Aït Ahmed dénonce le « pacte » Alger-Paris

Après la libération de Mohamed Ziane Hasseni

Aït Ahmed dénonce le « pacte » Alger-Paris

El Watan, 3 mars 2009

La levée du contrôle judiciaire dont a bénéficié le diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni, présumé coupable d’avoir commandité le meurtre de l’opposant Ali Mecili, n’a pas reçu l’assentiment du leader du FFS, Hocine Aït Ahmed.

Loin s’en faut. Dans une déclaration adressée hier à El Watan, il assimile cette mesure décidée par la justice française à une reconduction « du pacte Paris-Alger scellé en 1987 ». Pour M. Aït Ahmed, elle prouve plutôt que « l’impunité accordée par les autorités françaises à l’assassin puis au commanditaire présumé de l’assassinat de Ali Mecili, opposant algérien, militant des droits de l’homme et cadre du FFS, ne se dément pas ». Il en veut pour preuve que les autorités françaises ont levé le contrôle judiciaire du présumé coupable « lui permettant de quitter le territoire français et de rentrer librement à Alger (…) après avoir renvoyé en 1987 l’assassin présumé en Algérie en procédure d’urgence absolue ». M. Aït Ahmed, dont Mecili fut un bras droit, conclut que « les rapports malsains qui semblent devoir lier, toujours pour le pire, le régime algérien aux dirigeants de l’ancienne puissance coloniale sont toujours aussi étroits et aussi forts ».

Et de tirer une salve contre la France qui « s’associe au régime algérien pour établir une discrimination exceptionnelle et singulière du peuple algérien ». Le leader du FFS pense, ce faisant, que l’attitude des autorités françaises « conforte le régime algérien dans l’idée qu’il peut tout se permettre, partout et en toutes circonstances ». Il lui impute également la responsabilité de toutes les occasions perdues depuis 1988 « pour la paix, la démocratisation et l’ouverture politique ». Plus généralement, M. Aït Ahmed, dont c’est la première déclaration publique depuis l’arrestation de Mohamed Ziane Hasseni, reproche aux pouvoirs successifs français d’avoir, par leur « caution, assuré l’omerta et l’impunité sur les assassinats politiques et les crimes contre l’humanité commis contre le peuple algérien ».

« Intérêts contre impunité »

Une caution qui a permis également, d’après M. Aït Ahmed, « au régime algérien de présenter une guerre civile qui a été une véritable guerre contre les civils, comme étant le premier affrontement contre le terrorisme international ». Le chef charismatique du FFS résume le « pacte » Paris-Alger sous la forme d’un marché où « les intérêts économiques bien compris » sont échangés contre « l’impunité politique ». Un marché que M. Aït Ahmed qualifie de « transaction douteuse ». Et dans cette affaire de Mohamed Ziane Hasseni, le chef du FFS parle crûment d’un « chantage » qui se décline ainsi : « Levée de contrôle judiciaire contre le présumé commanditaire de l’assassinat de Ali Mecili contre l’adhésion d’Alger à l’UPM version Sarkozy. » Cet ensemble géopolitique qui, selon lui, est fondé « sur la complicité et la compromission avec les dictatures, enterre les peuples et prend en otage la démocratie ».

Postulant qu’il n’y a pas, « aujourd’hui, de justice sans éthique de la justice », le président du FFS invite les responsables français à ne pas « se gargariser des droits de l’homme et de la civilisation ». Il les conseille « d’abord et avant tout de civiliser le politique en garantissant l’indépendance de la justice dans les deux rives ». Brocardant encore l’Union pour la Méditerranée (UPM), M. Aït Ahmed se dit convaincu que « ni le peuple algérien ni les autres peuples du Maghreb n’accepteront la tutelle d’un ersatz de protectorat paternaliste ». Et face au régime algérien, le leader du FFS espère que « la communauté internationale refusera, à l’avenir, d’apporter sa caution à un régime violent qui ignore son peuple et refuse toute ouverture politique ».

