Abdelhamid Mehri appelle à une conférence nationale

Reçu hier par l’instance de consultation sur les réformes politiques

Abdelhamid Mehri appelle à une conférence nationale

El Watan, 13 juin 2011

L’ancien secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri, clarifie sa conception des réformes politiques qui devraient être entreprises en Algérie.

Une conception visiblement contraire à la démarche choisie par le pouvoir actuellement. «Recueillir les suggestions et les propositions des partis et des personnalités afin d’amender des textes législatifs devrait intervenir à la fin d’un long processus. Résumer les réformes à une simple révision des textes réduit leur crédibilité et risque même de les vider de leur sens», a-t-il déclaré à sa sortie de la réunion avec les membres de l’instance de consultation sur les réformes politiques dont il était l’invité hier après-midi. Selon lui, il faut changer les mentalités et les pratiques : «Le problème du système politique actuel réside dans les mentalités, les pratiques et les décisions qui se font en dehors des textes et n’obéissent à aucune loi. Ces dernières représentent un système politique parallèle.

Et c’est ce qu’il faut changer.» Le processus de réformes, indique-t-il, devrait être entamé en faisant participer toutes les forces politiques sans exclusion à la recherche, la planification et l’exécution : «Il faut mûrir l’opération des réformes en permettant à toutes les couches de la société de suivre toutes les étapes et leur évolution à travers un système d’information objectif et transparent. Le cas échéant, il faut ouvrir un débat général sur certaines questions.» En troisième lieu, M. Mehri estime nécessaire de réaliser un consensus afin «d’élaborer un document national de référence» qui définira clairement les objectifs des réformes et les étapes à suivre pour leur réalisation. «Il faut noter aussi que l’adoption du principe de la majorité est une erreur monumentale. Il ne faut pas reproduire les expériences du passé, en particulier la Constitution de 1989», insiste-t-il.

«LES ISLAMISTES ONT LE DROIT DE PARTICIPER»

Pour réaliser ce processus, M. Mehri suggère trois points. Il appelle d’abord à l’organisation d’une conférence nationale qui permettra à toutes les forces politiques de participer efficacement à la réussite du changement et mettre ainsi le pays sur la bonne voie. L’ancien responsable du FLN plaide aussi pour l’organisation d’un débat général et public sur la question du changement par l’APN.
Enfin, il insiste sur l’encouragement des représentants de la société à organiser des conférences pour débattre du changement et proposer des solutions. Interrogé par les journalistes sur la participation des anciens dirigeants de l’ex-FIS au processus de réformes, Abdelhamid Mehri se dit «contre l’exclusion». «Les islamistes sont des Algériens et ils doivent prendre part à ces réformes. L’Algérie a besoin de tous ses enfants. Mais je ne suis pas d’accord avec celui qui recourt à la violence et celui qui veut instaurer un Etat théocratique», nuance-t-il. M. Mehri tente également d’expliquer qu’il n’y a aucune divergence entre lui et le président du FFS : «Les contacts avec Hocine Aït Ahmed sont permanents. Mais il n’y a pas de coordination entre Hocine Aït Ahmed et moi concernant ces consultations.»

Madjid Makedhi


Abdelhamid Mehri: Tous les islamistes doivent participer aux consultations

par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 13 juin 2011

Reçu en tant que personnalité nationale, Abdelhamid Mehri a mis hier en avant la nécessité d’élaborer un projet national sur la base d’un large et profond consensus y compris en associant «les islamistes qui font de la politique».

«La réforme profonde qui vise le changement des structures de l’Etat et de ses méthodes de gestion est une revendication partagée par tous comme constaté», a commencé par noter l’ancien secrétaire du FLN. Seulement, il considère que «la réforme selon cette conception, est une immense démarche politique qui a une importance absolue». C’est pour cela qu’il estime qu’«il ne faut pas l’inclure au sein des prérogatives de la gestion courante des affaires de l’Etat». La demande est d’autant plus justifiée quand, indique-t-il, «il s’agit de la situation algérienne qui est alourdie par de nombreuses expériences et par des séquelles du passé».

