L’Algérie abandonne ses terres agricoles

ALORS QUE LA CRISE ALIMENTAIRE MENACE LA PLANÈTE

L’Algérie abandonne ses terres agricoles

L’Expression, 09 Juin 2008

Trois millions d’hectares sont laissés annuellement en jachère.

La sécurité alimentaire en Algérie est plus que jamais menacée. La sonnette d’alarme est d’ores et déjà tirée. Les experts en la matière avertissent: «Il est temps que l’Algérie prenne ses dispositions pour éviter la chute.»
Hamid Aït Amara, expert en agriculture, se montre alarmiste. Son pessimisme est fondé sur des indices économiques bien déterminés, voire réalistes.
«L’Algérie cultive seulement 57% de l’ensemble de ses terres agricoles», estime M.Aït Amara. Précisant son analyse, il ajoute: «Trois millions d’hectares de ces terres sont laissés annuellement en jachère». Le constat est d’autant plus amer que l’Algérie alloue des budgets faramineux pour l’importation des produits alimentaires.
«En 2007, l’Algérie a importé pour 5 milliards de dollars» indique cet expert, qui intervenait hier sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale. La facture alimentaire s’accroît en fonction de l’augmentation des recettes pétrolières. Il faut rappeler, dans ce contexte, que les importations de l’Algérie ont atteint, l’année dernière, la barre de 27,44 milliards de dollars, contre 21,45 mds de dollars en 2006, soit une hausse nette de 27,88%. La cagnotte de l’importation de produits alimentaires représente, à elle seule, 17,59% du volume global des importations. La facture est ainsi passée de 3,8 milliards de dollars en 2006 à 4,9 en 2007.
La situation s’annonce d’autant plus calamiteuse que les prix des produits alimentaires flambent sur les marchés internationaux. Et que fait-on devant une pareille impasse? Il faut dire que, en Algérie, aucune politique agricole sérieuse n’a été élaborée.
Nul besoin d’être spécialiste pour le remarquer. Il est vrai maintenant qu’on a mis en place le fameux Plan national de développement agricole, néanmoins les résultats tardent encore à se concrétiser.
En outre, si on prend en compte ce que consacre l’Etat à l’agriculture, à savoir 3% du budget national, on en déduit que la volonté politique à même de promouvoir ce secteur, n’existe pas. L’Algérie, qui a tendance à compter sur les importations, va, inévitablement, se retrouver dans une situation de crise inextricable. Avec une superficie de plus de 2 millions de km², l’Algérie demeure tributaire des fluctuations des marchés internationaux. En sus, avec la dépréciation du dollar au profit de l’euro, la facture de l’importation devient de plus en plus salée.
Selon une étude publiée à la fin du mois de mai dernier, l’Organisation de coopération et de développement économique (Ocde), estime que, par rapport à la moyenne observée entre 1998 et 2007, les projections des prix des produits alimentaires, pour la période 2008-2017, indiquent une augmentation de 20% environ pour la viande bovine et ovine, de quelque 30% pour le sucre brut et le sucre blanc, de 40% à 60% pour le blé, le maïs et le lait en poudre.
Sur la même période, l’augmentation serait «de plus de 60% pour le beurre et les graines oléagineuses et de plus de 80% pour les huiles végétales».
Que reste-t-il à attendre après toutes les estimations faites par les experts, et études réalisées par des organisations internationales? Pour ceux qui croient aux miracles, ils peuvent toujours attendre Godot.

Hakim KATEB