“L’Algérie s’oriente vers une nouvelle sensibilité protectionniste”

Selon une étude du Forum Euro-méditerranéen des Instituts des Sciences Économiques

“L’Algérie s’oriente vers une nouvelle sensibilité protectionniste”

Par : Meziane Rabhi, Liberté, 9 décembre 2010

L’action structurante algérienne au niveau de l’économie reste encore marquée par l’objectif de développement autocentré des années 1970, et que des doutes subsistent sur l’opportunité d’aller plus loin vers l’ouverture, chose que permet actuellement l’aisance financière due aux recettes pétrolières, estime le rapport.

Les pays du sud et de l’est de la Méditerranée ont démontré une “forte capacité de réaction” face à la crise économique mondiale et pourraient en sortir renforcés, selon une étude publiée, réalisée par le Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise), pour le compte de la Banque européenne d’investissement (BEI).
Les pays méditerranéens de la Femip (Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat), dont fait partie l’Algérie, ont bien réagi à la crise. Du fait d’une intégration financière limitée, au niveau régional comme au niveau mondial, ils ont été protégés d’une crise financière sévère. Mais, le choc de la crise s’est néanmoins produit. “Si le secteur financier local a été peu touché et la dette extérieure bien maîtrisée, le choc de la crise s’est traduit par une baisse de la croissance (de 2 à 2,5 points en moyenne) et a eu des conséquences sur l’emploi et les budgets publics”, relève l’étude. Le Femise établissant une sorte de comparaison sur les développements récents en Algérie et les autres pays de la rive sud de la Méditerranée constate que notre pays, “dans un mouvement inverse à la plupart des éligibles à la Femip”, s’oriente vers une nouvelle sensibilité protectionniste, qualifiée de “patriotisme économique”. L’étude rappelle, qu’engagée dans une logique d’économie planifiée, à la fin des années 1980, l’Algérie a entrepris de profondes actions de restructuration pour la promotion d’une économie de marché ouverte aux initiatives privées et à la déprotection commerciale. C’est dans cette optique que le système productif a été soumis à des processus de désengagement public, plus de 400 opérations réalisées entre 2003 et 2007 sous la férule d’un conseil de privatisation, et que fut lancé un programme de mise à niveau avec une expérience-pilote, dès 1998.
“Il reste qu’aujourd’hui, dans un mouvement inverse à la plupart des pays méditerranéens de la Femip, l’Algérie s’oriente vers une nouvelle sensibilité protectionniste qualifiée de patriotisme économique”, relève le Femise. “Si le principe affiché est à la fois une restauration du rôle de l’État face aux défaillances du marché et le soutien aux entreprises locales, ainsi que la contextualisation locale de recommandations générales, autant de réflexions légitimes, la forme prise ressemble à un retour au soutien par la protection”, indique le Femise.
Ainsi, rappelle l’étude, le ministre du Commerce a déclaré que “l’importation des marchandises, y compris les jouets, sera désormais soumise à une licence d’importation délivrée par une commission technique spécialisée, composée de représentants de douze départements ministériels concernés par la santé et la sécurité du consommateur (…)”. Le Femise évoque d’autres déclarations, concernant notamment l’adhésion à l’OMC, où des points de négociations avec l’UE ou les USA, mis en parallèle de la “souveraineté nationale”, indiquent une modification de l’orientation. Il est donc assez clair que l’action structurante algérienne au niveau de l’économie reste encore marquée par l’objectif de développement autocentré des années 1970 et que des doutes subsistent sur l’opportunité d’aller plus loin vers l’ouverture, chose que permet actuellement l’aisance financière due aux recettes pétrolières. Cela n’a pas empêché l’Algérie de mieux décentraliser sa planification, de lancer de grandes opérations visant, notamment, les infrastructures, l’énergie et la construction de logements.
“Ce qui différencie la politique volontariste algérienne de celle des années 1970 c’est qu’elle ne repose plus sur la volonté de développer une base productive à partir d’entreprises publiques en situation de monopole. On voit même apparaître des efforts remarquables pour développer la participation aux niveaux les plus décentralisés dans l’identification de projets”, conclut le document.