Incertitudes pétrolières

Incertitudes pétrolières

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 16 avril 2009

Les stocks américains de pétrole brut ont atteint la semaine dernière leur plus haut niveau depuis 1990, en passant à plus de 366 millions de barils. Les opérateurs s’attendaient à une hausse bien moins importante et, très mécaniquement, les prix du baril ont piqué du nez.

La tendance à la morosité a été confirmée par la révision à la baisse des prévisions de demande mondiale de l’OPEP. Les prévisionnistes de l’organisation de Vienne estiment que la baisse de la demande sera de l’ordre de 1,6%, soit une baisse de 1,37 million de barils par jour de la demande cette année. La demande mondiale est maintenant estimée à 84,18 millions de barils par jour, contre 84,61 millions attendus en mars, dans son précédent rapport.

A ce stade, nul ne peut prévoir quand les niveaux de consommation américains vont retrouver leur courbe ascendante et ramener les stocks, et les prix, vers des zones plus habituelles. Pour les experts, la constitution rapide de réserves très importantes est l’indicateur le plus clair de l’asthénie économique des Etats-Unis. Pour les producteurs, cet élément est d’autant plus déprimant que, la belle saison venant, les besoins du principal marché mondial ne vont certainement pas augmenter.

Personne ne doute que les prix de l’énergie retrouveront à terme leur spirale ascendante et beaucoup craignent que l’effet pendulaire ne soit exacerbé lors de la reprise tant espérée de l’économie mondiale. On n’en est pas là, loin s’en faut.

Les discours optimistes, ou lénifiants, des dirigeants occidentaux ne peuvent pas masquer la réalité : la planète s’enfonce dans la crise. Les éléments qui donneraient l’espoir d’une sortie du tunnel ne sont toujours pas perceptibles. Au contraire. La consommation des Américains, véritable moteur de l’économie mondiale, a encore chuté de 1,1% au mois de mars. L’ensemble de l’économie étasunienne, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), a chuté au taux annuel de 6,3% au cours des trois derniers mois de l’année 2008, sa plus importante baisse en 25 ans. Les économistes pensent que l’économie continuera de dégringoler au premier trimestre de cette année. Le plus frappant est la modification du comportement des ménages américains observée depuis le début de la crise des crédits hypothécaires. Les Américains se mettent à épargner et délaissent les énormes voitures, gouffres à carburant, pour des véhicules moins gourmands et plus respectueux de l’environnement.

Si les consommateurs les moins prévoyants du monde et les plus indifférents à la préservation du milieu changent de modèle, ce sera là sans doute un des rares effets positifs de la crise.

Le maintien des prix des hydrocarbures à un niveau réduit et l’impossibilité de déterminer sérieusement une échéance à ce qui ressemble de plus en plus à une dépression, invite à la plus grande prudence. La situation de la monnaie américaine est elle-même un sujet de préoccupation pour les producteurs. Les banques américaines n’ont pas fini de traverser la zone de turbulences. L’économiste Nouriel Roubini juge qu’elles sont techniquement en faillite et que leurs pertes atteindraient un total, sidéral, de 3.600 milliards de dollars.

Ainsi, même si le prix du baril peut remonter à moyen terme, nul ne sait ce que vaudrait la monnaie dans laquelle seront libellées les transactions pétrolières.