L’échec du patronat

Après la réunion de jeudi avec le gouvernement

L’échec du patronat

El Watan, 18 décembre 2004

C’est un patronat plutôt bredouille qui est sorti de la première rencontre bilatérale du genre réunissant le privé national et le gouvernement. Le temps pris par cette bipartite, 17 heures, a pourtant laissé dire que les négociations étaient dures et que des acquis allaient être arrachés par le patronat. Mais à la lecture du procès-verbal de la rencontre, ce sont les arguments du gouvernement qui ont finalement prévalu.

A la sortie de la réunion, la réaction du président de la CAP, Boualem M’rakch, a été pour le moins mitigée sur les résultats de cette bipartite. L’opérateur privé n’a pas préféré parler de résultats, mais plutôt de « dynamique et de démarche enclenchée qui, avec plus de persévérance, va certainement aboutir ». En effet, sur les quatre principaux points des dix inscrits dans le plan d’action synthétisant les revendications des syndicats patronaux CNPA-CIPA-CAP-CGEA, à savoir le financement de l’investissement, le foncier industriel, la fiscalité et la privatisation, rien n’a été concédé au patronat national. Bien plus, le gouvernement n’a fait que rappeler à ses interlocuteurs les mesures encourageantes, à plus d’un titre, déjà entreprises par l’Etat à leur égard concernant les quatre points précités et s’attend, en revanche, à plus de responsabilité et de clarté de la part des opérateurs privés. Au chapitre du financement de l’investissement, en réponse aux revendications du patronat à ce sujet, le gouvernement a relevé que « le portefeuille des crédits bancaires concerne aujourd’hui 120 000 entreprises parmi lesquelles les entreprises publiques ne représentent que 1% ». S’agissant de la question des taux d’intérêt et de la durée des crédits, le gouvernement a rappelé que ces questions « relèvent légalement de la compétence, d’une part, de la Banque d’Algérie et, d’autre part, des banques elles-mêmes et que la politique du crédit en Algérie doit obéir à des règles universelles ».

Crédits bancaires

Quant aux taux débiteurs applicables aux crédits bancaires, le gouvernement affirme partager le souci du patronat de voir ces taux évoluer « vers une baisse que justifient les paramètres macroéconomiques du pays ». Mais dans le même temps, le gouvernement a insisté sur la coopération des opérateurs privés pour « compléter rapidement l’information réelle sur les risques crédits, améliorer par là même les réponses favorables des banques aux demandes de crédit et, partant, éradiquer le trafic auquel se livrent des agents économiques en démultipliant les crédits obtenus auprès de banques différentes sur la base des fausses informations qu’ils communiquent ». Par ailleurs, le gouvernement a rappelé à ses interlocuteurs les efforts déjà déployés par les pouvoirs publics pour encourager le crédit à l’investissement, à l’instar notamment de la création d’une caisse de garantie de l’investissement à la PME avec un capital de 30 milliards de dinars, d’une société de capital-risque d’un capital de 3,5 milliards de dinars et de l’instauration par le biais de la loi de finances pour 2005 d’une bonification des taux d’intérêt pour les investissements réalisés par les PME. Au registre du foncier industriel, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a choisi l’ironie pour signifier à ses interlocuteurs l’incapacité des pouvoirs publics à prendre en charge leurs revendications en la matière. « Ne vous attendez pas à ce que vous sortiez du Palais du gouvernement avec des hectares sur vos épaules », leur a-t-il lancé. Le gouvernement a tenu, en revanche, à rappeler que la question du foncier industriel ne se pose pas à travers le pays, mais il existe dans certaines régions où elle doit être traitée. En même temps que l’Etat entend inciter l’investissement à s’orienter vers toutes les régions, y compris celles actuellement défavorisées. Le gouvernement a annoncé au patronat que l’Etat vient de mettre à la disposition des investisseurs privés 4000 lots à travers le territoire national, situés dans des zones industrielles, et 4000 autres à moitié équipés attendent l’investissement dans le cadre de la politique du développement régional. Un appel a été aussi adressé aux opérateurs privés pour qu’ils puissent entrer dans le capital des sociétés de gestion des zones industrielles. Sur l’épineux dossier de la fiscalité, les propositions du patronat en la matière, notamment la suppression des taxes douanières sur les matières premières, la révision à la baisse de l’IRG, l’exonération totale de l’IBS des bénéfices investis, la suppression de la TAP et du VF…, le gouvernement a également signifié une fin de non-recevoir à ses interlocuteurs.

Fiscalité

Il rappellera à ce sujet qu’en matière de fiscalité « des mesures multiples ont été prises ces dernières années dans ce domaine, notamment les réductions opérées sur l’IRG et sur l’IBS, les baisses successives sur la TAP déjà ramenée à 2%, les baisses successives effectuées sur le VF ramené à 6% en 2000 à 1% en 2005 ». S’agissant des tarifs douaniers, ces derniers, précise le gouvernement, « ont été arrêtés dans le cadre des engagements internationaux contractés par le pays et ne sauraient donc être remaniés sauf dans le cadre du démantèlement progressif et intégral des protections tarifaires ». Il en est de même pour les taux de la TVA qui « doivent être équitables entre les productions locales et importées et qui évolueront graduellement à l’avenir vers le taux unique qui s’impose aux membres de l’OMC ». Quant à la question de la privatisation des entreprises publiques, les organisations patronales ont, pour rappel, émis le vou d’être privilégiées dans la reprise de entreprises à vendre et dans les marchés publics. Le gouvernement qui, tout en réitérant sa ferme volonté de passer à l’acte de privatiser ou de conclure des partenariats, a tenu à préciser que « le processus de privatisation et de partenariat ne pourrait être conditionné par les repreneurs à un accès prioritaire ou préférentiel aux marchés publics ». Notons enfin qu’outre les quatre organisations patronales qui ont pris part à cette première bipartite du genre, l’Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP) et une cinquième organisation patronale, en l’occurrence l’Association des femmes algériennes chefs d’entreprise, dite SEVE, présidée par Mme Yasmina Taya Ouzrout, ont été également invitées à cette réunion bilatérale.

Salah Slimani