Affaire Khalifa : Echos de la cour de Blida

Affaire Khalifa : Echos de la cour de Blida

El Watan, 15 mai 2015

La justice algérienne utilise l’arabe comme langue de travail alors que les expertises se font généralement en français. Une situation ‘’paradoxale’’ qui n’est pas sans conséquences sur le bon fonctionnement des procès et de l’instruction.

Problèmes de terminologie au procès de Khalifa Bank

La justice algérienne utilise l’arabe comme langue de travail alors que les expertises se font généralement en français. Une situation ‘’paradoxale’’ qui n’est pas sans conséquences sur le bon fonctionnement des procès et de l’instruction. Rien que pour l’exemple, le problème de terminologie s’est posé, avec acuité, dès le premier jour du procès. Le principal accusé de l’affaire Khalifa (Abdelmoumen Khalifa) a déclaré, lors de son audition, que la banque BDL a accordé en 1991, à son entreprise de médicament, des facilités de caisse et non pas de crédit.

« C’est entièrement différent », a-t-il dit au juge, alors que dans les PV de l’instruction s’est écrit ‘’Quardh’’ (crédit en arabe). Aussi, un avocat déplore que durant l’instruction, les rédacteurs des PV (gendarmerie et juges d’instruction) n’ont pas fait de différence entre hypothèque, gage, nantissement et ont utilisé un seul mot en arabe qui est ‘’Rahn’’ pour toutes les situations. Des accusés ont souvent ‘’corrigés’’ le juge, en utlisant des termes plus appropriés en français pour mieux se défendre.

La Chaîne 3 dans la gène !

Le célèbre journaliste de la Chaine Trois de la radio nationale (service sportif) est cité dans l’affaire Khalifa Bank comme témoin. Recruté au début des année 2000 par Abdelmoumen Khalifa, il était chargé, notamment, du volet sponsoring des équipes sportives au sein du groupe de l’ex golden boy. A ce jour, il n’est pas encore passé à la barre pour apporter son témoignage. Mais son nom a été cité par certains accusés. La rédaction de la Chaine Trois n’a pas repercuté cela et évite donc certains détails du procès. Mais que fera ce média lors de l’audition de son journaliste Maâmar Djebour ? Les prochains jours nous le diront !

Le juge souple avec les accusés et un peu dur avec le procureur !

Antar Menouar, le juge chargé de l’affaire Khalifa, semble vouloir mettre les accusés à l’aise.« Vous voulez prendre un peu d’eau, n’hésitez surtout pas à nous le dire », lance-t-il souvent aux accusés. Aussi, il a, à maintes fois rassuré les présents dans la salle d’audience que la couverure sanitaire est assurée et que celui qui se sent victime d’un malaise n’a qu’à alerter les agents de sécurité. Par contre, il essaye toujours de remettre ‘’à l’ordre’’ le procureur en lui rappelant que ses questions doivent êtres directes et loin de toute polémique.

« La banque était agréée »

La majorité des accusés ayant été à l’origine du dépôt d’argent de leur institution à Khalifa Bank ne cessent de répéter la même phrase au juge : « Khalifa Bank était une banque agréée et ce n’est pas à nous de connaître sa santé financière ou son manque de professionalisme. Pour nous, c’était une banque comme les autres, sauf qu’elle offrait des taux d’intérêts très alléchants ».

Ali Aoun et El Moudjahid

Ali Aoun, l’ex PDG de Saidal, a attesté hier (jeudi) lors de son audition au tribunal de Blida qu’il a connu Abdelmoumen Khalifa, par le biais du quotidien El Moudjahid. « En 1999, El Moudjahid avait interviewé l’ex golden boy et c’est là que j’ai appris qui était réellement cette personne qui avait commencé à défier la chronique à cette époque », a-t-il lancé au juge. Abdelmoumen Khalifa prenait des photos avec le président de la République et était médiatisé par des médias publics. Voilà une preuve, parmi tant d’autres, qu’il était ‘’vraiment’’ crédible en ces temps là !
Mohamed Benzerga


 

Procès Khalifa : Ali Aoun, se dit victime d’une mafia

Hier, jusqu’à 13h et pendant plus de deux heures, Ali Aoun, ex-PDG du groupe Saidal, était à la barre. Il est accusé de corruption, trafic d’influence et perception d’avantages illicites. Il explique qu’avec la filiale Pharma du groupe Khalifa, Saidal avait établi un contrat pour le façonnage pharmaceutique (prestation de service). Selon la convention, Saidal utilise son usine et ses travailleurs pour la fabrication du médicament.

