Gaz de France courtise Sonatrach

Son P-dg prône une coopération plus audacieuse

Gaz de France courtise Sonatrach

Par : N Ryad, Liberté, 30 juin 2007

Le P-DG de Sonatrach a fustigé “les rigidités des pays consommateurs et le protectionnisme qu’ils apposent à l’entrée des producteurs en tant qu’acteurs à part entière sur un marché gazier européen pourtant ouvert et dérégulé”, allusion aux restrictions espagnoles à l’accès du gaz algérien sur le marché espagnol.

Les patrons de GDF et de Suez, MM. Jean-rançois Cirelli et Gérard Mestrallet, qui ont participé jeudi dernier, à Alger, à une table ronde intitulée “Sécurité d’approvisionnement versus sécurité de marché, une interdépendance recherchée et acceptée”, organisée par l’Observatoire méditerranéen de l’énergie, campaient dans une attitude de mutisme. Ils sont restés muets sur une éventuelle fusion avec Sonatrach proposée par le chef de l’État français Nicolas Sarkozy, en échange d’une coopération avec l’Algérie dans le domaine du nucléaire civil. “Nous n’avons pas reçu de mandat du gouvernement français pour discuter avec Sonatrach sur ce point. Il est vrai que le gouvernement français veut une relation entre la France et l’Algérie beaucoup plus forte, beaucoup plus audacieuse. Tout cela devra être fait sur la base d’intérêts mutuels”, nous a indiqué le P-DG de Gaz de France. Ce qui est sûr, c’est que ces deux grands énergéticiens européens veulent développer leur coopération avec Sonatrach. “Nous allons intensifier notre coopération avec Sonatrach”, nous a affirmé le P-DG de Suez, Gérard Mestrallet. Ce qui est également certain, c’est qu’à la veille de la visite du chef d’État français, des discussions ont eu lieu entre les P-DG des trois compagnies.
L’accès aux réserves de gaz et à la sécurité d’approvisionnement constitue une forte préoccupation côté français. Le P-DG de Gaz de France, en ce sens, a évoqué le projet de développement du périmètre appelé Touat, situé au Sud-Ouest où des réserves de gaz, estimées entre 80 et 100 milliards de mètres cubes, ont été mises au jour. Des travaux d’exploration se poursuivent. GDF espère produire du gaz en association avec Sonatrach à travers l’exploitation de ces accumulations. La décision sur la commercialité de ces découvertes et le développement du gisement dépend des autorités algériennes. Elle pourrait intervenir dans les prochains mois, voire l’année prochaine. C’est pourquoi Gaz de France courtise Sonatrach qui, de surcroît, pourrait lui garantir des fournitures supplémentaires de gaz. Dans ce cas, Sonatrach pourrait exiger un échange d’actifs, un principe cardinal de la politique d’ouverture du secteur désormais conditionnée à un tel principe. Que peuvent proposer alors Gaz de France et Suez à Sonatrach ? Les deux patrons sont également restés muets sur ce point. Le marché du GNL, appelé à connaître une forte expansion au cours des prochaines années, constitue un domaine privilégié de coopération.
Des prises de participation de Sonatrach dans des terminaux regazéification, voire des unités de GNL, ont été proposées, en vue de l’accès notamment au marché américain. Les extensions du Medgaz et du Galsi transportant du gaz algérien vers le territoire français restent, elles, au stade des idées.