Abdelhamid Mehri pense, dans ce cas, qu’il est «de l’obligation sûre de faire participer toutes les forces politiques, sans exclusion, sous quelque motif qu’il soit, dans les étapes de la recherche, de la planification et de l’exécution de la réforme en question». Il recommande alors qu’il faut «faire mûrir la démarche de la réforme en permettant à l’ensemble des catégories sociales de suivre les étapes de son évolution et ce à travers des médias objectifs, entiers et transparents». Et en cas de besoin, ajoute-t-il, «il faut faire participer l’ensemble de ces catégories sociales dans le débat sur certaines questions qui sont posées à l’opinion publique».

L’ancien SG du FLN met en troisième position sa proposition «d’œuvrer à la fin de cette opération, à la réalisation d’un consensus ou de ce qui s’y rapproche autour d’un document national de référence qui détermine avec précision et clairement les objectifs de la réforme ainsi que les étapes et les méthodes de leur application». Mehri attire alors l’attention sur «l’adoption de la logique de la majorité» en soulignant que «c’est une logique fausse selon mon avis, et ce qu’elles qu’en soient les voies empruntées pour l’atteindre». Il rappelle à cet effet «l’expérience de la Constitution de 1989».

Il revient sur la mission première de la commission Bensalah qui est celle «de recueillir les avis sur la révision des textes et leur adaptation» pour préciser que «cela doit intervenir en dernier lieu dans les étapes de conception du changement que j’ai évoqué». Parce qu’estime-t-il «résumer la réforme en une révision des textes diminue de la portée de ce changement et risque de le vider de son contenu». Pour lui, «les principales reproches faites au régime actuel, ce sont les mentalités, les pratiques et les décisions qui interviennent en dehors des textes et ne se plient à aucune codification». Ce qui constitue, fait-il remarquer, «en vérité un régime parallèle à celui écrit dans les textes». Et, affirme-t-il, «c’est ce régime non écrit qui doit être changé».

«La participation de tous les islamistes»

Mehri veut «encourager les différentes franges sociales à organiser des conférences et des séminaires pour débattre du changement et proposer des solutions qu’elles considèrent aptes à être réalisées». En même temps, il appelle au «lancement d’un débat général et public sur le changement au niveau de l’APN et du Conseil de la Nation». Sa dernière proposition consiste en l’organisation «d’une conférence nationale qui permet à l’ensemble des forces politiques de participer effectivement à une réussite réelle d’un changement à même de mettre le peuple en confiance et place notre pays sur le droit chemin pour affronter l’avenir».

Abdelhamid Mehri a reconnu entretenir des contacts avec Aït Ahmed, le président du FFS, mais, a-t-il précisé, «nous n’avons pas de prise de position commune». Interrogé sur s’il a eu des garanties par le pouvoir pour voir ses propositions prises en charge, l’ancien SG du FLN estime que «c’est une consultation et c’est normal que tout un chacun a de l’espoir, sinon on ne fait pas de politique». Il a encore noté dans ses réponses aux questions des journalistes que «la solution pour le pays ne peut venir de moi seul ou d’une personne mais elle exige tous les efforts. C’est impératif que toutes les bonnes volontés s’associent pour répondre aux aspirations de tout le monde». A propos de la crédibilité de la commission Bensalah, Mehri estime que celle-ci «augmente quand les avis recueillis sont positifs et diminue quand on se trompe».

A une question sur la participation des chefs du Fis dissous aux consultations politiques, il soulignera qu’il ne doit pas s’agir du Fis dissous mais, affirme-t-il, «tous les islamistes, tous ceux qui font de la politique doivent participer parce qu’on ne peut pas savoir si celui qui ne participe pas a un bon avis ou pas». Il est évident que l’allusion touche en premier les leaders de l’ex-Fis. «Je ne partage pas l’avis de celui qui appelle à la violence, je ne partage pas l’avis de celui qui veut un Etat théocratique, mais de là à l’empêcher d’exercer son droit comme tout Algérien, je ne le fais pas», dit-il encore pour apporter davantage de clarification à ses propos. «Le pays a besoin de tous ses enfants pour réussir ses réformes», a-t-il soutenu. Mehri déclare à la fin qu’«on n’est pas contre la révision des textes mais elle doit constituer la dernière étape». L’important pour lui est «d’arriver à un projet national global consensuel».