Le Conseil des ministres l’a décidé : Nouveau serrage de vis pour les investisseurs étrangers

Le Conseil des ministres l’a décidé : Nouveau serrage de vis pour les investisseurs étrangers

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 2 septembre 2008

Les investissements étrangers ont été sur la sellette au cours des dernières semaines. Le coup d’envoi avait été donné par le président Abdelaziz Bouteflika lors d’un discours devant les maires où il avait considéré que la politique menée par l’Algérie dans le domaine de l’investissement et des privatisations avait été un échec. Le discours a été suivi par l’annonce de mesures, plutôt restrictives, comme la création d’un droit de préemption en matière de cession des entreprises, l’obligation d’une participation majoritaire dans les projets de partenariats engageant l’Etat.

La loi de finances complémentaire a en outre créé une obligation de réinvestissement d’une partie des bénéfices pour les projets qui ont bénéficié d’exonérations fiscales. C’est dans cette même tendance au recadrage, voire au tour de vis que le Conseil des ministres a annoncé deux mesures en direction des opérateurs étrangers. La première mesure consiste en «l’assimilation des bénéfices transférables vers l’extérieur par les succursales aux sociétés mères établies à l’étranger, à des dividendes imposés à 15%». Le communiqué annonce, d’autre part, l’imposition spécifique des plus-values de cession d’actions et de parts sociales par des non-résidents. Les mesures qui concernent l’ensemble des investisseurs étrangers ne peuvent être interprétées que comme faisant partie d’un dispositif de supervision sévère des investissements étrangers. Ce changement de cap est lié non seulement à la question des transferts substantiels de bénéfices – dont on n’a d’ailleurs pas une estimation officielle, même si un économiste algérien avait avancé le chiffre de 7 milliards de dollars en 2007 – mais aussi à la cession, par Orascom, de deux cimenteries au français Lafarge. A l’évidence, ce n’est pas la nationalité du repreneur – les Français font de bonnes affaires en Algérie et ne sont pas l’objet de défiance – mais la manière dont la cession s’est opérée qui pose problème au pouvoir. Comme s’il découvrait les réalités d’une économie mondialisée où les transactions échappent aux Etats. Au-delà, la question récurrente est de savoir si de telles mesures d’ordre financier seraient de nature à inciter des entreprises étrangères largement orientées vers le commerce à investir dans la production ? Il ne fallait pas attendre le dernier discours présidentiel pour constater que les quelques investissements effectivement réalisés n’étaient ni productifs, ni créateurs d’emplois. La contribution au développement économique de ces investissements n’étant pas évidente, il ne reste qu’à constater que leurs promoteurs dégagent des profits substantiels sans relation avec leur modeste apport.

Une autre politique ?

Pour autant, il serait malvenu de reprocher aux entreprises étrangères d’essayer de tirer le maximum d’un marché ouvert à tous les vents, sans cadrage réel et sans exigence. Pourquoi investiraient-ils alors que tout, de la législation aux pratiques concrètes, leur signifie qu’il est plus aisé et plus judicieux de prospérer dans le commerce et dans la prestation de services ?

«L’Algérie, a déclaré le président de la République, a besoin d’investissements productifs par les nationaux et par les étrangers. Certes, elle entend défendre ses droits comme les autres pays en matière d’investissements, tout comme elle entend mettre un terme aux comportements parasitaires et spéculateurs au détriment du Trésor public. Mais le gouvernement doit poursuivre la promotion de l’investissement fondé sur un partage équitable des avantages et des bénéfices entre l’investisseur national ou étranger et la collectivité nationale devant laquelle nous sommes comptables».

Le message peut paraître, après les mesures de «serrage» de vis, comme une volonté de rassurer les investisseurs étrangers. Le chef de l’Etat essaie d’établir une distinction entre les investisseurs «productifs» et les «parasites et spéculateurs». Le problème est que l’on semble passer de l’encensement excessif de l’investissement étranger, comme levier fondamental de la relance économique, à un dénigrement tout aussi exagéré. Sans doute lié au fait que des responsables, touchés par la «grâce» du marché, ont placé trop d’espoirs dans l’investissement étranger. La série de mesures annoncées et celles qui les ont précédées suggèrent – à défaut d’un retour à un «nationalisme économique» clairement assumé – que l’on ne se berce plus d’illusion sur la capacité de l’investissement étranger à enclencher une logique vertueuse. Il faut ajouter que l’environnement des affaires, la mauvaise administration ainsi que la situation générale du pays ne sont pas de nature à inciter les investisseurs de qualité à s’installer. Ces mesures paraissent en prendre acte. Cela augure-t-il d’une autre politique économique clairement orientée vers le soutien à l’investissement national public et privé ? Là est la question…