Consultations politiques: Les propositions du parti d’Ouyahia

Consultations politiques: Les propositions du parti d’Ouyahia

par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 4 juin 2011

Le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) demande à ce que la révision de la Constitution soit soumise à la prochaine assemblée et au référendum populaire.

C’est ce qui a été mis en préambule d’un grand nombre de propositions que le RND a transcrites dans un mémorandum de 15 pages et que son secrétaire général a remis jeudi matin à la Commission Bensalah.

Dans une synthèse de ses propositions distribuée à la presse, on relève en premier que le RND veut, au titre de la révision de la loi sur les partis, que soit «insérée une disposition provenant de la charte pour la réconciliation et interdisant la création d’un parti politique par des personnes ayant participé à des actions terroristes ou qui refusent de reconnaître leur responsabilité dans la conception et la mise en œuvre d’un pseudo djihad contre la nation et les institutions de la république.» Le Premier ministre compte bien prendre de l’avance et ses devants par rapport à une éventuelle démarche du président de la République qui confortera la promesse d’une amnistie générale des islamistes incarcérés, qu’il a faite lors de ses meetings de campagne présidentielle de 2009. De l’éradicateur qu’il s’est toujours targué d’être, Ouyahia est allé cependant jusqu’à faire campagne en faveur de la réconciliation nationale. Mais ici, il semble dire qu’il n’ira pas au-delà notamment, comme il est susurré ici et là, s’il se voit et pense être le candidat potentiel d’une élection présidentielle à venir. Ses réponses aux questions qu’il voulait qu’elles lui soient posées lors de sa conférence de presse à l’issue de la tripartite du 28 mai dernier, lui en confirme en tout cas, de grandes appétences.

Et pour rappeler à l’esprit des citoyens qu’il est profondément imprégné de la culture démocratique pluraliste, Ouyahia demande par la voix de son parti qu’il soit «précisé qu’en l’absence d’un rejet formel par le ministère de l’Intérieur, tout dossier d’agrément sera considéré légalement reconnu 60 jours après son dépôt, l’agrément étant ainsi formellement délivré par le juge administratif. Le cas échéant, il appartiendra à l’administration d’introduire un appel non suspensif devant le Conseil d’Etat.» L’on ne s’empêche pas de s’interroger – dans ce cas – pourquoi en tant que Premier ministre, n’a-t-il pas donné instruction au ministre de l’Intérieur pour appliquer cette vision des choses à l’encontre des personnes qui ont déposé des dossiers d’agrément de parti et qui attendent indéfiniment la réponse. Mais ceci est une autre question de pouvoir.

Le RND veut, toujours dans le cadre de la révision de la loi sur les partis, qu’il soit fait obligation à tout parti d’inclure dès son prochain congrès un minimum de 30% de femmes dans ses instances dirigeantes au niveau local et national ainsi que dans la participation du congrès. Congrès qui doit être tenu, selon lui, tous les 5 ans «au risque de se voir privé du droit de présenter des listes aux élections.»

Ouyahia propose l’ouverture de l’audiovisuel au capital privé

Le parti fait 7 autres propositions mais celles-là pour la révision de la loi électorale. Entre autres, «limiter les motifs de rejet des candidatures aux seules privations des droits civiques et politiques et aux condamnations définitives à des peines infamantes.» Réduire à 23 ans l’âge des candidatures aux assemblées communales et de wilayas et à 30 ans pour celle au Conseil de la nation. Renforcer la neutralité de l’administration en plaçant la conduite des opérations électorales sous la direction d’un juge au niveau de chaque commune. Rendre obligatoire le recours aux observateurs internationaux et l’urne transparente. Et enfin maintien du mode de scrutin proportionnel pour les élections aux différentes assemblées.

