Le gouvernement veut relancer les entreprises publiques viables

Le gouvernement veut relancer les entreprises publiques viables

Une parade contre le «tout import»

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 30 mai 2009

Soutien «illimité» à l’agriculture et relance des entreprises publiques qui «disposent d’un marché et de capacités de production».

Tels sont les engagements faits par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, dans sa réponse aux interrogations des membres du Conseil de la nation. Cette insistance sur le soutien aux secteurs économiques «stratégiques» a, comme pour toile de fond, une déception évidente à l’égard des investissements extérieurs et une franche inquiétude au sujet de l’accroissement de la facture d’importations qui avoisine les 40 milliards de dollars en 2008 contre 13 milliards quatre ans plus tôt. Le Premier ministre veut traduire en acte le constat d’échec de la politique d’investissement établi il y a une année par le président de la République. Il constate que les opérateurs étrangers ont pris le contrôle du marché national et que cela a entraîné un affaiblissement conséquent de l’industrie locale. Une attention particulière devrait être accordée au groupe Saidal pour l’industrie pharmaceutique et au secteur de l’industrie mécanique, le complexe de construction de moissonneuses-batteuses. «Il est temps de booster les entreprises publiques qui disposent d’un marché et de capacités de production», a-t-il dit. A l’évidence, cela ne devrait pas être difficile. Le gros des marchés pour les entreprises publiques reste l’Etat lui-même. Des entreprises publiques, si elles ne sont pas totalement démantelées, peuvent effectivement être boostées si l’Etat devient moins soucieux de délais dans la réalisation de son programme d’investissement public. Cela a été l’objet principal de rancoeur pour le précédent plan. Relancer les entreprises algériennes, publiques ou privées, exige effectivement un changement de modèle économique pour le programme d’investissement public.

«Booster» les entreprises publiques

Si au bout de 150 nouveaux milliards de dollars d’investissements, on n’a pas réussi à avoir des entreprises algériennes viables, difficile de dire qu’on n’en connaît pas la cause… Abdelhamid Temmar, ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, a indiqué que les études de remise à niveau des entreprises publiques «encore viables et disposant de marché» sont déjà prêtes et qu’une réunion du gouvernement devrait finaliser le dossier et arrêter la liste des entreprises qui seront concernées par l’opération de soutien que l’Etat compte leur apporter afin de les conforter et d’améliorer leurs performances. L’aide de l’Etat ira à «tous les secteurs essentiels à l’économie nationale», a-t-il indiqué en citant les secteurs de l’industrie mécanique, de la pétrochimie, de la pharmacie, du bâtiment et des travaux publics. Situant les enjeux dans l’emploi et la sécurité alimentaire, le Premier ministre a annoncé qu’outre les crédits sans intérêts accordés aux agriculteurs, l’Etat est disposé à mettre davantage la main dans le Trésor public pour accroître son soutien.

«Contraindre» les investisseurs à s’éloigner d’Alger, Oran, Annaba… ?

Après l’imposition d’une majorité de 51% de parts détenus par les Algériens dans tout projet d’investissement et l’obligation aux sociétés commerciales étrangères de céder 30% de parts aux Algériens avant le 31 décembre 2009, le gouvernement pourrait prendre une nouvelle mesure contraignante afin de pousser les investisseurs à aller loin des grands centres urbains du pays. Ahmed Ouyahia a ainsi évoqué la possibilité de retirer les avantages liés à l’investissement dans les grandes wilayas comme Alger, Oran et Annaba, qu’il juge «saturées» de projets. «La concentration des investissements dans les grandes wilayas pourrait nous inciter à retirer tout soutien ou encouragement en faveur des projets d’investissement dans les wilayas ayant bénéficié d’un grand nombre de ces projets», a indiqué M. Ouyahia en soulignant que le gouvernement est «en mesure de prendre cette décision et mettre fin à toute mesure incitative dans certaines wilayas».

Pressentant les critiques qui ne manqueront pas de s’exprimer sur ce sujet, Ahmed Ouyahia souhaite que les opérateurs économiques soient sensibilisés à la nécessité d’investir dans les régions éloignées qui ont besoin de développement pour lutter contre le chômage et l’exode rural. Les critiques ne manqueront pas de relever que c’est toute une politique d’aménagement du territoire qu’il faut mener et qu’Alger, Oran ou Annaba ne sont pas dans une situation de «plein emploi» pour que l’on parle de saturation. Pourquoi retirer de manière régalienne les avantages à l’investissement dans ces wilayas où l’on a autant besoin de créer des emplois qu’à l’intérieur du pays ? La solution «économique» et non pas administrative serait plutôt de stimuler l’investissement dans les régions éloignées en leur accordant plus d’avantages que ceux qui s’installent autour des grandes villes.

Ce ne serait que justice puisque ceux qui investissent dans les régions éloignées auront plus de contraintes car ne bénéficiant pas des infrastructures disponibles dans les grandes villes. Il est plus logique, comme l’évoque d’ailleurs le Premier ministre, de songer à des mesures incitatives additionnelles pour soutenir l’investissement dans les zones que l’on veut développer plutôt que d’en supprimer pour ceux qui s’établissent autour des grandes villes. Si le but est une substitution aux importations, il faut encourager et non dissuader. Cela n’exclut pas – et c’est même souhaitable – que les avantages consentis pour les investissements réalisés dans les zones éloignées soient plus substantiels.