La colère des producteurs de pomme de terre

Ils bloquent l’autoroute à bouira

La colère des producteurs de pomme de terre

Par : A. DEBBACHE, Liberté, 15 juillet 2008

Ces agriculteurs ont déversé des quantités de pommes de terre en signe de protestation
contre l’État qui, selon eux, n’a pas tenu son engagement.

Les agriculteurs de la wilaya de Bouira ont bloqué hier la RN5 hier avec leur production de pommes de terre. C’est en début de soirée que les protestataires ont déversé une grande quantité de leur production au contournement d’El-Esnam, bloquant du coup le trafic routier vers l’est du pays et vice-versa. Pour eux, cette manifestation vise à attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur situation qu’ils jugent “très critique”. Cette situation a été engendrée par la chute du prix de la pomme de terre qui a atteint 5 DA. En date du 6 juillet dernier, un sit-in a été observé devant le cabinet du wali et une délégation a été reçue par le chef de cabinet auquel des doléances ont été remises de la part des agriculteurs qui sollicitent l’intervention de l’État pour commercialiser leur production. Les producteurs, rencontrés sur les lieux de la manifestation, ont exprimé leur détermination à poursuivre leur protestation jusqu’à obtention de leur droit. Pour eux, les pouvoirs publics leur avaient demandé de produire la pomme de terre pour faire baisser le prix, alors qu’elle avait atteint la barre des 70 DA/kilo. “Nos décideurs nous ont assurés que notre rôle est de produire, pour la régulation c’est le rôle de l’État”, ont souligné unanimement les agriculteurs. Cette promesse n’a pas été tenue. Dernièrement, la Direction des services agricoles nous a informés que l’État leur assure un soutien au seuil de 20 DA/kilo. Cette annonce a été accueillie avec satisfaction, mais quelle ne fut leur surprise lorsqu’ils ont commencé la livraison auprès des collecteurs propriétaires de chambres froides aux fins de stockage. Mokhtar, un producteur connu dans la profession, s’insurge : “J’ai 60 hectares et à ce jour seuls 5% de la production ont été vendus alors que j’enregistre près 30% de pertes au sol dues à la grande chaleur. Quand on nous a informés du stockage et de la subvention de l’État, on a été un peu soulagés. Mais sur le terrain, la réalité est toute autre. J’ai livré un seul semi-remorque de 200 quintaux à Zéralda, une journée après ils m’ont appelé me demandant de venir récupérer la marchandise. J’ai envoyé un camion à Amizour (Béjaïa) pour un déchargement. Le camion a passé trois jours et la pomme de terre exposée au soleil pendant ces jours a été refusée. Le prix de revient de la location des camions est entre 40 000 DA pour les wilayas limitrophes et 70 000 DA pour celles éloignées, en plus des frais de retard dans le déchargement”. Les frères Boudhane, de leur côté, ont produit près de 110 hectares. Ils sont parmi les premiers producteurs de la wilaya de Bouira. El-Hadj Mouloud, producteur depuis 1977, se retrouve face à cette situation. “Nous avons acheté la semence à 70 DA/kilo et 110 DA celle importée, sans compter les frais ; ce qui ramène le prix de revient à 25 DA/kilo. Après la décision de la subvention, nous nous sommes retrouvés face à un autre phénomène, celui des spéculateurs. Des directeurs de certaines entreprises de stockage sont venus nous proposer des conventions, puis refusent d’enlever la production. Quant à l’information de la subvention de l’État, nous payons encore les frais de transport et notre production fait le tour des wilayas avec les risques de pourrissement dus à la chaleur”. Himoum Mohamed a, à son tour, semé près de 47 hectares. “J’ai envoyé trois semi-remorques avec 200 q chacun vers les wilayas de Skikda, Béjaïa et Tizi Ouzou ; après deux jours ils ont été refoulés. À Corso, ils ont ramené un vétérinaire pour le contrôle de la qualité de la pomme de terre. Certains collecteurs nous proposent un prix dérisoire pour acheter toute la production et devant notre refus, ils nous mettent les bâtons dans les roues”.
Pour Morsli Rachid, directeur des services agricoles, “la production de la pomme de terre à Bouira dépasse les moyens de stockage. Nous avons passé des conventions avec des organismes de collecte pour payer les frais de stockage aux producteurs de la pomme de terre. Un problème a surgi, celui des producteurs qui délivrent la production et les collecteurs qui essayent de faire une sélection de la production”.

A. DEBBACHE