Cybersécurité: Les Algériens sous haute surveillance

Cybersécurité: Les Algériens sous haute surveillance

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 17 juin 2017

Selon une enquête réalisée par la BBC et le quotidien tabloïd danois, Dagbladet Information, l’Algérie, au même titre que l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, Oman et le Maroc, a acquis une technologie de surveillance de masse qui permet d’espionner les emails et les téléphones. La technologie de surveillance sophistiquée, nommée Evident, vendue par BAE Systems à ces pays, une entreprise britannique travaillant dans les secteurs de la défense et de l’aérospatiale, pourrait être utilisée pour lire des messages cryptés partout dans le monde. L’outil pourrait rassembler et analyser des millions de communications faites par voie électronique ainsi que localiser une personne via les données émises par son téléphone, selon la BBC. Evident, réalisé par des spécialistes de la surveillance, ETI à Norresundby, au Danemark a été racheté par BAE Systems. Interrogé par la chaîne britannique, un ancien employé d’ETI a déclaré à quel point le système de cyber-surveillance était puissant: «Vous pourriez intercepter tout trafic sur Internet», a-t-il indiqué, précisant que cette surveillance pouvait être élargie au pays entier. «Vous pouvez définir la localisation des personnes en fonction des données cellulaires. Vous pouvez suivre les gens. Ils étaient très avancés avec la reconnaissance vocale», expliquera-t-il encore. Ces informations ont préoccupé les organisations de défense des droits de l’Homme qui estiment que cette technologie de surveillance serait utilisée pour faire taire et emprisonner les opposants aux différents régimes. Une technologie déjà utilisée sous l’ère Ben Ali, en Tunisie. Des témoignages rapportés par la BBC racontent que le système de surveillance était utilisé en Tunisie et installé directement dans le sous-sol de l’une des maisons de l’ancien dirigeant Zine el-Abidine Ben Ali. «L’outil fonctionne avec des mots-clés. Vous mettez le nom d’un opposant et vous verrez tous les sites, blogs, réseaux sociaux liés à cet utilisateur», explique l’un des hommes interrogés. Certaines des informations, dont la majorité concernait des opposants, étaient directement communiquées à l’ancien président. D’autres sources évoquent le risque encouru par Londres et ses alliés à travers la vente de ce type de technologie. De son côté, la société BAE justifie ses ventes par la lutte contre le terrorisme international. «Notre technologie joue un rôle crucial en permettant au Royaume-Uni et ses alliés de combattre la menace du terrorisme international, en soutenant l’application de la loi et en aidant à maintenir la sécurité publique, à la fois au Royaume-Uni et à l’étranger», indique l’entreprise d’armement, qui ajoute avoir évalué chaque contrat et être conforme aux régimes internationaux. Le Royaume-Uni est devenu le deuxième plus grand négociant en armes au monde, en 2016, derrière les États-Unis, selon les chiffres du gouvernement. Entre 2010 et septembre 2016, la Grande-Bretagne a vendu des armes à 39 des 51 pays classés «non libres» selon le rapport «Liberté dans le monde» de Freedom House et 22 des 30 pays de la liste de surveillance des droits de l’homme du gouvernement britannique. Les deux tiers des armes britanniques au cours de cette période ont été vendus aux pays du Moyen-Orient.

Rappelons que l’Algérie, et pour la première fois de son histoire, avait envoyé, l’année dernière, ses premières demandes d’informations sur les utilisateurs de Google, selon le géant américain du web dans son rapport sur la transparence des informations qu’il publie depuis 2011. Google a dit non à l’Algérie.