Le coût de l’opération était estimé à 52 millions de dinars, mais la fabrication du médicament en question n’a jamais eu lieu, puisqu’il y a eu, quelques mois après, la dissolution du groupe Khalifa. «Finalement, on n’a rien bénéficié du groupe Khalifa. Au contraire, c’est ce groupe qui avait bénéficié de notre notoriété avant sa dissolution», lance-t-il au juge. Ali Aoun fait savoir qu’au départ, il n’était pas au courant de cette convention, et ce n’est qu’après qu’il en a été informé. Pour se justifier, il dit que c’est le directeur de l’une des filiales du groupe Saidal qui l’a signée la convention avec KRG Pharma relevant du groupe Khalifa et que les directeurs des filiales de Saidal sont autonomes du point de vue décision et finance.

Directives

La justice reconnaît que le groupe Saidal n’a jamais déposé son argent à la banque Khalifa. Mais elle confirme qu’il a ouvert des comptes dans certaines agences relevant de cette banque. «On est en 2002, on travaillait beaucoup avec les distributeurs de médicaments qui constituaient un pourcentage de 60% de nos clients, soit plus que la pharmacie centrale des hôpitaux. Et comme ces distributeurs étaient des clients d’El Khalifa Bank, on a décidé alors d’ouvrir des comptes dans cette banque juste pour les opérations d’escompte afin de mieux faciliter certaines opérations bancaires», s’est-il défendu.

Ali Aoun déclare qu’il a reçu un blâme parce que l’argent de son groupe n’a pas été déposé à la banque Khalifa. «On a reçu des directives indirectes de la part du Fonds des participations (holding) à cause de cela», a-t-il regretté. Et d’ajouter : «Dans une directive écrite, il nous a été demandé de varier les banques pour ce qui est des dépôts de l’argent de Saidal. Mais c’était clair à l’époque. La tendance était El Khalifa Bank. Franchement, j’étais bien chez le CPA, on n’éprouvait pas la nécessité d’avoir recours à d’autres banques.» «Qu’en est-il de la voiture C5 qui vous a été offerte par Khalifa et à votre nom même ?

Cela a-t-il un lien avec la convention de votre groupe avec KRG Pharma ?» lui demande le juge. «Le jour où cette voiture est sortie de chez le concessionnaire Citroën, elle était au nom d’El Khalifa Bank, mais le même jour, et à mon insu, un responsable de Saidal et un autre d’El Khalifa se sont présentés chez le concessionnaire et lui ont demandé de mettre le véhicule à mon nom. Cette voiture était dans le parc auto d’une filiale de Saidal et je n’ai su cette histoire que six mois après.» «Mais comment ça ?» insiste encore le juge. «J’étais PDG de Saidal et j’avais d’autres préoccupations. Même si la voiture était dans le parc auto d’une filiale de Saidal, je ne l’ai jamais utilisée. Il faut dire que je n’avais surtout pas besoin d’un véhicule.

Je possédais de belles voitures comme Passat et Honda Accord. Les responsables du groupe Khalifa ont dit que le véhicule était offert dans le cadre des mesures d’accompagnement pour qu’on reste fidèle avec eux. Une chose est sûre, lors de l’opération de liquidation du groupe Khalifa, son liquidateur m’a contacté pour me vendre la C5. J’ai bradé alors ma BMW pour lui restituer la somme de 140 millions de centimes représentant le prix de ce véhicule, et avec des intérêts.» «Et cette histoire de cartes gratuites de thalassothérapie de Sidi Fredj ?» lui lance alors le juge Antar Menouer. «Ces cartes ont été confectionnées à mon insu.

En plus, et avec tous mes respects pour les responsables du thalasso, cet établissement est sale et plein de cafards. Il ne me fait pas rêver du tout. Je me vois plutôt curiste à Hammam Salhine, à Biskra, mais surtout pas au thalassothérapie de Sidi Fredj», réplique Ali Aoun. L’accusé révèle qu’il a reçu la visite de ministres lorsqu’il a été hospitalisé à Aïn Naâdja. «Ils m’ont conseillé de quitter le groupe Saidal pour éviter le danger de la mafia.

Par ailleurs, le poste de PDG de Saidal était très convoité. Des grèves ont été déclenchées et il y a eu des tentatives de retrait de confiance à mon encontre (poste de président du conseil d’administration), en vain. Tout cela pour me pousser à rendre mon tablier. En 2008, après ma retraite, j’ai intégré le groupe Cevital en tant que secrétaire général. C’est en quelque sorte grâce à moi que Cevital a pu connaître sa grande réussite. Actuellement, j’occupe le même poste, mais chez le groupe de Ali Haddad», a indiqué Ali Aoun

Mohamed Benzerga