Une privatisation de la douane risquée

Recours aux sociétés d’inspection pour contrôler les marchandises

Une privatisation de la douane risquée

Par :Nadia Mellal B., Liberté, 27 août 2009

Cette mesure assimilée à une reconnaissance de l’inefficacité de cette institution constitue pour des spécialistes une perte de souveraineté nationale et une nouvelle dépense pour le Trésor public.

La privatisation de la douane, décidée par les pouvoirs publics à travers une disposition de la loi de finances complémentaire pour 2009 autorisant des sociétés d’inspection internationales, en l’occurrence les sociétés d’inspection avant expédition (SIE) à contrôler les marchandises, ne constitue pas une mesure adéquate pour des experts en la matière. En ce sens, aux yeux de ces spécialistes, cette privatisation de la douane présente de multiples risques. “Le détournement des documents et de marchandises au niveau des ports algériens, l’efficacité et la crédibilité de la société d’inspection retenue en la matière qui reste à démontrer, ajouté au fait qu’il est question d’une perte pour le Trésor public dans la mesure où ces sociétés seront rémunérées à 3% de la valeur des marchandises déclarées, ce qui représente un marché de 600 millions de dollars, soit 40 000 milliards de centimes, sont autant de risques qui accompagnent cette option de privatisation”. Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la douane (OMD) n’est pas favorable à la privatisation de la douane. En ce sens que des expériences dans le passé ont mis en évidence les retombées néfastes de ces SIE et le fait qu’elles ne sont aucunement à l’origine de l’amélioration de la situation des douanes.
Aussi l’Organisation mondiale des douanes estime que deux conditions pour que ces sociétés d’inspection puissent être instituées : elles sont, en effet, sollicitées d’une part, lorsqu’un État est endetté et donc n’a pas les moyens de contrôler les marchandises. Ce qui n’est nullement le cas de l’Algérie. Seconde condition : il faudrait que la corruption de la douane ait atteint les 90%. Autre risque dont se font l’écho les spécialistes en la matière : la perte de souveraineté nationale. Ceci dans la mesure où on confie une tâche qui est la prérogative de la Douane algérienne à un organisme externe. Les Douanes algériennes ont-elle démontré leur inefficacité dans le contrôle des marchandises ?
L’institution douanière est-elle touchée par la corruption corrompue à telle enseigne qu’elle se voit contrainte de recourir à des organismes externes ?
Ce disant, la semaine dernière la direction générale des douanes (DGD) a surpris en rendant public un communiqué dans lequel elle expliquait le dispositif de recours aux sociétés spécialisées dans le contrôle des importations avant leur expédition sur l’espace douanier. “L’inspection des marchandises avant expédition consiste à recourir à des sociétés spécialisées dans le contrôle des marchandises avant leur expédition vers les pays importateurs, essentiellement en matière de prix, d’espèce, d’origine et de conformité des marchandises expédiées. Cette pratique a pour but de sauvegarder les intérêts financiers nationaux (prévention contre la fuite des capitaux et de la fraude commerciale, baisse des recettes douanières par la minoration des valeurs déclarées ainsi que du contournement des droits de douanes) et la lutte contre la contrefaçon”, note le communiqué en question. “Il s’agit plus de pouvoir disposer d’informations préalables avant l’arrivée des marchandises et, notamment, pour certains types de marchandises sensibles ciblées qui font l’objet de suspicion de fraude. L’administration douanière disposant, par ailleurs, de toute la latitude pour procéder à de nouveaux contrôles lors de l’arrivée de ces marchandises sur le territoire national”, est-il expliqué dans le communiqué de la semaine dernière.
La DG explique donc qu’une de ses prérogatives sera attribuée aux SIE. Il faut rappeler que sur instruction du directeur général des douanes, M. Bouderbala, une réunion s’est tenue le 7 juillet dernier entre les cadres de la douane et la société suisse SGS pour signer un accord ultérieurement suivant lequel cette firme aura à contrôler les marchandises dans les ports d’expédition (Marseille, Gênes, Barcelone, Tunis, par exemple). Il est question également de la vente des scanners à la Douane algérienne. Selon des sources proches de ce dossier, “des documents montrant que SGS a proposé à la douane des scanners pour 11 millions de dollars alors que leur valeur sur le marché n’est que de 1,5 million de dollars”.
Des spécialistes estiment que l’argent qui sera déboursé pour les sociétés d’inspection pourra servir à améliorer les conditions de travail des douaniers et à améliorer les moyens de contrôle en son sein et à former notamment des spécialistes à l’étranger.
Ce qui peut améliorer l’efficacité de la Douane algérienne et mieux lutter contre la “tchipa”. En tout état de cause, cette privatisation ne va pas régler le problème de la corruption au sein de la douane, estiment les mêmes spécialistes.