La Libye, l’Algérie, le Para, les rebelles et l’effet «Envoyé spécial»

Conférence de presse du mouvement tchadien MJDT à Paris

La Libye, l’Algérie, le Para, les rebelles et l’effet «Envoyé spécial»

De Notre Correspondant A Paris: Sarah Raouf, Le Quotidien d’Oran, 14 septembre 2004

L’effet « Envoyé spécial », le magazine de France 2, a joué à fond. Une bonne vingtaine de journalistes, français et africains pour la plupart, se sont pressés, hier, au Centre d’accueil de la presse étrangère.

Tel que présenté, l’objet de la conférence de presse valait le déplacement. Adressé aux rédactions le surlendemain de la diffusion du reportage de Patrick Loferrestier, le communiqué de presse avait une allure captivante. « En mars de cette année, une bande du groupe islamiste algérien GSPC, dirigée par Abderrezak El Para, numéro deux de ce mouvement, tente de s’infiltrer dans le Tibesti contrôlé par le MJDT, donnant lieu à des spéculations sur une complicité entre l’opposition tchadienne et les mouvements intégristes ». Le reste du communiqué avait une teneur exclusivement tchadienne. Le début de l’énoncé était largement suffisant pour assurer la présence de pas moins de quatre caméras de télévision.

Au final, l’appel médiatique n’a pas valu grand-chose, si ce n’est un exercice de communication de l’opposition au pouvoir de N’djamena. Trois de ses représentants ne se sont pas fait prier pour dénoncer la manoeuvre de Driss Deby, balayer l’accusation de liens avec le GSPC. Et s’assurer une exposition médiatique inespérée. Confronté à « un bilan terrifiant, le régime essaye d’isoler l’opposition en l’accusant de complicité avec ces groupes », a contre-attaqué cheikh Ibn Oumar, coordinateur provisoire de l’Union des forces pour le changement (UFC). A l’appui de son argument, cet ancien ministre du temps du gouvernement de Goukouni Oudeï assure que « rien dans notre action, notre idéologie, ni dans nos croyances religieuses ne nous permet de douter que ces mouvements salafistes sont mus par une idéologie islamiste », a-t-il dit.

Ramené à l’avant-scène médiatique par le reportage d’ «Envoyé spécial », le cas d’El Para a motivé, en partie, le déplacement des journalistes présents. Pour la circonstance, l’essentiel de la curiosité journalistique s’est manifestée autour du membre du GSPC. Question qui a fusé d’emblée avant de revenir à deux ou trois reprises sous des forme différentes : le MJDT a-t-il proposé oui ou non de remettre El Para à l’Algérie ? Réponse d’un des trois conférenciers présents : « Après son arrestation, nous nous sommes adressés à toutes les parties de la sous-région concernées par la lutte antiterroriste ».

Sous l’effet de demandes répétées d’un surcroît de précisions, notamment les noms de ces pays concernés, le coordinateur en a appelé aux réponses du Dr Brahim Tchouma, responsable des relations extérieures du MJDT. Pour toute indication, le « diplomate » du mouvement, qui occupe la place de « membre » au sein de l’UFC, s’est contenté de dire : « le pays le plus concerné, l’Algérie, a été contacté ». Et le même orateur d’ajouter sans davantage de clarté : « tous ceux qui luttent contre le terrorisme ont été contactés ». Venue, entre autres préoccupations, pour battre en brèche l’étiquette de complicité avec les mouvements, l’UFC s’est présentée comme une addition de mouvements résolument anti- islamistes. Des mouvements soucieux de contribuer à « faire disparaître le phénomène de la sous-région » quand le gouvernement tchadien et d’autres voisins « veulent l’entretenir ». De tous les autres, le Dr Brahim Tchouma cite nommément la Libye. Non seulement, charge-t-il, Tripoli a été, de par le passé, « un soutien pour tous ces groupes », mais, bien plus, « elle a joué un rôle très négatif » dans l’affaire des prisonniers salafistes. «Les Libyens ont tout fait pour saboter » le processus, selon le «diplomate» du MJDT. Cette attaque au lance-flammes est motivée par le reproche selon lequel Tripoli « n’a pas tenu sa promesse ». Le MJDT affirme lui avoir livré deux membres du GSPC, dont « un adjoint d’El Para ». Demande expressément formulée par le mouvement rebelle tchadien, la Libye devait les extrader à son tour à l’Allemagne. Le mouvement, qui affirme contrôler «90 % du Tibesti», en veut à la Libye pour s’être adonnée, à l’occasion, à une «opération médiatique». Comment ? Les conférenciers n’en disent pas plus. A la question de savoir pourquoi l’extradition à laquelle ils affirment être attachés ne se concrétise pas, ils se plaignent de « très peu de volonté », selon la réponse de cheikh Oumar.

Au sujet de l’attitude de l’Algérie, le représentant du MJDT ajoute : « on nous a demandé de convoyer les salafistes à la frontière algérienne ». Un autre journaliste s’interroge sur des contacts possibles entre l’armée algérienne et des éléments du GSPC. « Nous n’en savons rien. Nous n’en avons aucune idée », rétorque le Dr Brahim Tchouma.

 

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