France-Algérie: La polémique s’envenime

Alors que le traité d’amitié risque d’être compromis

La polémique s’envenime

El Watan, 3 décembre 2005

Le rejet de l’UMP (Union pour la majorité présidentielle) d’amender la loi du 23 février 2005 continue de susciter de vives réactions chez la classe politique algérienne et française.

Les partis de l’Alliance présidentielle ont dénoncé le rejet par le Parlement français de l’abrogation de ladite loi qui fait l’apologie du colonialisme. Le secrétaire général de l’instance exécutive du parti du FLN représentant personnel du Président Bouteflika, Abdelaziz Belkhadem, a déclaré à l’AFP : « Il est à déplorer que les députés de la majorité en France aient consacré une loi qui falsifie l’histoire. Ce qui nous conforte au FLN pour demander à ce que la France officielle tourne le dos à la France coloniale pour pouvoir construire des relations de confiance. » Interrogé sur le fait de savoir si ce vote des députés français pouvait compromettre le traité d’amitié, M. Belkhadem a estimé qu’« il est plus qu’impératif que le devoir de mémoire soit consacré dans ce traité, s’il venait à être signé ». Le premier responsable du FLN a affirmé que la position du Parlement français « porte préjudice aux relations algéro-françaises » car leur ambition consiste à « édifier des relations d’amitié basées sur le respect de la souveraineté des deux pays loin de toute atteinte à l’histoire des relations algéro-françaises ». « Nous considérons que le colonialisme est un crime injuste et il est inconcevable que les membres du parti au pouvoir en France persistent à attribuer au colonialisme des aspects positifs », a-t-il ajouté. De son côté, le porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND), Miloud Chorfi, s’est dit « stupéfait » par le maintien de cette loi malgré les voix qui se sont élevées appelant à son abrogation en France même. Le vice-président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abdelmadjid Ménasra, déclare, quant à lui, que « l’acharnement de la majorité parlementaire à rejeter la proposition d’abrogation de la loi qui glorifie le colonialisme prouve que la France défend toujours l’idéologie colonialiste », souhaitant toutefois que « les sages en France poursuivent leur lutte pour l’abrogation de cette loi qui déshonore la France ». Le groupe parlementaire du FLN a critiqué, dans un communiqué rendu public hier, cette tentative de déshonorer la mémoire collective du peuple algérien menée par des cercles du pouvoir en France et qui sont à l’origine de cette loi. « Nous regrettons la décision du Parlement français qui a déçu, voire étonné tous les peuples colonisés », peut-on lire dans le communiqué signé par M. Daâdouâ en indiquant suivre avec attention tous les développements de cette manœuvre pour dévoiler ces objectifs réels.

Déception
Pour leur part, les initiateurs de « Pour la décolonisation des relations algéro-françaises » soulignent, dans un communiqué, la nécessité pour le peuple algérien de se mobiliser autour du gouvernement et des Assemblées élues afin de « rejeter la signature du traité d’amitié qui constitue désormais une insulte aux martyrs de la Révolution de 1954 ». La signature de ce traité, prévue d’ici à la fin de l’année, tarde en raison de la polémique entre Paris et Alger à propos, justement, de cette loi qui vante le « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Le FLN, rappelons-le, avait condamné, en juin dernier, la loi du 23 février, déclarant qu’elle « remet en cause » l’avenir des relations algéro-françaises, notamment le traité d’amitié en préparation. Mme Zhor Ounissi, moudjahida et ancienne ministre, a regretté que « les colonisateurs français n’aient pas encore guéri du complexe du colonialisme, en dépit des leçons qui leur ont été infligées ». Même ton du côté de l’Hexagone où Gilles Manceron, vice-président de la Ligue française des droits de l’homme (LDH) et historien de la colonisation, a déploré le rejet par la majorité parlementaire française de l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, glorifiant la colonisation. Il a dénoncé une « course » aux voix électorales de l’extrême droite en France. « C’est vraiment dommage que le gouvernement ait fait ce choix politique qui consiste à méconnaître ce que disent les enseignants, les chercheurs, les universitaires, de manière très forte et faire ce choix politique de se tourner vers les voix de l’extrême droite et des nostalgiques de la colonisation », a-t-il relevé. « C’est vraiment dommage que le gouvernement ait ignoré cela, s’entête dans une espèce de choix politique passéiste, comme une sorte de course aux voix de l’extrême droite », a-t-il insisté. « Il y a un raisonnement tout à fait électoraliste, au mépris d’ailleurs des intérêts extérieurs de la France, puisque ça complique les choses par rapport à ce projet de traité d’amitié avec l’Algérie », a-t-il fait remarquer. Pour sa part, l’association anti-raciste SOS Racisme s’est déclarée particulièrement « scandalisée » par le rejet des députés de l’UMP de l’abrogation de l’article de la loi du 23 février exaltant la colonisation, qualifiant cette loi de « dangereuse ». « Cette loi est dangereuse moralement parce qu’elle nie l’injustice fondamentale que représente toute colonisation, elle est dangereuse politiquement parce qu’elle donne des gages aux nostalgiques de l’Algérie française et elle est dangereuse au regard de l’histoire puisqu’elle invite l’Education nationale à aborder l’apprentissage de la colonisation sous un angle déformé », affirme l’association dans un communiqué. « Cette persistance dans la position du gouvernement n’est malheureusement pas sans conséquence pour nos relations avec les pays anciennement colonisés, notamment l’Algérie », souligne SOS Racisme, en référence au traité d’amitié bilatéral en préparation entre Paris et Alger. Les présidents Bouteflika et Chirac ont paraphé, en mars 2003, la « Déclaration d’Alger » renforçant la coopération bilatérale et ont décidé de conclure un traité d’amitié ambitionnant, selon Paris, d’égaler le traité de l’Elysée de 1963, fondateur de l’entente privilégiée entre la France et l’Allemagne. Les deux pays se sont depuis engagés sur la voie d’un « partenariat privilégié » et de la « refondation » de leurs relations. « Les vieilles plaies sont bien cicatrisées », les relations sont entrées « dans une ère qualitativement nouvelle grâce aux efforts louables déployés de part et d’autre », avait affirmé M. Bouteflika, en août 2004, après avoir participé aux commémorations du 60e anniversaire du débarquement en Provence. Depuis la promulgation de cette loi, cependant, M. Bouteflika n’a pas raté une occasion pour dénoncer les crimes commis durant la colonisation de l’Algérie et exiger de la France qu’elle fasse acte de repentance et présente son pardon à l’Algérie. Par contre, Pierre Mesmer, ministre des Armées du gouvernement De Gaule, a confirmé, hier, ses accusations à l’encontre de Bouteflika en estimant qu’« Alger a la volonté de garder fermées ses archives » alors qu’il y a quelques jours, seulement à Djelfa, le Président Bouteflika avait critiqué la position française qui refuse de livrer à l’Algérie les cartographies des mines antipersonnel en sus des archives. M. Frêche, président socialiste à Montpellier, a pris de court ses collègues socialistes dans une réunion où il a lancé : « Il est juste de reconnaître le rôle positif de la présence française en Algérie. » Puis il développera sa vision : « Je suis d’accord pour stigmatiser les gros colons, je salue le très bon boulot des instituteurs en Afrique du Nord. » ! M. Frêche a expliqué sa position par des considérations purement électoralistes.

