Programme logements: Aucun chantier n’a démarré à Alger

ETAT D’AVANCEMENT DU PROJET DU MILLION DE LOGEMENTS

Aucun chantier n’a démarré à Alger

L’Expression, 26 octobre 2005

«Nous travaillerons jour et nuit pour la réalisation de 1 million de logements», avait déclaré en mars dernier le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, M.Hamimid. Officiellement, le vaste programme initié par le chef de l’Etat et qui consiste en la construction de 1 million de logements d’ici à 2009, toutes formules confondues, est lancé. L’exercice 2005 étant presque arrivé à sa fin, l’on est en droit de s’interroger sur l’état d’avancement des travaux et si réellement les délais fixés par le président de la République seront respectés par ceux-là mêmes en charge de ce colossal dossier. Il faut rappeler que le gouvernement a dégagé pas moins de 555 milliards de DA, destinés au financement du logement social locatif et aux aides destinées aux futurs bénéficiaires des formules LSP et habitat rural et dont les montants se situent entre 400.000 et 500.000 DA pour chaque postulant éligible. L’épineux problème des assiettes foncières surmonté, puisqu’il s’avère que les autorités ont pu recenser plus de 130.000 hectares urbanisables, il reste le lancement du programme.
Ainsi, d’après les prévisions et d’après le programme global retenu pour ce qui est des logements financés totalement ou partiellement par l’Etat, la répartition se situe comme suit : logement social locatif : 120.000, logement location-vente 80.000, logement social participatif 215.000, soit un total de 690.000 unités auquel s’ajoute un programme actuellement en cours de réalisation qui est de l’ordre de 385.000 logements. Lors d’un colloque international sur l’habitat organisé à Alger il y a de cela sept mois, le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme affirmera que d’ici la fin 2009, 1075.000 logements seront livrés. A ce sujet, M.Hamimid soutiendra qu’à cette date, le parc national de logements devrait atteindre 6,9 millions d’unités pour une population qui avoisinerait d’ici là, 34,7 millions d’habitants. Le programme présidentiel qui vise à atténuer la crise aiguë du logement, va générer, affirme-t-on également pas moins de 300.000 emplois. La volonté ainsi affichée, passons actuellement à la réalité du terrain en commençant par l’état d’avancement des 20.000 logements LSP destinés à la capitale. La Direction du logement et des équipements publics (Dlep) sise à Hussein Dey et légalement le maître de l’ouvrage est chargée du suivi des 20.000 logements LSP destinés à la capitale, dans le cadre du programme présidentiel, tel que défini par le plan de charge. Nous nous sommes donc déplacés au siège de la Dlep pour démarrer nos investigations. Le directeur de cette institution (Dlep), nous a bien reçu et nous a gentiment orienté vers la wilaya pour les autorisations d’usage avant de faire une quelconque déclaration à la presse. Sur ce, le commis de l’Etat nous raccompagne à la porte en réitérant son entière disponibilité à s’entretenir avec nous, pour peu que la wilaya l’y autorise. Le jour même, nous prenons attache avec les services de la wilaya d’Alger. A peine quelques heures après, la wilaya nous rappelle pour nous dire que le directeur a été instruit pour nous informer sur le programme des 20.000 logements LSP dont a bénéficié la wilaya d’Alger. Ce n’est que cinq jours après que nous fûmes enfin reçus à la Dlep. Toutefois, aussi courtois, le directeur a bien voulu répondre à toutes nos questions. Il s’avère ainsi qu’à ce jour aucun chantier n’a démarré et aucun logement n’a été construit à deux mois de la fin de l’année. Ce sont en tout 48 sites répartis au quatre coins de la capitale qui sont choisis pour l’implantation des logements LSP et qui attendent toujours le démarrage des travaux. Le plus grand site est situé à Aïn Benian sur la côte Ouest d’Alger et où 1600 logements sont programés. Pourquoi tout ce retard? Le directeur nous explique que c’est essentiellement dû aux procédures liées au transfert de terrains et qu’un travail préliminaire à ce sujet a été minutieusement réalisé par la wilaya et l’assemblée populaire de la wilaya (APW). Notre interlocuteur soulignera que les autorités ont pris toutes les précautions pour que les terrains transférés ne tombent pas entre les mains de promoteurs malintentionnés, les privés en particulier qui sont soumis au préalable à une enquête rigoureuse concernant leurs capacités et les moyens qu’ils proposent de déployer sur le terrain. Ils sont 102 promoteurs (privés et publics) à être retenus pour réaliser le programme de 20.000 logements LSP. Le coût du terrain est évalué entre 2500 et 4000 DA le m². «Les charges financières sont très élevées» nous avoue le responsable de la direction du logement. Cependant, notre interlocuteur affirme que les travaux de construction débuteront en novembre et décembre de cette année. Les délais, d’après lui, ne dépasseront pas les 16-18 mois. Quant aux infrastructures de base qui devront accompagner toutes les cités qui sont réalisées, le responsable affirme que les «équipements bosniaques» à savoir, les écoles, les centres de santé, les marchés et aires de jeu sont intégrés dans les plans. Enfin, concernant le risque de fraude des postulants qui auraient déjà bénéficié de logements et ou d’aides de l’Etat ailleurs, le responsable rassure qu’à 99% le fraudeur n’a aucune chance de «passer». D’après lui une banque de données existe à l’échelle locale et nationale ce qui permet de détecter tous les noms de personnes qui avaient déjà acquis un logement à travers le territoire national. Selon lui, toutes les précautions ont été prises par la direction du logement enfin que les logements ne bénéficient qu’aux véritables nécessiteux. Car en fait à quoi serviraient les constructions de milliers d’habitations si une grande partie profite toujours à une secte insatiable? Le président de la République en décidant de multiplier les formules pour l’acquisition d’un logement en Algérie, tente d’après de nombreux observateurs de mettre un terme aux agissements des «spéculateurs» qui agissent au sein même de l’Etat. Un responsable qui a voulu garder l’anonymat nous a révélé qu’il existe des gens qui ont occupé des postes assez importants dans les années 90 et avaient fait une véritable «razzia» sur tout ce qui est immobilier à commencer par les logements sociaux, locaux et même des lots de terrains. La pratique en ce temps-là était si flagrante que beaucoup de «trabendistes» de l’immobilier, falsifiaient jusqu’à des cartes professionnelles de diverses institutions de l’Etat, pour accaparer à leur tour, des biens appartenant au peuple et au citoyen avec la complicité de maires peu complaisants.
Il n’y a qu’à remonter le temps et voir le nombre de «coopératives immobilières» qui ont vu le jour durant la décennie noire, notamment à Alger, pour comprendre l’incompréhensible. Le mal est tellement profond que personne aujourd’hui n’est en mesure d’évaluer le préjudice causé au pays.
Qui leur demandera des comptes à toutes ces personnes qui ont fait de l’Algérie un bien privé à un certain moment de l’histoire de l’Algérie.

Zahir MEHDAOUI