Plaidoiries des avocats de la partie civile dans l’affaire BCIA d’Oran

Plaidoiries des avocats de la partie civile dans l’affaire BCIA d’Oran :

Il y a eu déjà escroquerie en 1994 !

par Ziad Salah, Le Jeune Indépendant, 19 février 2007

Dans une longue plaidoirie, Me Meguerba Cherif, avocat de la partie civile, a repris la genèse de toute l’affaire BCIA et, comme il fallait s’y attendre, il ne s’est pas contenté de reprendre seulement l’arrêt de renvoi mais il a aussi intégré les déclarations des accusés, des témoins, de l’expert et même celles du plaignant.

L’avocat a commencé son intervention en établissant une comparaison entre la BCIA et la BEA. Il releva au passage la question du capital social de la première et surtout son caractère familial, alors que la BEA dispose d’un réseau de 90 agences à travers le territoire national, en plus des dix autres se trouvant à l’étranger.

Il a fait part de sa conviction que les propriétaires de la BCIA ainsi que les Fouatih, Addou Samir, Selman et autres, avec la complicité de certains responsables et employés de la BEA, ont monté «une véritable toile» pour escroquer la BEA.

Il a affirmé aussi que ce n’est pas la première fois que cette technique pour attirer des fonds de la BEA vers la BCIA a été utilisée. De gros commerçants qui ont trempé dans ce scandale l’ont déjà pratiquée en 1994. La technique en question consiste à transformer du papier creux en liquidités pour faire tourner la BCIA et rémunérer les complices.

S’agissant de ceux qui ont consenti à signer des traites en échange de sommes d’argent, il estime que «tout le monde porte une part de responsabilité». Certes, il a reconnu que, dans certains cas, il y a eu abus de confiance de la part de certains.

Mais sa conviction demeure inchangée : «on ne peut pas dire qu’il n’y a pas association de malfaiteurs.» D’ailleurs, à la fin de sa plaidoirie, il regretta l’abrogation de l’article 191 du code pénal. Pour lui, ceux qui ont causé cette hémorragie – l’équivalent de 7 000 logements au moins – ont la chance d’écoper d’une peine semblable ou à peine plus élevée que celle du petit voleur de portable ! Plus grave, selon lui, «l’argent extorqué à la BEA s’est évaporé». Il termina en rappelant que Kharoubi, patron de la BCIA, a transféré 3 millions de dollars pour acquérir des tacots pour son entreprise de transport aérien.

Auparavant, le bâtonnier Ben Blal a entamé sa plaidoirie en répondant à une question posée la veille par Me Mokrane Aït Larbi. Il a dit que la partie civile est contre tous ceux qui ont trempé d’une façon ou d’une autre dans ce scandale.

Et de citer la liste complète des accusés. Il a noté que certains ont reconnu à moitié leur forfait en revenant au pays, préférant se faire juger chez eux. Pour lui, l’élément de la préméditation est clair dans cette affaire. Et d’ironiser : «il y a le club des milliardaires et ceux qui ont cru possible d’y accéder facilement et rapidement.» Il a précisé sa réflexion en parlant de «têtes pensantes» et de «soldats» mobilisés dans l’entreprise de rapine d’une banque publique.

Très méthodique, il répondait point par point, à commencer par ceux qui ont plaidé pour requalifier le procès en simple affaire commerciale. «Non, a-t-il dit, il y a eu vol d’argent, ce n’est pas un problème de dettes.» Et de conclure : «peut-on prévoir des négociations dans un tel cas ?» Pour lui, l’incident de paiement «est le grain qui a cassé le mécanisme» imaginé pour dépouiller la BEA.

Il rappela que la commission nationale bancaire a déjà épinglé la BCIA dans une histoire similaire au lendemain de sa constitution à la fin du siècle dernier. Il termina son intervention en affirmant que c’est un cas de dilapidation de deniers publics avec la complicité de tous les accusés.

Mais ce qu’on retiendra surtout dans l’intervention de Me Ben Blal, indépendamment des faits, c’est qu’il a abordé, quoique brièvement, les voies dévoyées de l’ascension sociale dans notre pays. Me Sassi, lui aussi avocat de la partie civile, a résumé toute l’affaire à «une partie de monopoly» où chacun a joué un rôle.

L’objectif est évidemment le vol de l’argent de la BEA. Son confrère, Me Saoud, a pris ensuite le soin de classer les accusés en quatre catégories : les employés de la BEA impliqués, les patrons de la BCIA, les gros commerçants et clients «traditionnels de la BCIA» et les analphabètes et commerçants occasionnels qui se sont fait avoir par cupidité et ignorance des effets commerciaux.

Concernant cette dernière catégorie, il a employé le terme de victime mais a demandé au tribunal de leur appliquer l’article 42 spécifiant les peines relatives à la complicité. Dans l’après-midi, le représentant du ministère public doit en principe présenter sa plaidoirie après celle de Me Snini, dernier avocat de la partie civile à prendre la parole.

Z. S.