière de production de l’électricité, et afin de répondre à une demande croissante, le programme en cours de réalisation permettra de faire passer la puissance installée à 30.000 MW à l’horizon 2020 », indique le document.

Dans ce domaine, le gouvernement Ouyahia se donne donc trois ans pour plus que doubler la puissance électrique installée dans notre pays depuis l’indépendance. Ce chiffre contredit les prévisions du ministre de l’Énergie. En août dernier, Mustapha Guitouni, qui était ancien PDG de Sonelgaz, rappelait que la puissance électrique installée dans notre pays est actuellement légèrement inférieure à 14.000 MW.

Il ajoutait que le programme de Sonelgaz visait à augmenter cette puissance installée d’environ 2000 MW par an au cours des 10 prochaines années. Cet objectif, qui est déjà en lui-même très ambitieux, nécessitera la mobilisation de près de 4 milliards de dollars de financements chaque année. Un pari qui est loin d’être gagné d’avance et qui fera passer, si tout va bien, la puissance électrique installée à « seulement » 20.000 MW en 2020. On est loin de l’objectif affiché dans le plan d’action du gouvernement.
L’Ansej au secours de la création d’emplois

La microentreprise est un autre domaine dans lequel le souci légitime du bien public semble avoir fait oublier toute prudence aux rédacteurs du plan d’action. « L’Ansej financera un minimum de 23.000 projets pour chacun des exercices 2018 et 2019 avec un impact de création de près de 150.000 emplois par année. Pour la CNAC, il s’agira d’accompagner le lancement de plus de 30.000 projets sur la période 2018-2019 avec la création de près de 80.000 emplois », indique le document.

Le problème ici n’est pas l’objectif en matière de nombre d’entreprises à créer. Ce dernier est en effet tout à fait en ligne et cohérent avec les résultats obtenus au cours des dernières années. En revanche, les rédacteurs de ce chapitre du plan d’action semblent s’être laissés emporter par leur enthousiasme en ce qui concerne le nombre d’emplois qui pourront être engendrés par le dispositif au cours des deux prochaines années.

Dans ce domaine, les bilans établis par le ministre du Travail, Mourad Zemali, qui se trouve être un ancien directeur général de l’Ansej, indiquent clairement que les entreprises Ansej permettent en moyenne la création d’un peu plus de deux emplois pour chacune d’entre elles.

C’est ce qui explique que le dispositif Ansej créé en 1997 a permis, selon un bilan tout récent, la création de 375.000 microentreprises et 800.000 emplois.

Sur cette base, on peut s’attendre raisonnablement à la création de plus de 50.000 emplois par an d’ici 2019 et non 150.000 comme l’annonce le gouvernement.