L’enjeu du gaz algérien entre Bruxelles et Moscou

Le ministre russe de L’Énergie à Alger demain

L’enjeu du gaz algérien entre Bruxelles et Moscou

El Watan, 18 janvier 2007

Le ministre russe de l’Industrie et de l’Energie, Victor Khristenko, effectuera une visite officielle en Algérie du 19 au 22 janvier, a annoncé hier le ministère de l’Energie et des Mines repris par l’APS.

Un mémorandum d’entente sera signé à cette occasion entre le ministre russe et son homologue algérien Chakib Khelil. M. Khristenko visitera des installations gazières à Hassi R’mel et dans la zone industrielle d’Arzew. Le ministre russe devrait également rencontrer le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, et le ministre des Finances, Mourad Medelci. La délégation russe, forte d’une quinzaine de personnes, comprend des proches collaborateurs du ministre ainsi que des dirigeants des grands groupes pétroliers et gaziers de la Russie, dont le vice-président de Gazprom, Alexandre Medvedevera, et des responsables de Rosneft et de Loukoil. Sonatrach a signé en août 2006 avec Gazprom et Loukoil des protocoles d’accord de coopération à l’occasion d’une visite à Moscou de M. Khelil. Le protocole d’accord entre Gazprom et Sonatrach porte sur « l’exploration, l’extraction, le transport d’hydrocarbures, le développement d’infrastructures gazières, le traitement et la vente de gaz » en Russie, en Algérie ou dans des pays tiers, ainsi que de possibles « échanges d’actifs », selon le géant gazier russe. Gazprom a également évoqué la participation de Sonatrach au projet baltique d’usine de liquéfaction de gaz, soit un investissement de plus d’un milliard de dollars, en association avec les groupes canadien et britannique PetroCanada et BP. La Russie est le premier pays producteur de gaz et le deuxième en pétrole dans le monde derrière l’Arabie Saoudite. Loukoil envisage, pour sa part, de collaborer avec Sonatrach dans l’exploration et le développement de gisements gaziers et pétroliers. Elle estime que l’Algérie « est l’un des pays prioritaires » pour son expansion internationale.
Contexte tendu

Le timing de la visite intervient alors que l’Europe, dépendante de l’Algérie, de la Russie et de la Norvège dans le domaine du gaz, ouvre le débat sur son autonomie énergétique. La chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays assure actuellement la présidence du conseil de l’UE, préconise la création d’un réseau européen de gazoducs pour garantir l’indépendance énergétique de l’UE. L’Algérie, qui semble avoir plusieurs fers au feu, veut avancer dans sa coopération avec la Russie, tout en gardant un œil bienveillant sur ses voisins du nord de la Méditerranée : la commission européenne ne cache pas sa volonté de concrétiser un accord de coopération énergétique avec l’Algérie, tout en démontrant à Moscou que l’UE ne dépend pas que du gaz russe. La Russie et l’Algérie assurent à eux deux presque 40% des importations de gaz européennes (avec respectivement 160 et 60 milliards de mètres cubes par an). Sonatrach, l’un des principaux fournisseurs de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal et de la France, ambitionne de devenir à terme le deuxième fournisseur de l’UE derrière Gazprom. La compagnie algérienne vient de lancer une offensive sur le marché européen pour accéder au plus grand terminal gazier d’Europe, à Montoire en France. L’UE craint la constitution « d’un cartel du gaz » ( ?). Les Européens disent avoir été rassurés par leur partenaire algérien. Le commissaire européen à l’Energie, Andris Piebalgs, le président du conseil italien, Romano Prodi, et le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, se sont succédé à Alger en novembre pour s’enquérir des intentions des deux partenaires. Mais comme le souligne un analyste de l’agence d’information russe RIA Novosti, Vassili Zoubkov, « l’Union européenne représente depuis longtemps un cartel gazier sur le marché mondial du gaz naturel, et il semble bien que la politique européenne commune en matière d’importation de gaz fasse fi des intérêts des producteurs. Son essence ? Légaliser les reventes dans les volumes voulus et aux prix voulus. Les contrats de fourniture de gaz étant conclus avec différents pays, à différentes époques, à différentes conditions et à différents tarifs, y compris préférentiels, la pratique des reventes de gaz qui a débuté dans les années 1990 cause à la Russie un préjudice annuel de 700 millions de dollars ». Est-ce dans ce sens qu’intervient la visite actuellement du ministre de l’Energie, M. Khelil, en Pologne pour parler d’éventuelles livraisons de gaz algérien à la Pologne alors même que Mme Merkel a relancé la proposition de créer une liaison gazière entre l’Allemagne et la Pologne qui permettrait de livrer à ce pays le gaz qui sera acheminé par la mer vers le futur terminal gazier allemand de Wilhelmshafen. Proposition rejetée par Varsovie. La visite du ministre algérien en Pologne intervient également alors que les relations entre le géant russe Gazprom et le gazier polonais PGNiG sont « dans l’impasse », à la suite des revendications de Gazprom concernant le transit de gaz par la Pologne. Gazprom a revendiqué des « compétences élargies » au sein d’EuRoPol Gaz, une société mixte qui gère le tronçon polonais du gazoduc de Iamal acheminant du gaz sibérien en Europe. Le géant russe a aussi « contesté » les tarifs perçus par la Pologne pour le transit de gaz par son territoire. Cela intervient après la crise avec les voisins biélorusse et ukrainien sur les prix du gaz.

Adlène Meddi