Massacres du 17 octobre 1961 à Paris: La reconnaissance officielle tarde à venir

Massacres du 17 octobre 1961 à Paris

La reconnaissance officielle tarde à venir

C’est au siège du Centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE ), à la Maison de la radio à Paris, que le tout jeune Club des journalistes
algériens en France a inauguré son cycle de conférences en conviant trois intervenants autour du rôle des médias lors de la journée du 17 octobre 1961, dont tous les observateurs ont établi, depuis, le chiffre des morts et des disparus à plus de 300 personnes.

Paris. De notre bureau, El Watan, 17 octobre 2007

A la tribune avaient pris place Mehdi Lallaoui, écrivain et cinéaste et
par ailleurs président de l’association Au nom de la mémoire, le très
connu journaliste de France-Inter Daniel Mermet qui produit et anime
l’émission « Là-bas si j’y suis », et Michel Reynaud, fondateur des
éditions Terisias et de l’association Mémoire partagée. Même s’il a eu àrappeler la censure politique qui s’exerçait sévèrement sur les journauxet médias, M. Lallaoui a défini d’emblée l’inacceptable. «
L’inacceptable, dira-t-il, c’est que 46 ans après les faits, aucune
reconnaissance officielle des massacres n’est venue de la part de l’Etatfrançais, et ce, malgré les nombreux ouvrages, livres, films,
témoignages de policiers et l’ouverture des archives qui établissent
l’existence d’une répression massive d’une manifestation populaire à
caractère pacifique, qui protestait contre le couvre-feu discriminatoiredu sinistre Maurice Papon, alors préfet de Paris. » La presse parisienneavait parlé de cinq morts. Et hormis L’Humanité et Libération, lesautres organes de presse ont relayé les informations manipulées de lapréfecture de police. Seul, un certain Hervé Bourges, nommera les lieuxet les actes barbares commis dans Témoignage chrétien du 21 octobre (leTemps des tartuffes), qui sera immédiatement saisi tandis que d’autresjournaux paraîtront avec des « blancs ». C’est ensuite la chape de plomb
et l’occultation qui vont caractériser le rôle des médias. M. Lallaoui
remarque que la France a trop tendance à ne pas reconnaître ou à
différer dans le temps (presque un demi-siècle pour la responsabilité del’Etat dans la déportation des juifs), la responsabilité reconnue danscertains massacres ou exactions. En conclusion, il considérera octobre1961 comme un événement de l’histoire de France, tandis que lesociologue Ahcène Zehraoui, présent dans l’assistance, définira pour sapart l’événement comme à caractère franco-algérien. Daniel Mermet, alorsjeune étudiant engagé dans les combats citoyens, a vécu l’événement du17 octobre 1961 en temps réel. Il se trouvait au pont Saint-Michel d’oùil assistera à une scène qui le marquera à vie : un manifestant accrochéau parapet du pont est projeté volontairement dans la Seine par lesforces de l’ordre. Il se souvient également d’une ambiance de hainecontre ceux que la presse nommait « les musulmans » se gardant bien deleur reconnaître leur identité d’Algériens. Il faudra attendrel’indépendance pour cela. Il a, au passage, rendu hommage au photographeElie Kagan, le seul à avoir témoigné des exactions avec l’objectif deson appareil (couverture de Paris Match), et aujourd’hui condamné àl’oubli et au dénuement matériel. A quand une rue Elie Kagan à Alger ?

Ce ne sera que justice et reconnaissance. Michel Reynaud mettra lui,
scandalisé, en parallèle la réhabilitation de l’OAS d’un côté, et
l’absence d’indemnisation des victimes de l’autre par la loi du 23
février 2005. Il en appelle même à une comparution de l’Etat devant une jurisprudence internationale. Il rappellera la tuerie de Château-Royal où a péri le grand Mouloud Feraoun et dont les auteurs, identifiés, n’ont jamais été condamnés. En conclusion, il rendra hommage à l’écrivain enquêteur Jean-Luc Einaudi « grâce auquel on a désormais une mémoire de cette tragique journée d’octobre 1961 ». Le sentiment général des intervenants se résume dans une phrase de M. Lallaoui : « Ni vengeance ni repentance, simplement reconnaissance de la vérité historique ! »

Mouloud Mimoun