Pour ce qui est du code de l’information, le RND propose de «supprimer les peines privatives de liberté contenues dans l’article 15 de la loi actuelle et de lever toute autre contrainte à la liberté d’information dans le respect de la dignité de chaque citoyen et de la sécurité du pays dans toutes ses significations.» De rendre obligatoire le devoir pour l’administration d’ouvrir l’accès à l’information dans le respect de la protection de la sécurité et de la défense nationales, des intérêts extérieurs du pays, des droits des citoyens et du secret de l’instruction judiciaire. Le parti d’Ouyahia appelle à l’installation du Conseil supérieur de l’information, un autre de l’audiovisuel «qui aura la responsabilité de réguler l’égalité d’accès de tous les partis agréés à la télévision et à la radio.» Le RND propose en dernier, l’ouverture au capital privé la création de nouvelles chaînes de télévision et de radios «en encadrant cela transitoirement avec une participation majoritaire du capital public, et de manière permanente par un cahier des charges protégeant les composantes de notre personnalité nationale, la morale et l’ordre public.» Encore une idée que le Premier ministre n’a jamais défendue mais par laquelle il veut se projeter assez loin… du pouvoir décisionnel actuel.

Le RND plaide pour un régime semi-présidentiel

Les propositions sur la révision de la Constitution figurent en dernier, dans la synthèse du parti. Est soutenu au préalable, le régime semi-présidentiel pour «éviter au pays des blocages institutionnels, et pour garantir la participation de tous les courants politiques à la gestion du pays (…).» Il plaide pour un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois, un Premier ministre issu du parti majoritaire à l’APN et un gouvernement «comptable de son programme qui doit recueillir l’accord de l’assemblée». Le recours par ordonnance présidentielle doit être limité, selon lui, aux seuls cas d’urgence exceptionnels. Il plaide en faveur du renforcement d’un contrôle parlementaire sur le gouvernement à travers «une session parlementaire unique de 10 mois et une obligation au gouvernement de répondre aux questions orales dans un délai maximal de 30 jours.» Le RND veut le maintien du Conseil de la nation avec un droit d’amender des projets de loi mais en réduisant la majorité requise en son sein, à la majorité simple pour les projets de lois et à la majorité des deux tiers pour les projets de lois organiques. Il veut la constitutionnalisation de l’obligation de présence du député en commission et en plénière, limiter l’immunité parlementaire aux seuls actes politiques du député et interdire le nomadisme politique des élus sous peine de déchéance de mandat. Une séance mensuelle doit être consacrée, plaide-t-il, aux groupes parlementaires de l’opposition. Instituer le droit pour un cinquième des députés de saisir le Conseil constitutionnel sur un projet de loi voté par la majorité en est la dernière proposition.

Accompagné par quatre membres de son conseil national, Ahmed Ouyahia a pris quand même un peu plus d’une heure pour faire connaître les avis et positions de son parti au sujet des réformes et des chantiers «que le président de la République a ouverts.» A l’issue de cette consultation, il a déclaré à la presse que «nous avons remis un mémorandum avec tous les détails sur les réformes. Je tiens à noter que nos propositions sur les projets de loi inscrites dans ces réformes ainsi que sur la révision de la Constitution y sont abordées d’une manière précise.» Ouyahia a rappelé que «le RND est connu sur le territoire national et aussi chez nos amis de la presse que c’est un parti démocratique et républicain qui a toujours mis l’intérêt national au-dessus de tout et au-dessus de toute considération partisane.» Il signalera au passage que le mémorandum en question est sur le site Internet du parti.

Il affirme que «nous avons la ferme conviction que le temps est venu pour que l’Algérie parachève son processus démocratique lancé en 1989 mais qui a connu un léger ralentissement à cause de la tragédie nationale.» Le SG du RND a fait savoir par ailleurs, que son parti pense que «le pluralisme démocratique en Algérie doit être du même niveau que celui des pays développés, c’est notre conception d’une démocratie pluraliste et moderne. Ceci est un droit élémentaire du peuple.»