Investissements étrangers : des prêches dans le désert ?

Investissements étrangers : des prêches dans le désert ?

El Watan, 18 novembre 2006

Les règles implacables de la mondialisation imposent aux pays qui y adhèrent de mettre en œuvre une économie compétitive pour ne pas rester à la traîne du marché mondial. Mais ces pays ne peuvent pas attendre des solutions prêtes à l’emploi de la part d’entités tierces dans un contexte de concurrence impitoyable où le souci majeur est de conquérir des parts de marché.

L’enjeu est celui d’obtenir de la valeur ajoutée dans les secteurs de l’industrie et des services pour garantir un niveau de croissance synonyme de stabilité. L’Algérie, qui s’est inscrite dans la culture de l’économie de marché, n’est pas moins éligible que tout autre pays à entrer dans la bataille du développement, car elle a des arguments réels au regard de sa position géographique stratégique, de sa surface et aussi et surtout pour ses effectifs de population qui la désignent comme un pôle relativement important de consommation. Les pouvoirs publics, qui ont multiplié les appels à l’investissement, ne paraissent pas avoir été vraiment entendus par des opérateurs frileux envers la destination Algérie. Bien évidemment, il est rassurant d’assister à cette noria de délégations étrangères qui, visitant le pays, valident l’image d’une Algérie qui a retrouvé sa juste place dans le concert des nations après avoir surmonté les terribles épreuves d’une décennie sanglante. Dans le même temps, force est de constater que, dans la majorité des cas, ces visiteurs regardent l’Algérie comme fournisseur de pétrole et de gaz, ce qui ramène tout un pays au rang de station-service. Les Algériens sont en droit de nourrir d’autres ambitions pour eux-mêmes et leur pays, plus particulièrement encore une insertion réelle de l’économie algérienne dans le marché mondial en dehors des seuls hydrocarbures. Et cela concerne tous les paliers d’activité, qu’il s’agisse de l’agro-alimentaire, de l’agriculture, du tourisme ou des industries de transformation. En dépit des idées reçues, l’Algérie offre, sous réserve des nécessaires mises à jour, un terrain favorable à l’investissement dans la mesure où, en amont et en aval, il y a des opportunités de constitution de marchés. C’est le cas pour l’industrie automobile, dont l’Algérie ne parvient pas à faire une activité induite bien que le parc roulant y soit l’un des plus exponentiels au monde. Or, aucun constructeur n’a imaginé de s’implanter en Algérie, y compris les firmes originaires de pays qui louent les vertus du partenariat. L’intérêt de l’Algérie est de mettre déjà en action une philosophie économique intégrée de l’après-pétrole, car il y a une lourde responsabilité envers les générations futures qui devront disposer de ressources sûres pour exister. Les grands groupes automobiles préfèrent se tourner vers les pays d’Europe de l’Est ou vers des voisins de l’Algérie pour implanter, et pas forcément dans le cadre de la délocalisation, des complexes industriels automobiles. La question qui se pose est celle de savoir pourquoi l’Algérie n’est pas devenue une destination attractive pour les investisseurs de tout format en dépit des assurances fournies par les autorités du pays. Des assurances à l’évidence nécessaires mais pas suffisantes, car ce sont d’autres pays qui bénéficient de la construction des chaînes hôtelières alors que le tourisme algérien, fort de son potentiel de sites magnifiques, en aurait eu besoin pour consolider son décollage. Mais c’est à ce niveau qu’il apparaît nettement que l’investissement et la conduite des affaires ne s’accomodent pas avec l’étalage de bons sentiments. L’investissement étranger tout comme le transfert de technologie ont un prix. La mondialisation est mue d’abord par le pragmatisme, et les groupes financiers ne viendront pas dans des pays où ils n’auront pas la certitude de faire des profits, car les investisseurs ne sont ni des mécènes ni des bons samaritains. Ils s’engagent là où ils sont sûrs de gagner, pour ne pas dire qu’ils s’avancent en terrain conquis. Un tel état d’esprit est de nature à heurter l’orgueil atavique des Algériens qui connaissent trop le prix de l’indépendance pour accepter de ne pas être maîtres chez eux au moment où aucun investisseur étranger ne voudrait être un faire-valoir. C’est cette ambivalence qui explique, en partie, que les investisseurs veulent plutôt choisir de se fixer dans des pays où ils exigeront et obtiendront des concessions, y compris sur le versant sociologique. Ce n’est alors pas le seul infléchissement des entraves bureaucratiques qui libérera des initiatives réticentes. A telle enseigne qu’on voit se développer un échange tout de même inégal dès lors que l’Algérie n’est perçue par les acteurs de l’investissement productif que comme un marché et non pas comme un gisement d’opportunités mutuellement avantageuses. Sur un tel terrain, il y a beaucoup plus de reculs que de concrètes avancées. A la très notable exception de la téléphonie mobile qu’ont apporté des opérateurs étrangers à un secteur qui était sous monopole étatique.

Amine Lotfi