Selon la LADDH : Les mariages religieux explosent

Selon la LADDH : Les mariages religieux explosent

par Abdelkrim Zerzouri, Le Quotidien d’Oran, 17 juin 2015

Un couple, deux témoins, un Imam, et le tour est joué ; c’est ainsi que des milliers d’Algériens convolent en (fausses) noces en s’engageant dans des unions secrètes par le biais du mariage ôrfi. Le phénomène, dont l’ampleur est insoupçonnée, sévit sur une large échelle à travers tout le territoire national, selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), qui relève à ce propos, dans un communiqué transmis, hier, à notre rédaction, que « de nombreux algériens se contentent d’une bienveillante ‘‘fatiha » d’un Imam sans s’astreindre à l’obligation de se présenter devant les services administratifs afin d’officialiser leur union ». Ce genre de mariage ôrfi, qui se suffit d’un accord oral entre les époux, peut prendre plusieurs qualifications ou appellations, toutes véhiculant la notion d’une union temporaire telle que mariages El Mut’a, El Missiar (de passage), El Hiba (l’offrande)… porte un grave préjudice aux liens sociaux, surtout aux droits de la femme et des enfants qui naissent de ces unions. « Le mariage ôrfi est une forme d’oppression contre la femme, surtout que les autorités algériennes n’ont jamais voulu présenter à l’opinion publique des données précises autour du nombre de femmes qui souffrent de ces mariages ôrfi », considère la LADDH. Ajoutant dans ce contexte qu’ « il s’agit là d’une bombe à retardement qui risque d’exploser à tout moment ». Comment peut-il en être autrement lorsque ce sont « des ministres, des cadres supérieurs, des députés, des artistes et des hommes d’affaires qui sont mariés à la coutume ôrfi et qui craignent à tout moment que la situation ne se transforme en scandale », indique le communiqué de la LADDH. Selon des statistiques non officielles, « les cas de mariages ôrfi se situeraient entre 46 000 et 50 000, dont 36 000 cas enregistrés entre 1993 et 1997 ». Voulant en savoir plus sur les causes de la propagation du mariage ôrfi, la mission de faire la part des choses entre le juridique, le religieux et le social, s’est avérée très difficile. Les hommes politiques interrogés sur le sujet ont tous esquivé la question, souligne le communiqué de la LADDH ; c’est alors vers d’autres personnes compétentes qu’on a soumis la préoccupation. Des Imams, interrogés à propos de l’application de l’instruction promulguée en 2005, en parallèle à la révision du Code de la famille durant la même année, conditionnant la lecture de la Fatiha par le préalable établissement de l’acte de mariage devant l’officier de l’état civil, affirment que cette instruction a permis de limiter les problèmes et les escroqueries qui visent les femmes. Malheureusement, reconnaissent-ils, « plusieurs Imams refusent d’appliquer l’instruction en question tant qu’ils n’existent pas d’instructions qui les contraint de se référer à cela dans leur travail (!) ». Dans tout cela, c’est le statut de la femme qui est en jeu. Des juristes, de leurs côtés, indiquent que près de 7000 affaires de faux mariages sont pendantes devant les tribunaux. Les femmes victimes de ce genre de mariage, de plus en plus, prennent leur courage à deux mains et se présentent à la justice, surtout lorsqu’elles se retrouvent enceintes dans des situations presque illicites. Selon les juristes, les mariages ôrfi ont connu une croissance phénoménale après les amendement apportés en 2005 au Code de la famille, car à travers les textes révisés on a fait désormais obligation au mari qui veut se remarier de mettre au courant sa première épouse et informer sa seconde de sa situation d’homme déjà marié, ainsi qu’une demande d’autorisation à introduire auprès du président du tribunal.

« Les hommes évitent tout ce parcours juridique, presque impossible à satisfaire, et recourent au mariage ôrfi, en secret », estime-t-on, non sans relever à l’appui de leurs affirmations que « les cas de mariages ôrfi avant 2005 étaient très rares ». Selon d’autres avis, cette nouvelle tendance d’idée de mariages ‘‘temporaires » est propagée par des salafistes qui ont importé ce mode de vie d’Egypte, des pays du Golfe et de la Syrie. En tout cas, cela est en train de provoquer la catastrophe au sein de la société. Plus de 30 000 affaires de mariages ôrfi sont actuellement devant les tribunaux du pays, afin de bénéficier de jugements qui assoiraient d’une façon légale les unions des couples concernés et assurer une filiation à leurs progénitures. A ce propos, la LADDH parle d’une famille constituée de 5 membres qui vivent « sans identité depuis 34 ans et sont privés de leurs droits les plus élémentaires ! ». La LADDH tire la sonnette d’alarme sur ces nouveaux modes de mariages qui risquent de disloquer le tissu social, et appelle le législateur algérien à trouver de nouveaux mécanismes juridiques pour éradiquer ce phénomène en pleine expansion, et où certains semblent avoir, tout simplement, trouvé la parade, calqué sur le modèle occidental, en instituant dans nos contrées le concubinage ‘‘hallal ».