M. Meziane, P-DG de Sonatrach : “La situation du projet Medgaz est inacceptable”
En résumé, le rapprochement se précise avec GDF et Suez dans le sens d’un partenariat stratégique. En échange d’un approvisionnement sûr en gaz, l’Algérie exige un accès à des actifs, à des marchés ou à des technologies. En d’autres termes, la France, via GDF et Suez, veut beaucoup plus de gaz algérien, un accès aux réserves.
L’Algérie recherche une contrepartie. En ce sens, le P-DG de Suez s’est engagé à un transfert de technologies et de capitaux vers l’Algérie, à l’issue de la table ronde organisée jeudi dernier par l’Observatoire méditerranéen de l’énergie, en réponse à l’appel exprimé sur ce point par le P-DG de Sonatrach, au cours de son intervention.
Autre point saillant de la rencontre : ce dernier a fustigé “les rigidités” des pays consommateurs et le protectionnisme qu’ils apposent à l’entrée des producteurs en tant qu’acteurs à part entière sur un marché gazier européen réputé pourtant ouvert et dérégulé. Il a affirmé que la situation du projet Medgaz était inacceptable au regard de la sécurité de l’approvisionnement comme au regard de la sécurité de marché, allusion aux restrictions espagnoles à l’accès du gaz algérien sur le marché espagnol. En clair, la Commission nationale de l’énergie espagnole (CNE) limite, entre autres, à 1 milliard de mètres cubes/an la commercialisation directe par Sonatrach du gaz algérien sur le marché espagnol via Medgaz, alors que la part qui lui revient, eu égard à sa participation, est de 3 milliards de mètres cubes par an. En ce sens, le directeur général de l’OME a déclaré, en marge de la rencontre, qu’“en tant qu’expert, je pense que la CNE a une position intenable. Elle doit changer de position (concernant ces restrictions)”.
Dans une communication, cet ancien dirigeant de Sonatrach a abordé, dans un point de situation, les scénarios d’évolution de l’offre et de la demande en gaz en Europe. “Les différentes estimations de la production domestique et de la demande en Europe font apparaître un besoin d’importation en 2030 compris entre 480 et 600 milliards de mètres cubes contre 300 milliards de mètres cubes en 2005. Cette situation devrait être qualifiée de préoccupante”, a-t-il observé. La plus grande part de l’offre proviendra de la Russie, de la Norvège et de l’Algérie qui recèlent d’importantes réserves. La question est de savoir si les investissements nécessaires à la mise à disposition de ces volumes de gaz pourront être réalisés à temps, a-t-il observé. C’est une grande incertitude sur la sécurité d’approvisionnement en Europe. Cette situation crée une interdépéndeance entre les pays consommateurs et les pays producteurs. Car, sans sécurité de marché sur le long terme, on voit mal les pays producteurs réaliser les investissements nécessaires pour répondre à la croissance de la demande de l’Union européenne. Le président de l’ENI, Roberto Poli, a résumé ainsi cette problématique : “Si l’on n’a pas une vision à long terme, si l’on n’investit pas, le problème (de la sécurité d’approvisionnement) ne sera pas résolu.”
Enfin, il ressort de la table ronde une convergence de positions des grands énergéticiens européens Beni, GDF, Suez, Enel, Cepsa, Total, sur la nécessité de relations équilibrées entre les pays consommateurs et les pays producteurs, voire entre compagnies clientes et fournisseurs, du développement de la coopération entre compagnies du bassin méditerranéen pour favoriser l’intégration énergétique, une trentaine étaient présentes à Alger. Reste à convaincre la commission européenne et les politiques à “accepter cette interdépendance”.

Jean-François Cirelli, P-DG de Gaz de France “Une relation plus forte, plus audacieuse avec l’Algérie”
“Nous avons des relations formidables, excellentes avec Sonatrach. Il y a une grande proximité entre l’Algérie et la France. GDF a été le premier à développer en partenariat avec Sonatrach une chaîne de GNL depuis les années 1960. Nous avons l’intention de produire du gaz en Algérie. Nous y effectuons des travaux d’exploration. Des réserves de gaz ont été découvertes. Nous attendons la décision de commercialité. Nous n’avons pas reçu de mandat pour discuter avec Sonatrach (sur la fusion). Il est vrai que le gouvernement français veut une relation entre l’Algérie et la France plus forte, plus audacieuse. Tout ce que nous pouvons faire devra être fait sur la base d’intérêts mutuels…”

Gérard Mestrallet, P-DG de Suez “Intensifier la coopération avec Sonatrach”
“Nous avons un dialogue permanent avec Sonatrach. J’ai des discussions à Alger avec le P-DG de Sonatrach. Nous allons intensifier notre coopération avec Sonatrach.”

N. R.