Sonatrach sous pression

Stagnation des niveaux de production

Sonatrach sous pression

El Watan, 5 novembre 2015

Un nouveau staff dirigeant a été installé hier à la tête de la compagnie nationale, notamment les deux vice-présidents Amont et Aval. Abordant la crise actuelle, le ministre de l’Energie, Salah Khebri, a pointé du doigt la responsabilité des dirigeants de Sonatrach dans la conduite des projets et affirmé que «nous sommes à la limite de nos capacités de production».

Un nouveau staff managérial a été installé, hier, à la tête de Sonatrach mettant fin à une période transitoire de plus d’une année, qui se révèle pénalisante pour le groupe pétrolier national. Ainsi, plus de cinq mois après la nomination d’Amine Mazouzi à la direction de Sonatrach, le management de la compagnie a été complété par l’installation de deux nouveaux vice-présidents Aval et Amont et deux directeurs généraux adjoints pour les activités transport par canalisations et commercialisation.

C ’est ainsi que Akli Remini et Salah Mekmouche ont été nommés respectivement vice-président Aval et vice-président Amont, tandis que Omar Maaliou et Arbi-Bey Slimane ont été installés dans les fonctions de directeur général adjoint activité commercialisation et directeur général adjoint activité TRC. Des spécialistes à des postes occupés jusque-là par des intérimaires.

Des nominations qui entrent en droite ligne, selon les propos d’Amine Mazouzi, PDG de Sonatrach, du nouveau schéma d’organisation de la compagnie. Un schéma qui permettra d’ailleurs à la compagnie de répondre aux objectifs assignés par le gouvernement en termes d’amélioration des réserves, d’augmentation des capacités de production et d’amélioration du taux de récupération des gisements.

Autant de facteurs permettant à Sonatrach de disposer de capacités de production afin de préserver ses parts de marché à l’international et de répondre au besoin de développement de l’économie nationale. Car il faut le dire, dans la période de crise actuelle, Sonatrach est en première ligne. Si le groupe pétrolier est aujourd’hui fortement sollicité, il est aussi mis à l’amende. En cause, les retards inscrits dans la réalisation de ses objectifs et dans tous ses projets de développement de gisement.

Le ministre de l’Energie, Salah Khebri, s’est d’ailleurs montré très ferme, hier, envers le staff de Sonatrach. Le ministre a ainsi noté des problèmes avec les partenaires de la compagnie nationale sur les projets en association qui «se plaignent de l’absence de réactivité». M. Khebri a évoqué aussi les retards dans la réalisation des projets de Sonatrach, estimant que «les retards sont quasiment généralisés sur tous les projets. Sonatrach affiche des objectifs dans le PMTE qui ne sont pas respectés et impactent les réalisations de tout le pays».

Le ministre, qui rappelle la dégringolade de la production du secteur observé depuis 2009, note aussi avec regret que «ces dernières années, c’est le secteur hydrocarbures qui a tiré vers le bas la croissance économique du pays», estimant que ceci est inacceptable et qu’il n’est plus question de voir la production hydrocarbures du pays décliner. Et d’ajouter que «le temps de l’impunité est révolu», que chacun des responsables de l’entreprise sera comptable de ses objectifs. Le premier responsable du secteur a aussi passé les organes sociaux de l’entreprise sur le gril, notamment le conseil d’administration auquel il reproche l’absence de la fonction de contrôle.

Un plan d’investissement révisé

Une fermeté qui tranche d’ailleurs avec l’attitude précédente dans le secteur, mais qui est surtout motivée par la situation de crise actuelle.
C’est dans ce sens que le ministre de l’Energie rappelle l’impact de la baisse des cours du brut sur l’économie du pays. Il estime toutefois que si le cours du baril est un élément exogène sur lequel on n’a pas de prise, le niveau de production est un facteur à la portée de Sonatrach. C’est ainsi qu’en revenant sur le déclin de la production, le ministre a précisé : «Si nous voulons aujourd’hui compenser quelque peu le manque des revenus de nos exportations (par une hausse de la production, ndlr), nous ne pouvons pas le faire. Nous sommes à la limite de nos capacités de production.»

Un aveu qui cache mal d’ailleurs la situation dans laquelle se trouve l’Algérie qui se bat, désarmée, pour la préservation de ses revenus et de ses parts de marché dans une arène énergétique minée par une guerre des prix la plus féroce qui soit. Et c’est à juste titre d’ailleurs que le premier responsable du secteur a estimé que «la fonction de Sonatrach est de doter l’Etat d’une capacité de production. Maintenant, l’utilisation de cette capacité est du ressort de l’Etat en fonction des prix». Cependant, pour répondre aux exigences du gouvernement, Sonatrach devra faire face au double défi de mener un plan d’investissement ambitieux tout observant une certaine rigueur.

C’est dans ce sens que M. Mazouzi a estimé hier, en marge de la cérémonie d’installation, que les investissements de Sonatrach seront globalement maintenus aussi bien dans l’exploration et la production que dans les activités Aval, TRC et pétrochimie. Cela sera toutefois marqué par le sceau de l’optimisation et de la priorisation selon la rentabilité des projets. Il estime aussi qu’un effort doit être fait non seulement en matière de réduction des délais, mais aussi de réduction des coûts dans la gestion de projet.

M. Mazouzi indique qu’une attention toute particulière sera accordée à l’engineering et au développement de capacités propres à Sonatrach en la matière. Le PDG de Sonatrach a également précisé que tous les projets d’investissement du groupe pétrolier sont identifiés, inscrits et maintenus ; cependant le plan de développement à moyen terme est en cours de révision. Interrogé sur la possibilité de voir l’enveloppe initiale consacrée aux investissements baisser, M. Mazouzi n’écarte pas une telle éventualité, mais précise que cela sera induit par l’effet de l’optimisation des investissements.
Roumadi Melissa