Affaire Khalifa: Plus de 5 500 personnes auditionnées, le procès attendu pour 2006
Affaire Khalifa
Plus de 5 500 personnes auditionnées, le procès attendu pour 2006
par Sihem H., Le Jeune Indépendant, 29 octobre 2005
Le dossier Khalifa, en instruction depuis plus de deux ans, serait sur le point d’être transmis à la chambre d’accusation au début de l’année prochaine. Il constituera le plus grand procès de l’histoire de l’Algérie indépendante. Plus de 5 500 personnes, témoins et inculpés dans l’affaire Khalifa, ont été auditionnées jusqu’au début du mois en cours, un nombre qui pourrait en principe dépasser 6 000 personnes avant la fin de l’année, a appris le Jeune Indépendant de source proche du dossier.
L’instruction, confiée au seul tribunal de Chéraga, à Alger, est menée conjointement, depuis le mois de juin, par deux juges d’instruction. Elle s’est soldée par la mise sous mandat de dépôt de 6 personnes, en mars 2003. Celles-ci, détenues à la prison d’El-Harrach, avaient à maintes reprises réclamé, par le biais de leurs avocats respectifs, d’être jugées ou, à défaut, de bénéficier de la liberté provisoire.
Le délai de la détention préventive – 4 mois renouvelables 4 fois – étant largement dépassé pour atteindre à la fin de ce mois les 31 mois. Plus d’une trentaine de personnes, dont d’anciens ministres, ont également été inculpées, mises sous contrôle judicaire mais laissées en liberté provisoire, en attendant le procès dont l’échéance, fixée officieusement, a été une nouvelle fois reporté pour le début de l’année prochaine.
En effet, l’instruction qui serait, précise notre source, dans sa phase finale devrait aboutir sur la tenue du plus grand procès de l’histoire de l’Algérie indépendante. Un procès à propos duquel les plus hautes autorités de l’Etat ont pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer son bon déroulement, même en cas d’absence du principal inculpé, Abdelmoumène Khelifa, actuellement réfugié à Londres et faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré par les autorités algériennes depuis avril 2003.
En dépit de progrès considérables dans les négociations pour son extradition, action entreprise, entre autres, par le canal diplomatique, en l’absence d’accord judicaire entre les deux pays, des réticences continuent d’apparaître du côté du gouvernement de Tony Blair pour remettre à la justice algérienne le patron de l’ex-groupe et l’amener à répondre de ses actes, révèle notre source.
«Toutes les conditions exigées par la partie anglaise ont été satisfaites», affirme notre source qui cite à titre d’exemple le retrait de l’affaire, depuis près de six mois, des mains du juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed, pour la confier au seul tribunal de Chéraga.
Pour rappel, le ministre de la Justice avait promis en juin 2004 de faire toute la lumière sur ce délicat dossier et de faire «convoquer par la justice tous les complices, les participants et même ceux qui se sont confinés dans un silence coupable».
L’instruction menée également avec l’aide d’enquêteurs de la Gendarmerie nationale a permis de lever le voile sur plusieurs irrégularités. Il s’est avéré que l’ex-groupe Khalifa avait «soudoyé directement ou indirectement, hommes politiques, hauts fonctionnaires, dirigeants d’entreprises, élus, figures de proue du sport et du showbiz… afin de maintenir sous perfusion le groupe grâce à l’argent des épargnants.
La déconfiture de l’empire Khalifa avec ses différentes filiales avait fait subir au Trésor, et à un degré moindre aux particuliers et entreprises, une perte évaluée à plus de 1,2 milliard de dollars. Une infime partie de cette somme a, certes, pu être récupérée grâce à des saisies-arrêts et des remboursements de prêts consentis sans garantie et sans dossier.
Mais cela demeure minime comparativement au nombre de recouvrements restant à réaliser. L’ex-empire Khalifa, qui a «régné» sur un pan de l’économie du pays pendant un peu plus de 3 ans, s’était lancé dans d’importants investissements, des prêts à des taux supérieurs aux autres banques, pour arriver à une dette extraordinaire par son ampleur, dépassant de loin les fonds propres du groupe.
Des voix ont commencé à se faire entendre sur l’origine des fonds du propriétaire ainsi que sur la réalité des comptes sociaux. Par ailleurs, toujours selon la même source, les clients de l’ex-Khalifa Bank, en attente d’un hypothétique remboursement de leurs dépôts, avaient manifesté l’intention de se constituer partie civile et d’accéder au dossier.
Ces mêmes clients n’avaient pas exclu la possibilité de poursuivre aussi bien la Banque d’Algérie que les membres du conseil d’administration de l’ex-banque. S. H.