100 crimes de sang entre gangs

Cadavres calcinés, batailles rangées et contrôle des quartiers

100 crimes de sang entre gangs

El Watan, 12 août 2014

Les criminels usent de techniques mafieuses dans le but de brouiller les pistes et de ne pas être identifiés

Les corps des personnes tuées dans des règlements de compte entre gangs sont brûlés afin de ne laisser aucune trace exploitable par les enquêteurs de la police scientifique.

Les crimes de sang sont en train de perdre pied à travers le pays. En l’espace de deux ans et demi (entre 2012 et mi-2014) les brigades criminelles de la DGSN et de la Gendarmerie nationale ont traité une centaine d’affaires de meurtres perpétrés par des bandes de malfaiteurs qui se livrent des batailles rangées. Durant cette période, des malfaiteurs ont recouru à l’incinération des corps de leurs rivaux après chaque crime de sang commis, et ce, pour tenter de brouiller les pistes aux enquêteurs.

Ainsi, une centaine de cadavres brûlés ont été découverts par les enquêteurs des brigades criminelles, de la police judiciaire relevant de la DGSN et aussi des brigades criminelles de la Gendarmerie nationale. D’un point de vue géographique, dix wilayas du pays – dont Alger, Blida et Oran – ont été à elles seules le théâtre de 60% des meurtres commis depuis 2012. Le crime de sang représente les deux tiers des affaires. Ainsi, en 2012, les règlements de comptes avaient fait une centaine de morts dans le pays, dont 35 à Alger.

L’année suivante, le nombre d’affaires liées aux meurtres a augmenté pour atteindre les 150 cas. Pour brouiller les pistes, les malfaiteurs brûlent les corps de leurs victimes tuées par armes blanches ou autres objets tranchants, afin de détruire les empreintes et les traces qui pourraient être exploitées par les policiers de la brigade technique et scientifique. La série noire des assassinats dans plusieurs régions du pays vient de s’enrichir d’un nouvel épisode. La police tout comme la gendarmerie ne cessent de constater le nouveau mode opératoire usité par les malfaiteurs.

Alertées par le phénomène, la Sûreté nationale et la Gendarmerie nationale ont indiqué, dans leurs communiqués mensuels, que ce nouveau mode opératoire est de plus en plus employé par les malfaiteurs. En février dernier, la DGSN a enregistré 24 affaires d’homicide volontaire dont plus de la moitié (13) concernant des cadavres brûlés. L’objectif de calciner les corps des victimes est d’effacer toute trace menant vers les auteurs, ce qui confirme que le crime est en train de prendre une nouvelle tournure en Algérie.

Il est clair qu’aujourd’hui, les malfaiteurs s’inspirent de techniques en vigueur dans les pays les plus touchés par les meurtres, dont la France, particulièrement à Marseille et Paris où le phénomène a battu des records. Toutefois, malgré ce mode opératoire, la police scientifique a réussi à identifier les malfrats grâce aux nouveaux équipements acquis par la DGSN et la Gendarmerie nationale dans le cadre de la lutte contre le crime organisé.

L’identification de victimes calcinées est possible grâce aux autopsies faites par la police scientifique, mais aussi grâce aux empreintes digitales et autres objets laissés par les meurtriers. En septembre 2012, deux cadavres découverts (un avocat et un homme d’affaires) découpés et brûlés, l’un à Zéralda et l’autre à Bordj El Kiffan, avaient été analysés par les gendarmes enquêteurs comme un acte de représailles où il était pratiquement impossible, au début de l’enquête, d’identifier les corps.

Toutefois, après les résultats arrachés par l’Institut national de criminalistique et criminologie (INCC), l’auteur du double assassinat a été identifié et arrêté : c’était un ami des défunts. Outre les règlements de comptes pour trafic de drogue, les policiers et les gendarmes n’écartent pas, dans des cas similaires, un crime passionnel «maquillé» pour brouiller les pistes.

17 afaires de crime de sang traitées en juillet

Les brigades criminelles relevant de la Sûreté d’Alger ont traité, durant le mois de juillet passé, 17 crimes de sang ayant conduit à l’arrestation de 24 présumés auteurs (tous placés sous mandat de dépôt) identifiés à partir de tests ADN par la police scientifique, a indiqué hier la DGSN. Selon la Sûreté nationale, sept affaires d’homicide volontaire ont été élucidées par les éléments de ses brigades, ce qui a permis l’interpellation de 14 présumés auteurs, tandis que dix autres affaires d’homicide involontaire ont été traitées durant la même période et ont conduit à la capture de 14 mis en cause. L’arrestation des auteurs de ces crimes de sang a été réalisée grâce à la contribution des éléments de la police scientifique, qui réalisent d’importants progrès techniques et scientifiques pour l’identification des auteurs de crimes. Grâce aux experts en blouse blanche, le taux d’élucidation du crime vient de franchir la barre des 100% pour le mois de juillet passé.

Une centaine de meurtres depuis janvier

Pas moins de 100 affaires de crime de sang ont été traitées et plus de 150 présumés auteurs arrêtés par les brigades criminelles de la Sûreté nationale depuis le début de l’année en cours. En février, lesdites brigades ont élucidé 15 affaires de meurtre à travers lesquelles 26 personnes ont été interpellées suite à des prélèvements d’empreintes digitales effectués par les experts de la police scientifique sur les scènes de crime.

S’agissant des homicides volontaires, les brigades de la police criminelle, assistées par des experts en criminologie et en médecine légale, ont élucidé 11 affaires et procédé à l’arrestation de 19 suspects qui ont été présentés devant la justice. Sept mis en cause ont également été arrêtés dans quatre autres affaires de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort. L’«expérience» des enquêteurs des brigades criminelles a permis d’élucider ces affaires malgré leur complexité.
Sofiane Abi