Grandes manœuvres de la gendarmerie à Khenchela

Des Ninjas appuyés par des hélicos face à un foyer de tension

Grandes manœuvres de la gendarmerie à Khenchela

Mourad kezzar, Liberté, 14 juin 2006

Le commandement de la Gendarmerie nationale a organisé, hier, à Hammam Salhine, dans la wilaya de Khenchela, sur les monts des Nememchas, une méga-manœuvre à laquelle ont pris part des unités d’intervention et de lutte, et ce, outre les autres armes composant ce corps de l’ANP.

L’opération a été organisée à l’issue d’un stage de mise à niveau de 56 jours, ouvert le 14 avril dernier, tenu juste près de Hammam Salhine par le commandement de la Ve Région militaire. Pas moins de 4 288 hommes, répartis en 4 sessions de 14 jours chacune, y ont transité.
La méga-manœuvre d’hier a regroupé 1 300 éléments, tous grades et armes confondus, issus des unités de 15 wilayas de l’est du pays, en plus de 3 détachements spécialisés dans l’intervention et la neutralisation dépêchés de Ouargla. Un nouveau profil qui s’inscrit dans le cadre du redéploiement des forces de sécurité dans la lutte contre la grande délinquance.
Le camp, selon les Tagarins, se veut un espace de mise à niveau des techniques d’action, de combat et d’harmonisation des interventions en situation de crise. Au cours des différents audits, le commandement relève des points à améliorer. Le camp lui permet d’agir en ce sens.
Le choix du site répond aux nouvelles exigences, où la menace existe aussi bien en milieu rural qu’en montagnes. Le choix du thème, lui, se veut une façon de se coller aux réalités de la vie socioéconomique.
Le foyer principal de tension ciblé n’est autre que le complexe Aurès de textile employant 1 500 salariés. Sa privatisation a été accompagnée d’un plan social prévoyant le licenciement de 40% des effectifs. Le collectif des travailleurs rejette la décision de restructuration prise par le nouveau conseil d’administration. Après quoi, ils entament une série d’actions de protestation. La veille de la décision du wali portant réquisition de la force publique, près de 500 employés ont organisé un sit-in ininterrompu à l’intérieur de l’usine. D’autres, en revanche, ont bloqué les accès de l’usine, alors que certains ont même pris position dans les forêts limitrophes, à côté du réservoir d’eau potable qui alimente la commune de Hamma. Des incidents ont été enregistrés à l’entrée de certaines cités urbaines à Khenchela-ville par des sympathisants en signe de solidarité avec les salariés de la société Aurès, d’où est tiré le nom de la manœuvre. Les données de renseignements faisaient état d’une éventuelle marche de protestation qui sera organisée dans la ville de Khenchela par près de
3 000 citoyens venus des communes limitrophes. Enfin, des signes avant-coureurs de glissements dangereux si la situation n’est pas reprise en main rapidement et efficacement.
Le lendemain, à 6 heures, profitant de l’effet de surprise, 1 423 hommes, appuyés par une brigade cynophile et deux hélicoptères de l’escadron d’Annaba entrent en action.
Pour “récupérer l’usine”, l’assaut est donné à travers les cinq portes. L’avancée des hommes n’est pas facile, car parmi les protestataires, il y a ceux qui possèdent des armes blanches et des cocktails Molotov. Des informations sont déjà réunies par le travail de renseignements effectué auparavant. Les hommes du détachement d’intervention et de neutralisation, un renfort de Ouargla, finiront par maîtriser les manifestants.
Après l’évacuation de l’essentiel des protestataires vers l’extérieur de l’usine et même jusqu’à la ville de Hamma, des éléments jugés suspects ont été mis en quarantaine à l’intérieur du site. Le commandement apprend que d’autres protestataires prennent en otage, dans une pièce située au deuxième étage du bloc administratif de l’usine, le directeur et deux de ses collaborateurs.
Aux appels du “modérateur”, les preneurs d’otages répondent par des tirs d’armes à feu. C’est à ce moment-là que les deux hélicoptères qui suivaient les opérations entrent en scène avec les commandos des forces spéciales de la gendarmerie : les fameux Ninjas de Bouchaoui. Venant de terre ou depuis les hélicos à l’aide de cordages et d’effets spéciaux, les hommes encagoulés partent à la libération des otages, sans recourir au gaz lacrymogène en milieu fermé. Opération réussie en moins de 5 minutes. Une fois les otages libérés, un des protestataires gravement blessé sera évacué par hélico vers les urgences médicales et les autres remis aux unités de la Police judiciaire pour l’ouverture d’enquêtes préliminaires.
Une permanence logistique de 48 heures est assurée au sein de l’usine jusqu’à la maîtrise définitive du foyer de tension. C’est la fin d’une manœuvre réussie sur plusieurs plans menée par la Gendarmerie nationale. À travers cette manœuvre, on comprend que la gendarmerie s’engage résolument dans la modernité. Dans le jargon sécuritaire, cela s’appelle veille stratégique, mais aussi prospective.
Signalons enfin que, pour rappel, le général-major Ahmed Boustila, commandant de la Gendarmerie nationale, a supervisé en personne et en présence de son staff la manœuvre.

M. K.