Au cœur du Centre africain de recherche sur le terrorisme

La structure est placée sous tutelle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine

Au cour du Centre africain de recherche sur le terrorisme

 

Par Faouzia Ababsa, La Tribune, 22 décembre 2004

Il a été reconstruit, réhabilité, rénové en 80 jours. Nuit et jour. Et il fut prêt à accueillir, dans un quartier populaire de la capitale réputé des plus sensibles sur le plan sécuritaire, et le président de la République et les chefs d’Etat et de gouvernements africains le jour de son inauguration, le 13 octobre dernier.Qu’il s’agisse de la main-d’ouvre, des équipements ou du matériel utilisé, les concepteurs du centre ont fait appel aux seules compétences algériennes. Y compris en ce qui concerne les équipements informatiques qui doivent servir pour les bases de données. Un taux d’intégration de 100%. Quant au financement, il est également à 100% algérien. En fait, il s’agit de l’ancien siège de l’Entreprise nationale de matériel de travaux publics que notre pays a mis à la disposition de l’Union africaine pour concrétiser la démarche visant à prévenir et à lutter contre le terrorisme. Placé sous tutelle du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, le Centre africain de recherche sur le terrorisme se veut un instrument, performant au demeurant, à même d’échanger des données et des informations relatives à des activités, plans ou flux des terroristes ou de groupes de terroristes. Des échanges qui se feront d’abord entre pays africains mais aussi en partenariat avec les autres organismes internationaux, américains, onusiens ou européens. A condition bien entendu que la réciprocité soit de mise. Le centre est dirigé par un directeur général chargé du volet éminemment politique et d’un expert en terrorisme pour l’animation de la structure. En fait, ce centre n’a rien à envier à ceux en opération dans les pays les plus développés. Bien au contraire. Forte de ses dix années de traque et de lutte antiterroriste, l’Algérie a acquis une expérience jamais égalée en matière de renseignements inhérents à ce phénomène mais aussi dans le domaine du tri et du traitement de l’information. D’où le choix porté sur elle pour abriter le siège du centre. Ses cadres sont des experts qui ont prouvé leur capacité, mais aussi endurance à fournir les éléments nécessaires à même d’identifier et de neutraliser les groupes terroristes. Le centre est doté d’une salle des serveurs qui sont rattachés au réseau local pour consulter les bases de données. Il s’agit également de gérer par le biais de l’électronique les appels entrants et sortants. Une sorte de filtres pour identifier les interlocuteurs et éviter les piratages ou les intrus. Le centre est doté également de salles de traitement des données, des opérations. Dans cette dernière, il est question de centraliser les informations provenant de cinq points focaux autres que ceux des pays africains. Là aussi, la réciprocité doit être de mise en ce sens qu’il n’est pas question pour le Centre africain de permettre l’accès aux données si la partie en face n’échange pas, pour ce qui la concerne, des informations.

Seule l’Algérie.

Même les pays africains membres de l’UA n’auront pas tous accès aux informations s’ils n’échangent pas leurs informations, s’ils n’ont pas payé leurs cotisations ou encore s’ils ne sont pas partie prenante des conventions internationales, régionales et sous-régionales relatives à la lutte contre le terrorisme. Cette condition n’est pas fortuite. Et pour cause, si l’on consulte le site internet du centre, on remarque que seules les positions de l’Algérie sur le terrorisme sont en bonne place. Ce sont, en effet, pas moins d’une trentaine d’interventions du président de la République dans diverses occasions et manifestations nationales et internationales, dans lesquelles il a abordé la question du terrorisme et l’impérieuse nécessité de lutter contre ce fléau qui sont contenues sur le site du centre. «Nous attendons toujours les discours des autres pays membres», nous dira un membre de l’encadrement de cette structure africaine. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que le reste des Etats africains n’ont pas de position par rapport à cette question, mais il semblerait que ce soit les moins touchés ou alors ceux qui n’ont pas encore connu cette tragédie qui tardent à se positionner de manière très claire et sans ambiguïté. C’est la raison pour laquelle la prudence affichée par le centre en matière de circulation d’informations aussi sensibles sur les mouvements des personnes ou organisations terroristes est plus que légitime. Le Centre de recherche sur le terrorisme dispose également de documentation et d’archives dont certaines peuvent être à la disposition du public, pas n’importe lequel, bien sûr. D’ailleurs, selon les cadres dirigeants de cette structure, certains documents seront tenus secrets, quelle que soit l’importance du chercheur ou de la personne qui désirerait les consulter. D’autres, par contre, peuvent être compulsées sur place. Dans ce même registre, ce centre dispose de listes et de registres de personnes ou d’organisations terroristes. A défaut, et lorsqu’une information lui parvient, il entreprend des recherches sur la base des listes déjà établies soit par l’ONU, l’Union européenne ou les Etats-Unis. Des recherches avancées sont prévues et qui seront à même de localiser l’individu ou l’organisation en question. A la question de savoir si le centre prend en considération le classement des organisations terroristes par les organismes cités alors même que l’Algérie ou encore l’Union africaine les identifient comme mouvement de résistance, nos interlocuteurs nous expliqueront que l’UA se contente de définir si l’acte commis s’inscrit dans le registre du terrorisme ou non. «Nous ne considérerons jamais un mouvement de résistance ou de libération comme une organisation terroriste», souligne le directeur général du CAERT.

La formation des élites antiterroristes en bonne place

Outre l’aspect alerte et prévention, le Centre de recherche sur le terrorisme se propose d’assurer la formation des élites, des experts dans tous les domaines qui touchent le terrorisme, les explosifs, la sécurité des biens et des infrastructures ainsi que la protection des personnalités. Il se veut également un élément d’audit pour déterminer les insuffisances de mesures de sécurité dans tel ou tel lieu sensible ou institutionnel. «Notre objectif est de former des formateurs qui nous viennent des autres pays africains. Qui, à leur tour, formeront leurs pairs chez eux. Car la prise en charge de tous ici est fastidieuse mais aussi absolument très coûteuse. Cette formation touche également la spécialisation des magistrats, la police scientifique, le contrôle financier. Il est prêt également à signer des contrats de partenariat pour l’acquisition des équipements antiterroristes à mettre à la disposition des autres pays africains. Pour cette formation multidisciplinaire, il est prévu que le centre s’étende sur les 32 000 m2 restants. Il est question de construire des salles de cours, un champ d’entraînement et d’exercices, un dortoir. Enfin, tout ce qui sera nécessaire pour assurer une formation dans les meilleures conditions. L’entrée en opération du centre, même s’il est prêt et le personnel déjà en alerte, mais qui fait beaucoup plus dans le bénévolat, ne se fera pas avant le premier trimestre de l’année prochaine.» Car, comme le soulignera le premier responsable de cette importante structure, le nerf de la guerre, qui est le financement, n’a pas encore été mis dans les caisses du centre. Comme celui-ci dépend du Conseil africain de paix et de sécurité, c’est à lui de prendre les mesures adéquates après les conclaves et autres réunions pour donner le feu vert à l’entrée en action dans la lutte antiterroriste. Une lutte, on ne le répétera jamais assez, dans laquelle l’Algérie a été l’avant-garde dans une situation de boycott quasi mondial et un isolement jamais égalé. Une prouesse que même les nations puissantes et industrialisées, dotées de tous les équipements, aussi sophistiqués les uns que les autres, n’ont pas encore réussi à réaliser depuis que le monde entier a compris que le terrorisme n’a pas de frontières. depuis un certain 11 septembre 2001.   

F. A.