Naftal à la conquête de la Tunisie

Bien placée pour acquérir 35% de SNDP-AGIL

Naftal à la conquête de la Tunisie

Le Quotidien d’Oran, 25 mars 2006

Naftal a mis un pied sur le marché tunisien des carburants et des produits pétroliers. La société nationale de distribution des produits pétroliers, filiale à 100% de la Sonatrach, serait en effet sur le point d’acquérir 35% du capital de la société tunisienne de distribution des produits pétroliers, SNDP-AGIL.

Selon l’APS qui cite l’hebdomadaire tunisien «Réalités», la Sonatrach, qui se présente sous les couleurs de sa filiale Naftal, aurait dépassé les autres participants à l’appel d’offres sur les différents aspects du cahier des charges (technique, administratif, financier, etc.) et serait en position très favorable. Aucune indication n’a filtré sur le montant de l’offre algérienne, alors que la décision des autorités concernées concernant le choix du partenaire stratégique de SNDP-AGIL sera officiellement annoncée avant fin mars. Avec 188 stations-services, la SNDP-AGIL détient 47% (chiffres de 2004) de parts du marché tunisien de distribution de produits pétroliers. Le rachat par Naftal de 35% du capital de SNDP-AGIL aurait été évoqué lors de la visite d’Ahmed Ouyahia à Tunis en janvier dernier.

Si le géant algérien est retenu, ce sera une première pour les entreprises algériennes. D’autant que l’offre de Naftal intervient dans un contexte économique local marqué par les privatisations des entreprises publiques et l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. L’opérateur algérien figurait parmi les six ayant soumissionné, en septembre dernier, pour une participation au capital de SNDP-AGIL, qui avaient été alors préqualifiés. En convoitant la société tunisienne de distribution des produits pétroliers, Naftal confirme ses ambitions maghrébines. Avec la flambée des prix du pétrole et les résultats exceptionnels réalisés par Sonatrach ces dernières années, le distributeur national des carburants et produits pétroliers a l’ambition d’être un acteur maghrébin majeur. Plus grand pays producteur de gaz et de pétrole dans le Maghreb, l’Algérie veut utiliser le pétrole et le gaz pour étendre son influence dans la région. Naftal se prépare aussi à l’ouverture du marché algérien de la distribution des carburants, prévue prochainement à la concurrence étrangère.

Depuis quelques années, le ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, tente de donner à la Sonatrach une dimension internationale, avec l’objectif de réaliser 30% de son chiffre d’affaires d’ici quatre ans. En plus de la Tunisie, la compagnie nationale des hydrocarbures a déjà des investissements au Pérou, d’où elle peut approvisionner les marchés chilien, américain et mexicain. La Sonatrach a été invitée par le géant russe Gazprom pour participer à des investissements en Russie dans la construction de nouvelles usines de GNL. Gazprom et Sonatrach devront signer un mémorandum d’entente en avril prochain.

«La Sonatrach cherche à se développer sur l’international pour deux raisons principales. La première, c’est qu’avec la nouvelle loi sur les hydrocarbures, la concurrence sera de plus en plus rude sur le marché algérien. La seconde raison, c’est que les réserves algériennes de pétrole et de gaz sont limitées, d’où la nécessité pour Sonatrach de se préparer et d’avoir d’autres sources pour approvisionner le marché algérien», explique un spécialiste des questions énergétiques.

Et pour renforcer davantage ses positions et ne pas se contenter d’exporter le gaz et le pétrole, Sonatrach cherche des partenaires étrangers pour développer d’importants projets dans la pétrochimie. Des appels d’offres ont été lancés pour la réalisation de 13 projets pétrochimiques répartis à travers le pays. Des investissements de l’ordre de 14 milliards de dollars sur cinq ans. Ces projets attirent les plus grandes compagnies pétrolières mondiales qui y détiendront plus de 65% des parts. Les produits sont destinés au marché local, mais une bonne partie sera exportée. «Nous avons lancé en appel d’offres une dizaine de projets dans la pétrochimie qui ont suscité l’intérêt de grandes compagnies telles que l’américaine Exxon et la saoudienne Sabic», a dit Chakib Khelil, lors d’une conférence sur le secteur de l’énergie en Algérie, devant les étudiants et professeurs de l’Institut des sciences économique et de gestion du Caroubier. Ces projets concernent notamment la réalisation d’un complexe intégré de craquage catalytique du fuel d’une capacité de 4 millions de tonnes/an, un projet intégré de déshydrogénation du propane (PDH) pour produire du polypropylène, un complexe d’extraction de production de benzène (LAB) d’une capacité de 75.000 tonnes/an et un complexe intégré de production d’oléfines.

Le ministre a cependant ajouté que la partie algérienne «recherche le partenaire qui lui apporte le savoir-faire, le capital mais aussi le marché pour l’écoulement des produits». M. Khelil a précisé que ces projets s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle stratégie initiée par le secteur. «Nous avons une stratégie qui va permettre au secteur de la pétrochimie de se développer à travers notamment la tarification du gaz sur le marché national, très attractif pour les investisseurs dans ce domaine», a-t-il souligné. Il a également rappelé que la loi sur les hydrocarbures, mise en oeuvre en juillet dernier, offre des mesures incitatives.

L’administrateur délégué du groupe énergétique italien ENI, Paolo Scaroni, a souligné que l’Algérie est un «partenaire stratégique de premier plan» de l’Italie, et que, dans les prochaines années, il sera le premier fournisseur en gaz du pays. Au cours d’une rencontre avec l’ambassadeur d’Algérie à Rome, M. Rachid Marif, le patron de l’ENI s’est félicité de l’«excellence» des relations entre l’Algérie et le groupe italien et s’est engagé à promouvoir et à diversifier cette coopération, indique-t-on de source diplomatique. M. Paolo Scaroni a exprimé en outre au diplomate algérien sa volonté d’augmenter le volume actuel de gaz, qui s’élève à 25 milliards de m3, pour le porter dans les quatre prochaines années à 31 milliards de m3, faisant ainsi de l’Algérie le premier fournisseur de l’Italie.

M.Scaroni a évoqué, par ailleurs, sa prochaine visite en Algérie pour, a-t-il dit, «concrétiser la volonté et la détermination du groupe italien d’impulser une plus grande dimension à la coopération entre les deux parties», ajoute la même source. Le patron de l’ENI devrait évoquer avec les responsables algériens l’approvisionnement de son pays en gaz algérien.

Il devrait recevoir les assurances d’Alger sur l’approvisionnement en gaz naturel du marché italien.

L’Italie s’inquiète du rapprochement entre Alger et Moscou amorcé dernièrement avec la visite du président russe Vladimir Poutine en Algérie et de ses conséquences sur le marché du gaz. L’annonce de la conclusion en avril d’un accord entre le géant gazier russe Gazprom et Sonatrach n’a pas laissé indifférents les responsables italiens, qui ont accusé les deux compagnies de chercher à créer une sorte d’Opep du gaz.

D’autant que le rapprochement entre Alger et Moscou intervient après la crise gazière entre la Russie et l’Ukraine et la décision de l’Union européenne de diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie.

L’Algérie et la Russie sont les principaux fournisseurs de gaz pour l’Italie, le plus grand pays européen consommateur de gaz, qui a décidé de renforcer ses positions en Egypte. Des compagnies italiennes se sont d’ailleurs retirées du projet Medgaz pour investir dans le gaz égyptien.

Hamid Guemache