Mais c’est un espoir illusoire, laisse entendre M. Aït Ahmed. « Comment expliquer aujourd’hui, se demande-t-il, cette dérive apocalyptique du droit à l’autodétermination vers l’autodestruction sinon par le silence, l’indifférence, le laisser-faire, l’omerta exceptionnelle, la complicité flagrante de l’opinion et des institutions internationales ? » Réservé depuis des mois sur tous les soubresauts qui agitent l’actualité algérienne, M. Aït Ahmed dont le parti boycotte la présidentielle, signe là sa première sortie médiatique. L’auteur de L’Affaire Mecili ne pouvait pas se taire sur cette affaire. Son affaire…

Par Hassan Moali


« Il a préféré rester en France jusqu’à son acquittement »

Autorisé, vendredi dernier, par la justice française à rentrer au pays, le diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni préfère rester en France jusqu’à son acquittement. C’est ce qu’a déclaré le secrétaire général du RND et Premier ministre, Ahmed Ouyahia. « Cette affaire n’a pas encore été tranchée par la justice française. Le diplomate a décidé personnellement de rester en France jusqu’à ce que son acquittement soit prononcé », affirme-t-il lors de son passage, dimanche dernier, au Forum de l’ENTV.

Selon lui, la mise sous contrôle judiciaire de Mohamed Ziane Hasseni « est un acte regrettable et incohérent ». Ce faisant, le Premier ministre tente de justifier la réaction tardive et peu ferme de l’Algérie après l’arrestation, en août 2008, de son diplomate par les autorités françaises. Il avoue, dans ce sens, qu’Alger ne voulait pas froisser ses relations avec Paris. « L’Algérie a préféré faire prévaloir la sagesse pour éviter une tension dans les relations entre les deux pays. Ce qui n’aurait été ni dans notre intérêt ni dans l’intérêt de la France, mais aurait servi les intérêts des ennemis de l’Algérie, voire conçu comme une preuve à charge contre le diplomate algérien », soutient-il. Mohamed Ziane Hasseni, ajoute-t-il, « est un cadre qui a toujours honoré son pays ». L’orateur n’a pas raté l’occasion de critiquer les journalistes algériens traitant de ce sujet, en leur reprochant « d’avoir écrit des articles plus virulents à l’encontre de l’Algérie ».

A une question concernant la pénalisation de l’émigration clandestine, Ahmed Ouyahia justifie également les derniers amendements introduits dans le code pénal. Des amendements qui prévoient de fortes sanctions contre les « harraga » et les « passeurs ». « Ce phénomène est une crise d’un pays, une crise de confiance. Mais il n’était pas question, tout de même, de violer la loi et de tolérer une émigration enfreignant les dispositions de la législation nationale », estime-t-il, en rappelant que la loi prévoit des « sanctions plus sévères contre les trafiquants de migrants et vise à juguler ce commerce porteur ». S’exprimant sur la question des GLD, le Premier ministre réaffirme : « L’Algérie ne les oubliera jamais. » « La reconnaissance de leurs sacrifices pour le pays représente pour les institutions de l’Etat un devoir moral et un gage pour l’avenir », dit-il. Réagissant au dernier rapport du secrétariat d’Etat américain, critiquant la situation des droits de l’homme en Algérie, Ahmed Ouyahia précise : « Chacun nettoie devant sa maison. »

« Bricolage dans la distribution des logements »

Au sujet de l’accès aux logements, Ahmed Ouyahia affirme que le problème réside dans la distribution. « Il y a beaucoup de bricolage dans la distribution des logements en Algérie », reconnaît-il. Il met en cause, dans ce sens, « une politique dite sociale qui se fait sur le dos de la société ». En revanche, le premier responsable du RND dément « le chiffre d’un million de logements vides ». « Je démens le plus officiellement du monde le chiffre de 1 million de logements vides, c’est une affabulation », souligne-t-il. Les dernières mesures économiques prises par le gouvernement, affirme-t-il, « n’ont pas été contestées par les hommes d’affaires ». « Les seuls qui ont protesté sont les investisseurs de l’économie de bazar », explique-t-il. « Il est temps de remettre les pendules à l’heure. D’autres mesures seront prises pour couper l’herbe sous le pied de ceux qui pensent que l’Algérie est un bras cassé », explique-t-il, en ajoutant que « le protectionnisme est de retour à grands pas dans le monde ».

Par Madjid Makedhi