L’eau, un droit de l’homme ?

L’eau, un droit de l’homme ?

par El-Houari Dilmi, Le Quotidien d’Oran, 29 mars 2009

L’eau est-elle un «simple besoin» ou un «droit fondamental de l’homme» ? Le 5e Forum de l’eau, tenu dernièrement à Istanbul, n’a pas réussi à apporter une réponse qui vaille à cette lancinante question. Sinon, en vertu de quel «droit» un Américain, par exemple, consommerait-il vingt fois plus d’eau qu’un Africain, au moment où plus d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès au précieux liquide ?

Pourtant, une vérité vieille comme le temps n’a de cesse de nous (ré) apprendre que l’eau a toujours été au centre de toute forme de vie sur Terre et une ressource au centre de toute stratégie de développement durable. Ce postulat, pourtant si patent, est malheureusement loin d’être partagé par tous sur cette planète tourmentée et dangereusement menacée par la «main» forcément coupable de l’homme.

A commencer par nous autres Algériens, où cette ressource naturelle, objet d’un «stress permanent», a de tout de temps été perçue comme une «denrée gratuite», presque aussi «futile» que l’air que nous respirons.

Or, si personne ne peut valablement dénier aux pouvoirs publics les efforts colossaux consentis pour rattraper un grand retard en matière de gestion et de mobilisation des ressources hydriques, la réalité n’en reste pas moins alarmante quand on sait que des données officielles indiquent que les ressources en eau dans notre pays atteindront leurs limites à l’horizon 2020-2025. L’Algérie étant un pays qui n’a rien «d’extraterrestre», la crise du climat va aggraver la dégradation des ressources naturelles, notamment sur les hauts-plateaux et la steppe qui constituent de véritables potentiels agricoles, et donc censés «assurer» la sécurité alimentaire du pays.

En raison de sa situation dans une zone de transition entre les régimes tempérés et subtropicaux, l’Algérie présente une grande sensibilité aux variations climatiques, avec une agriculture qui occupe moins de 20% des terres viables du nord du pays. Ceci pour parler de la «dimension collective» de la gestion d’une ressource aussi stratégique que l’eau. Mais que dire du gâchis au quotidien induit par notre «modèle» de consommation à nous autres Algériens, quand on sait qu’une canalisation éventrée ou une chasse d’eau qui fuit gaspillent en un an l’équivalent de la consommation d’une wilaya des hauts-plateaux ? Parce qu’il est tout trivialement anormal, et même inacceptable qu’une bouteille d’eau minérale achetée à la superette du coin coûte plus cher qu’un mètre cube d’eau, servi sur le réseau public d’alimentation en eau potable, le «réflexe» dévastateur, ancré dans nos mentalités d’Algériens, que l’eau est «gratuite», fait que chacun de nous en fait usage à sa guise, quitte à laisser couler son évier de cuisine pendant des années, ou simplement astiquer sa voiture avec l’équivalent d’un… château d’eau.

Qui dit eau dit énergie, et c’est là que la «marchandisation» de l’eau est peut-être une solution pour arriver à un juste équilibre entre les besoins réels de secteurs aussi vitaux que l’agriculture et l’industrie et ceux des ménages, qui ne doivent pas tirer la langue si le prix de l’eau venait à être indexé sur celui du pain ou du lait par exemple.

«L’échec» affligeant des travaux du 5e Forum de l’eau nous rappelle bien à quel point l’accès à l’eau est un enjeu «trop dangereux», que l’on prédit qu’il sera, à coup sûr, à l’origine des terribles guerres qui restent à venir.

Et même si notre pays dispose d’une soixantaine de barrages et de treize stations de dessalement – dont deux sont fonctionnelles -, ce qui en soi est un motif d’encouragement, rien ne dit que l’eau ne demeure pas la mère des grandes batailles qu’il reste encore à remporter dans une stratégie de développement global où l’eau s’impose comme le véritable nerf de la guerre…