Violences faites aux femmes: Les sénateurs examineront le texte de loi aujourd’hui

Violences faites aux femmes

Les sénateurs examineront le texte de loi aujourd’hui

El Watan, 7 décembre 2015

Le projet de loi criminalisant les violences faites aux femmes est, enfin, programmé au Conseil de la nation. Il sera présenté aujourd’hui, en plénière, par le garde des Sceaux , Tayeb Louh.

Les sénateurs donneront, selon nos informations, leur quitus à l’un des textes les plus controversés et les plus critiqués par le courant islamiste. Les membres du sénat, qui n’ont ni le droit de faire des propositions d’amendement ni d’apporter des correctifs au projet approuvé par les députés le 5 mars dernier, vont donner leur avis sur les nouvelles dispositions avant de dire «oui» au texte et pour la mise en œuvre des nouvelles dispositions contenues dans ce texte juridique.

Ce texte visant à protéger la femme de toutes les formes de discrimination et de violences physiques, verbales, sexuelles et économiques a soulevé, faut-il le rappeler, la colère des partis islamistes siégeant à l’Assemblée, notamment l’Alliance de l’Algérie verte (AAV) regroupant le MSP, Ennahda et El Islah. Ces députés, hommes et femmes, ont affiché ouvertement leur rejet de ce document juridique, prétextant qu’il s’agit d’une ingérence dans les affaires internes du couple.

Ils ont demandé son retrait pur et simple, car il porte, selon eux, atteinte à la cohésion familiale. «Nous allons utiliser tous les moyens pour bloquer ce texte», ont menacé les opposants à ce projet de loi. Face à ces réticences et en guise de réponse aux islamistes et à leur acharnement, des associations féminines ont rompu le silence et se sont mobilisées pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il ne cède pas devant la menace des islamistes.

Ces organisations ont rappelé l’importance de ce texte qui protège la femme contre les violences, notamment dans les situations où elle est particulièrement vulnérable pour des raisons liées à sa condition sociale, familiale ou professionnelle. Elles ont illustré leurs propos par des chiffres alarmants sur le nombre de femmes décédées des suites des violences à leur égard. Rien qu’en 2012, 261 femmes sont mortes des suites de violence.

Ce chiffre est, toutefois, loin de refléter la réalité du terrain. «Ce sont là les cas déclarés et nous savons tous qu’il existe des milliers de femmes qui sont violentées, mais qui ne déposent jamais plainte contre leur mari, leur frère, et encore moins contre un passant de peur des représailles et du fait que les coutumes et les traditions vont à contresens de ce procédé», dénonce la députée chuitem, du Parti des travailleurs. Cette élue et bien d’autres qualifient ce texte de première et de pas positif certes, mais regrettent qu’au même moment l’Algérie a reculé d’un autre pas.

Pourquoi ? Parce que tout simplement le texte prévoit l’annulation de toutes les poursuites pénales si la victime décide de pardonner à son agresseur. «Si la victime pardonne pour une multitude de raisons, notamment la pression de son entourage… ces nouvelles dispositions n’auront aucun effet et cet avant-projet de loi n’aura servi à rien. Dans ce cas, nous avons avancé d’un pas et fait un pas en arrière», déplore Mme Chouitem, qui pense que le pardon est synonyme d’impunité et que ce point ligote la femme et l’exposera à d’autres pressions. Néanmoins, ce texte de loi est accueilli favorablement par la société algérienne dans son ensemble.
Nabila Amir