Mustapha Rachidiou


« L’indélébile horreur du système colonial »

Nous réitérons notre appel aux hautes autorités du pays à ne pas signer le traité d’amitié avec la France tant que celle-ci refuse de présenter ses excuses officielles pour ses crimes coloniaux », a déclaré en substance, jeudi dernier, Belhadj Mohand Ouamar, maquisard de la Wilaya III et secrétaire national de l’ONM, à l’occasion de la commémoration, par le ministère des Moudjahidine et du musée national du Moudjahid du 33e anniversaire de la mort du chef historique de la Wilaya III, le colonel Si Mohand Oulhadj (2 décembre 1972), célébrée à la maison de la culture de la ville de Tizi Ouzou.

En présence du wali de Tizi Ouzou ainsi que de plusieurs officiers et compagnons du chef historique, l’orateur a invité, en outre, le Parlement algérien à élaborer pour sa part une loi dans laquelle « il faut stigmatiser le colonialisme français et glorifier la révolution du 1er Novembre 1954 et la lutte glorieuse des FLN et ALN ». Une invite à laquelle le député Bourkache, présent lors de cette célébration, avait répondu en annonçant que « le bureau de l’APN devrait se réunir, dans le courant de la semaine prochaine, pour discuter de la position à adopter relativement à la loi française du 23 février 2005 ». Les différents intervenants et communicants, lors de cette commémoration, ont été unanimes à condamner et témoigner « de l’horreur des exactions du système colonial, notamment durant la guerre de libération où les crimes n’ont épargné ni femmes ni enfants et le recours à la torture fut systématique ». Le moudjahid Mekacher Si Salah, retraçant les différentes étapes du plan Challe, notamment l’opération « Jumelles » (entamée le 27 juillet 1959), a rappelé que « les généraux français ont appliqué le procédé de la terre brûlée, instauré des zones interdites, fait appel à la légion étrangère » pour en finir avec la lutte de libération. « En s’appuyant sur les 10e et 25e divisions blindées, véritable fer de lance de l’OAS, les ratissages s’étalaient sur des zones de plus de 100 km2, alors que la population subissait les arrestations et les meurtres. L’aviation, notamment les B26, a été appelée en renfort pour larguer des bombes phosphoriques sur les monts et les plaines et éclairer la voie aux commandos de chasse qui agissaient la nuit, traquant les katibate de l’ALN », témoigne le maquisard en précisant que « 1/3 du corps expéditionnaire français était mobilisé pour parfaire la pacification ». Officier de l’ALN, Idir Smaïl s’est attardé, quant à lui, sur le parcours exemplaire et valeureux du colonel Mohand Oulhadj, surnommé « le Sage », ayant secondé puis succédé au colonel Amirouche, après sa mort en mars 1959, à la tête de la Wilaya III. « Si Mohand Oulhadj avait hissé l’emblème national sur la côte de Sidi Fredj, le 3 juillet 1962 », rappelle l’orateur.

A. B.