Alnaft et Sonatrach face à la chute de l’attractivité algérienne

Alnaft et Sonatrach face à la chute de l’attractivité algérienne

Samy Injar , Maghreb Emergent, 06 Septembre 2010

Le 3e appel d’offres lancé par l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) le jeudi 2 septembre, est édifiant sur les difficultés de l’heure de l’amont pétro-gazier algérien pour attirer les compagnies étrangères, mécontentes de la rentabilité de l’exploitation des nouveaux gisements, à cause d’une fiscalité jugée défavorable.

Alnaft ne peut pas changer la loi. L’agence propose de négocier largement les dispositions contractuelles. C’est le « compromis d’attente » qui porte la touche de la nouvelle équipe dirigeante du secteur de l’énergie autour de Youssef Yousfi, ministre de l’énergie et des mines à la place de Chakib Khelil. Les futurs candidats à l’acquisition de permis de recherche sur les 10 blocs d’hydrocarbures proposés dans ce troisième appel d’offres national et international pourront suggérer des changements dans les confections des contrats, au cas par cas. Cette possibilité n’est pas inédite. Elle semble toutefois occuper une place plus importante dans la conduite de cet appel d’offres comme le laisse apparaître la communication autour de son lancement. Une feuille de route a été rendue publique à cet effet. Elle enchaine de début octobre 2010 au 10 janvier 2011, séance de data room techniques sur les blocs proposés, séance de clarifications avec les compagnies pré sélectionnées au sujet des dispositions contractuelles et réglementaire, et délai d’intervention pour les compagnies afin de proposer des changements dans les documents contractuels. Ce processus de sélection suggère une part d’influence des candidats dans la production des contrats finaux en fonction de la spécificité de chacun des blocs convoités. « Cela peut s’avérer un simple artifice pour ne pas subir une désaffection d’entrée dans cet appel d’offres. Mais il faut bien noter que nous sommes loin des conditionnalités du premier appel d’offre de l’Alnaft en 2008. Il était exigé alors aux compagnies soumissionnaires de proposer d’emmener Sonatrach dans un amont pétrolier à l’étranger » explique un ancien dirigeant de la compagnie algérienne.

Yousfi et le retour au partage de production

Les « assouplissements » d’Alnaft pourraient bien toutefois ne pas suffire pour éviter à ce 3e appel d’offres le sort des deux premiers. Seuls 4 blocs sur 45 mis en concession dans 16 bassins ont été attribués au terme du premier appel d’offres, lancé en 2008. Le second appel d’offres, bouclé en décembre 2009 n’a pas eu plus de succès, trois permis ont été attribué sur les 10 mis en concurrence. A la source de cette chute de l’attractivité du domaine minier algérien, le cadré légal et réglementaire de l’investissement instauré par l’amendement de la loi sur les hydrocarbures à l’automne 2006, puis par l’instauration d’une taxe sur les superprofits, une année plus tard. Plusieurs grandes compagnies étrangères présentes en Algérie ont fait parvenir au cabinet de Chakib Khelil des scénarios d’exploitation de leur gisement « à profits négatifs » en dessous d’un seuil moyen des cours du brut et du million de Btu de gaz naturel. « Le système fiscal appliqué est totalement inadapté aux petits gisements épars. Leur exploitation devient non profitable pour les partenaires de Sonatrach. Or depuis dix ans il ne reste plus que de petits gisements à découvrir en Algérie » explique Moncef Koudari, géologue consultant dans le pétrole. La préférence déclarée des partenaires de Sonatrach serait le retour à la loi antérieure à avril 2005, dite de partage de production. Ce cadre légal instauré en 1986 pour les découvertes pétrolières et étendu au domaine du gaz naturel en 1991, a permis de donner un « second âge pétrolier » à l’Algérie à partir du milieu des années 90. Le ministre de l’énergie et des mines Youcef Yousfi, est réputé attaché au partage de production, pour en être un des inspirateurs. Mais sa marge de manœuvre politique, quatre mois après son retour à la tête du secteur, parait encore trop étroite pour qu’il engage une réforme de la loi Khelil amendée.

Un appel d’offres orienté pétrole

Le 3e appel d’offres d’Alnaft s’engage donc sur un terrain d’affaire contesté par les partenaires de Sonatrach. Des gisements gaziers découverts dans le Gourara pourraient voir leur développement « différé », « tant que le système fiscal actuel n’a pas été revu ». Le gaz naturel semble encore plus sensible à la perte d’attractivité provoquée par la nouvelle fiscalité appliquée aux partenaires de Sonatrach. C’est probablement pour cela que les 10 blocs d’hydrocarbures de ce 3e appel d’offres d’Alnaft, répartis sur 5 bassins du Sud algérien, sont orientés pétrole. « Ils présentent un haut potentiel en ressources pétrolières » affirme l’agence. Ces blocs sont situés dans les bassins de Rhourde Rouni II, Rhourde Fares, Rhourde El Louh, Zemlet en naga, Timisit est, Bordj Omar Driss Nord, Isarene Ouest, Hodna Ouest, Guern Cheih et Belrhazi. La conjoncture des prix du baril, en net redressement depuis un an, devrait contribuer à éviter à Alnaft un troisième insuccès consécutif. La relance de la recherche exploration à grande échelle n’est, pour autant, dans les coulisses de Sonatrach, pas espéré pour cette fois. Ouverture des plis mars 2011.